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Des converties au Koweït : des jupes au Abayates

Des converties au Koweït : des jupes au Abayates

Comme toutes les femmes musulmanes ferventes ici, la silhouette en cape noire dégageait un air de mystère, comme si elle venait d’un autre monde. Alors qu’elle disparut à l’intérieur d’un immeuble, il était facile d’imaginer ses origines : élevée dans la foi, enveloppée dans une Abaya depuis les premiers signes de puberté. Mais en réalité, la femme qui s’est ruée délibérément à l’intérieur des hauts murs de ‘Women's Committee of the Revival of Islamic Heritage Society (RIHS)’ était une américaine d’éducation protestante, qui s’était convertie à l’Islam aux alentours de ses vingt ans. Elle et d’autres femmes musulmanes converties se rencontrent de manière hebdomadaire dans différentes organisations de la ville, pour discuter des problèmes rencontrés avec leur nouvelle croyance. Elles sont nombreuses ; des milliers de musulmans vivant au Koweït sont d’anciens chrétiens, et nombre d’entre eux ont adopté des pratiques qui semblent antithétiques aux mœurs de ceux qui ont été élevés en Europe ou aux Etats-Unis d’Amérique.
Hazel, une femme anglaise convertie à l’Islam en 1981, a donné la raison pour laquelle elle porte une Abaya : « C’est essentiellement par pudeur. Lorsque vous dissimulez votre corps, vous vous comportez les uns avec les autres en tant qu’êtres humains sans être déstabilisé.» Iman, une autre convertie, mentionne que le voile est une obligation mentionnée dans le Coran, et il est loin d’être aussi contraignant que certains le croient. Elle a dit : « La traduction du mot ‘Hidjâb’ (le mot utilisé pour décrire ce qui cache les cheveux, les bras et les jambes) est ‘bouclier ou protection’, et il protège la femme de tout mal ou corruption. Il ne limite pas la liberté de la femme de se déplacer, et d’effectuer tous ses devoirs habituels. »
Il est mentionné dans le Coran, de manière plutôt ambiguë, que les femmes doivent se couvrir de la tête à la pointe des pieds. Mais le hadith ou la Sunna, l’ensemble des paroles du prophète Mohammed () et la description de sa vie, dit que les femmes doivent se couvrir tout le corps à l’exception des mains et du visage. Il n’est spécifié nulle part qu’elles doivent s’habiller en noir, c’est plus une coutume de la région qu’une exigence islamique.
Pour Linda*, une femme canadienne qui s’est convertie à l’Islam quand elle avait la trentaine, mettre le Hijâb est quelque chose à laquelle elle a dû s’habituer petit à petit. Linda, qui avait rencontré et s’était marié avec un Egyptien après qu’elle se fut convertie, a dit : « Vivre au Moyen Orient a beaucoup facilité les choses. » Elle pense qu’elle serait peut-être toujours habillée à la mode occidentale si elle et son mari n’avaient pas vécu un an en Arabie Saoudite juste après leur mariage. Á la fin de cette période, elle portait le voile. Linda se rappelle être devenue progressivement de plus en plus mal à l’aise dans certains de ses vêtements. Un tournant s’est produit quand elle a mis une robe chemisier à l’occasion d’une soirée avec des amis. Alors qu’elle et son mari les attendaient dans le hall de leur immeuble, elle s’est rendue compte combien elle était mal à l’aise dans sa robe. Après l’accord de son mari, elle se précipita en haut et mit quelque chose de plus ample et plus long. Après cet incident, elle acheta sa première Abaya.
C’est également de manière progressive qu’elle se couvrit les cheveux. Elle a dit : « Une amie me donna deux foulards légers, en mousseline bleue et beige. » Elle les mettait de temps en temps, parfois sur la tête, jusqu’à ce qu’elle se fasse à cette idée. Ensuite, elle commença à mettre des foulards traditionnels plus opaques, attachés au niveau de la gorge et couvrant le cou. La décision de mettre le Hijâb fut prise de concert avec son mari après beaucoup de discussions. Aujourd’hui, Linda aimerait se couvrir encore plus en mettant un manteau qui se ferme de devant et ne s’ouvre jamais en dévoilant les vêtements qu’on porte dessous, comme les Abaya le font parfois. Cependant son mari s’y oppose ; donc pour le moment, elle continue à mettre la ‘Abaya. Elle a expliqué : « Il veut que je sois jolie, et il pense que ce n’est pas parce qu’une personne met le Hijâb qu’elle ne peut pas être jolie. » Fidèle à sa parole, Linda est toujours bien habillée sous sa ‘Abaya, et elle prend un soin évident de son apparence. Bientôt, sa fille adolescente devra commencer à mettre le Hijâb, une transition qui les inquiète un peu toutes les deux. Linda a expliqué : ‘Elle est angoissée à ce sujet, car peu nombreux sont les enfants (dans son école anglaise) qui le font. Ce sera un peu difficile pour elle. J’aurais aimé que cela vienne naturellement, plus tôt.»
Une autre visiteuse régulière du RIHS est Badriya*, une pharmacienne égyptienne d’une trentaine d’années environ, qui a vécu au Canada pendant de nombreuses années. Même si elle a été élevée en tant que musulmane, elle n’a commencé à mettre le Hijâb qu’en 1990 ; deux ans après son retour en Egypte. Elle a dit : « J’ai vu mes petites sœurs mettre le Hijâb, et j’ai commencé à me demander pourquoi je ne faisais pas de même. » Elle a essayé les foulards de ses sœurs, et a pris la décision de commencer à se couvrir. Cependant elle n’allait pas y aller de manière progressive, en mettant des foulards légers pour finir avec des foulards amples qui couvrent la tête et le cou.
« Un jour, je me suis dit ça y est, c’est décidé je vais mettre le Hidjâb. Le jour d’après, je me suis rendu au travail voilée. » Cependant, tout comme Linda, sa décision fut prise de concert avec son mari ingénieur, avec lequel elle s’est mariée en 1982. Elle expliqua : « Je ne dirais pas que mon mari m’y a forcée, mais plutôt, il m’a encouragée. Il m’a dit : ‘Tu travailles avec des hommes, tu devrais te voiler.’» Aujourd’hui, Badriya regrette de ne pas s’être voilée plus tôt, et pense se couvrir encore plus. Elle a dit : « J’espère, si cela est juste, qu’Allah me permette de me couvrir le visage. »
Iman est une musulmane convertie qui se couvre le visage et met des gants. Originaire de l’Etat de l’Oregon aux Etats-Unis d’Amérique, elle dit qu’elle ne recommande pas que tout le monde se couvre le visage. Elle a expliqué : « Il n’y a pas de contrainte, cela revient à l’individu. C’est mon choix et je l’assume.» Néanmoins, elle envisage d’être moins stricte. Elle annonça de manière désinvolte : « Je pense mettre du bleu marine. Il n’est pas exigé en Islam de mettre du noir.» Elle considère également trouver une alternative à sa ‘Abaya qui, dernièrement, est devenue encombrante. Elle a dit : « Je bouge beaucoup, et je dois toujours m’arrêter pour l’arranger. »
Tout comme Linda, elle s’est habituée progressivement à la pudeur islamique. Bien qu’elle se soit convertie environ à vingt-cinq ans, elle n’est pas devenue pieuse dès le début. Elle a commencé par mettre progressivement le Hijâb, à Seattle, quand elle a rencontré une femme dans une classe d’arabe, qui pratiquait l’Islam très sérieusement. Au travail, elle mettait des chemises à manches longues et de longues jupes, ce qui concordait parfaitement avec le code vestimentaire de la compagnie de textiles pour laquelle elle travaillait. Parfois, elle mettait un chapeau et des gants. Elle a dit : « Je m’habillais de manière très élégante, comme ils disaient. » Un jour, une amie originaire d’Arabie Saoudite l’appela et lui demanda de lire certains versets du Coran. Iman a dit : « Ce fut le verset qui parlait du Hijâb. Ce fut comme si quelqu’un avait dirigé une lampe de poche ou un projecteur et l’avait braqué sur ce verset du Coran. » Après cela, elle commença à considérer sérieusement le Hijâb, mais sa compréhension en la matière restait imparfaite. Par exemple, ses vêtements pouvaient être pudiques dans leur style, mais leurs couleurs trop voyantes. Le rouge brillant était sa couleur favorite ce qui allait à l’encontre de l’objectif d’éviter d’attirer l’attention. Elle n’avait pas non plus réellement compris le concept de la ‘Abaya, mais elle a essayé d’en mettre une pendant la prière. Elle a dit en riant : « Je me suis enveloppée de cet immense drap parce que je l’avais vu à la télé. »
A l’écouter, il est tout d’abord difficile de voir comment une personne, avec une idée apparemment aussi vague de sa religion, pouvait l’embrasser de tout cœur. Mais pour de nombreux convertis, la paix qu’ils trouvent en l’Islam vient longtemps avant une compréhension profonde. En parlant à un nombre suffisant d’entre eux, un modèle se fait jour : avant de devenir musulmans, ils étaient souvent déprimés et à la dérive, et ressentaient un grand vide spirituel. Nombre d’entre eux ont essayé plusieurs religions avant de se tourner vers l’Islam. A bien des égards, Linda en est une bonne illustration. Elle a dit : « Je n’étais pas très heureuse, je me sentais perdue, à la dérive. Je ne sentais pas que je faisais partie de la société. » Sa première réaction fut de revenir à son Eglise ‘the United Church of Canada’. Elle a dit : « Mais ‘the United Church… est une église très ennuyeuse. Il n’y avait pas de vitalité, pas de vie. » En même temps, elle en apprenait au sujet de l’Islam, dans lequel elle trouva un système de croyance et des règles qu’elle aimait. Elle a dit : «Les réponses s’y trouvaient, (cette religion) amenait la foi dans la vie. Dans le christianisme, c’était très difficile de les trouver. » Elle s’est finalement convertie.
Linda a dit que pour sa famille, cela paraît étrange, car ils ne comprennent pas l’Islam. Un problème qui revient sans arrêt, est l’incapacité qu’a sa mère à saisir que la motivation derrière le port du Hidjâb est spirituelle et qu’elle ne dépend pas du lieu. Quand Linda est retournée au Canada en visites, sa mère essaie constamment de la convaincre d’enlever son foulard, lui disant qu’elle n’a pas besoin de le mettre en Occident.
Hazel a fait face au même problème de retour en Angleterre, avec sa mère qui supposait qu’elle mettait le voile uniquement pour faire plaisir à son mari koweitien. Sa mère la poussait en lui disant : « Vas-y enlève-le, je ne le lui dirai pas. » Elle dit qu’en tant qu’Anglaise adoptant une pratique qui était loin d’être anglaise, elle pense qu’elle met certaines personnes mal à l’aise. D’autres sont plus sournois qu’embarrassés. « C’est pas un peu chaud ? » est la question préférée au sujet de ses vêtements. Elle a dit en riant que sa réponse favorite était : « Pas aussi chaud que le feu de l’Enfer… Je sais que c’est un peu insolent, mais ils le méritent. »
Iman a rencontré des problèmes beaucoup plus sérieux. Elle a vécu un divorce lorsqu’elle avait environ vingt-cinq ans, et a perdu la garde de ses deux fils au profit de son ancien mari. Elle a dit : « Une grande partie de son dossier de garde des enfants reposait sur sa conversion à l’Islam. D’autres membres de sa famille se sont mis à l’éviter. Pendant les funérailles de sa mère en 1980, son oncle, fervent membre de ‘Assembly of God’ lui a dit que la famille la considérait comme morte à cause de son abandon du christianisme. Elle a dit qu’il lui avait dit : « Nous t’avons enterrée quand nous l’avons enterrée. » Aussitôt après, elle a déménagé aux Emirats Arabes Unis, pour étudier au centre du Cheikh Sayeed pour les nouveaux convertis, et elle n’a pas quitté la région du Golf depuis. Elle a dit que le fait de résider sur place où elle dirige un groupe de femmes à ‘Revival of Islamic Heritage Society’ lui permet de pratiquer plus parfaitement sa religion.
Ce qui est peut-être plus impressionnant, c’est son engagement et sa conviction évidents. Elle a dit : « J’ai choisi la bonne religion et j’y tiens. »
*Badriya et Linda sont des pseudonymes pour protéger la vie privée des personnes interviewées.

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