Sur le chemin de Ramadan
23/01/2024| IslamWeb
Lorsqu’on réfléchit sur l’univers d’Allah, le Créateur, on constate que toute chose est le fruit d’une consciencieuse organisation et d’une gradualité voulue par Celui Qui a créé les cieux et la terre à partir du néant, si bien qu’aucune chose n’arrive subitement, sans préliminaire ou étapes progressives. La pluie est précédée de nuages, la tempête est devancée par les vents, la nuit ne tombe jamais soudainement dans le monde des hommes ; quant au jour, malgré le fait que tous les êtres humains l’apprécient, il ne s’est jamais levé et ne se lèvera jamais subitement ; le fil blanc du crépuscule chasse progressivement le fil noir de la nuit. Et bien que le Jour de la Résurrection soit un jour décisif et sans pareil, Allah, Exalté soit-Il, lui a donné des signes prémonitoires majeurs, précédés par d’autres mineurs. Seule la mort peut arriver subitement et sans cause apparente, Allah, Exalté soit-Il, a caché une sagesse derrière toute chose.
Quiconque observe la religion d’Allah, Exalté soit-Il, remarquera la même gradualité dans les actes dévotionnels, les piliers de l’Islam et les obligations religieuses. La prière obligatoire est précédée de l’Adhane (l’appel à la prière) et des prières surérogatoires, bien qu’elles soient toutes des prières ! La Zakate est accompagnée d’aumônes surérogatoires sous toutes ses formes, le Hadj est comparable à la Omra, le jeûne obligatoire (Ramadan) est précédé par diverses formes de jeûne tels que le jeûne volontaire, le jeûne du lundi et du jeudi, le jeûne du jour de Arafat, le jeûne du jour de Achoura, le jeûne des 13e, 14e et 15e jours de chaque mois lunaire, le jeûne des six jours du mois de Chawal ainsi que d’autres formes de jeûne que le musulman accomplit par désir et par crainte.
Allah, Exalté soit-Il, par Sa grâce, nous a frayé une voie pour arriver à destination du mois de Ramadan, via les portes des mois de Radjab et de Chaâbane. Il n’est possible d’entrer dans le mois de Ramadan qu’à travers ces deux portes et il est difficile de réaliser ses objectifs pour le mois de Ramadan sans préparation, car celui qui veut voyager doit être autorisé à partir ; sinon, il demeurera sur place.
Lorsqu’on analyse la situation de beaucoup de gens, on constate qu’ils se comportent d’une manière étonnante à l’égard du mois de Ramadan. Bien que la majeure partie des gens attendent la venue de ce mois comme les hôtes attendent celle d’un invité important, au point de pleurer lorsqu’il s’en va, la manière dont ces gens-là préparent son accueil est en contradiction avec leur engouement ! En effet, malgré le fait que tous suivent l’approche du mois de Ramadan jour après jour, dès le mois de Radjab, en passant par le mois de Chaâbane, la réalité confirme que la plupart d’entre nous se retrouvent comme surpris par le mois de Ramadan sans s’être bien préparé.
Lorsqu’on analyse la façon dont le Prophète () concevait le rôle de cette étape préliminaire au mois du Ramadan, il apparaît clairement que l’attitude d’un homme de sa trempe intellectuelle, n’a rien de comparable avec ce que nous venons de mentionner. Cette distinction est due à sa personnalité remarquable et au fait que ses actes étaient toujours agrémentés d’une bonne planification et d’une bonne gestion outre l’extraordinaire équilibre entre les exigences de l’âme et du corps dont il faisait preuve, sans aucune exagération ni négligence.
Aïcha, qu'Allah soit satisfait d’elle, a dit : « Le Prophète () jeûnait au point que nous disions qu’il ne cessera jamais le jeûne et il arrêtait de jeûner au point que nous disions qu’il ne jeûnera jamais. En outre, je n’ai jamais vu le Prophète () jeûner un mois entier à part celui de Ramadan et je ne l’ai pas vu jeûner autant que durant le mois de Chaâbane ! » (Boukhari).
Selon une variante, « Il jeûnait le mois de Chaâbane en entier, il jeûnait presque tous les jours du mois de Chaâbane. » (Mouslim).
Un groupe de oulémas dont Ibn Moubarak, soutiennent que le Prophète () ne jeûnait pas le mois de Chaâbane en entier mais la plus grande partie de ce mois. »
Oussama ibn Zayd, qu'Allah soit satisfait de lui et de son père, a dit : « Ô messager d’Allah, je ne t’ai pas vu jeûner autant que durant le mois de Chaâbane. » Il répondit : « C’est un mois que les gens négligent car il se trouve entre Radjab et Ramadan. Or c’est un mois au cours duquel les actions sont exposées au Seigneur des mondes ; j’aime jeûner pendant que mes actions Lui sont présentées. »
L’intelligence du Prophète () signale que la position du mois de Chaâbane, qui se situe entre deux mois importants (le mois sacré de Radjab et le mois du Ramadan), fait que les gens accordent plus d’attention à ces derniers et qu’ils le négligent ! Cette perspicacité est la distinction des gens intelligents ; en général, ils pensent comme les gens ordinaires, mais la différence est qu’ils sont toujours consciencieux et se souviennent de ce que les gens oublient.
Les paroles du Prophète () insinuent qu’il y a des moments, des lieux et des personnes qui peuvent être meilleurs que ceux qui sont connus pour leurs mérites.
Ces paroles prouvent également qu’il est recommandé d’œuvrer quand les gens sont distraits, à l’instar d’un groupe de prédécesseurs qui aimait s’adonner aux prières surérogatoires entre les prières du Maghreb et de l`Icha’ en se justifiant par le fait que c’était une heure de distraction pendant laquelle les gens ne s’adonnent guère à la dévotion. Il est également recommandé de glorifier Allah, Exalté soit-Il, dans les marchés, car ceci est un acte d’adoration dans un lieu de détente, au milieu de gens distraits.
Mais pourquoi donc le Prophète () voulut-il consacrer le mois de Chaâbane à la dévotion alors que les gens distraient le négligent ?
1- Afin que son jeûne soit encore plus discret ; car il vaut mieux dissimuler les actes surérogatoires, notamment dans le cas du jeûne qui est un secret entre l’adorateur et Son Seigneur, raison pour laquelle on dit que le jeûne est aux antipodes de l’ostentation. Ibn Messaoud, qu'Allah soit satisfait de lui, disait : « Si vous jeûnez, enduisez-vous la bouche de graisse. »
2- Les bonnes actions dans les moments de distraction sont plus difficiles à accomplir ; or le mérite des actions dépend de leur difficulté. Ainsi plus les gens sont nombreux à accomplir une action, plus cette action est facile à effectuer. A l’inverse, en période de grande distraction, les personnes averties ont du mal à faire des bonnes œuvres, comme l’a dit le Prophète (Salla Allahou `Alaihi wa Sallam) : « L’adoration en période de trouble équivaut à une émigration vers le Prophète. »
Le secret du jeûne du Prophète (Salla Allahou `Alaihi wa Sallam) pendant le mois de Chaâbane :
Certains oulémas estiment que le Prophète, , jeûnait fréquemment pendant le mois de Chaâbane pour certaines raisons :
1- Parfois il ne jeûnait pas les trois jours de chaque mois à cause d’un voyage ou autre cause. Il rattrapait donc l’ensemble des jours non-jeûnés pendant le mois de Chaâbane. En effet, quand le Prophète () accomplissait un acte surérogatoire, il y persévérait et quand il était trop occupé pour l’accomplir, il le rattrapait.
2- On rapporte également que ses épouses rattrapaient les jours non-jeûnés pendant le mois de Ramadan, au cours du mois de Chaâbane, raison pour laquelle il jeûnait. En outre quand le mois de Chaâbane arrivait et qu’il lui restait des jours de jeûne surérogatoire qu’il n’avait pas encore rattrapés, il le faisait pendant le mois de Chaâbane afin de compenser son lot de jeûnes surérogatoires avant le mois de Ramadan. Et s’il avait raté des prières surérogatoires qu’il devait accomplir avant ou après les prières obligatoires et les prières nocturnes, il les rattrapait. Aïcha, qu'Allah soit satisfait d’elle, en profitait alors pour rattraper les jours non-jeûnés pendant le mois de Ramadan à cause de ses menstrues. Elle ne les rattrapait pas durant les autres mois de l’année car elle prenait soin du Prophète ().
3- On rapporte également que c’est un mois « que les gens négligent », conformément au Hadith susmentionné rapporté par Oussama.
4- Le jeûne du mois de Chaâbane est une préparation au jeûne du mois Ramadan, pour ne pas jeûner ce dernier avec peine, mais avec entrain et force. Etant donné que le mois de Chaâbane est le prélude du mois de Ramadan, on se doit d’y accomplir ce que l’on fait durant le mois de Ramadan, c’est-à-dire le jeûne, la lecture du Coran et l’aumône, comme l’a dit Salama ibn Sohayl : « On dit que le mois de Chaâbane est le mois des grands lecteurs (du Coran). »
Habib ibn Abi Thabet disait, lorsque le mois de Chaâbane arrivait : « C’est le mois des grands lecteurs. »
Amr Ibn Qays Al-Molaa’i fermait son commerce, au mois de Chaâbane, se consacrait à la lecture du Coran et disait : « Heureux qui se réforme avant le mois de Ramadan. »
Ibn Radjab Al-Hanbali, qu'Allah lui fasse miséricorde, a dit : « Le jeûne du mois de Chaâbane est meilleur que le jeûne des mois sacrés, le meilleur jeûne surérogatoire est celui qui est accompli dans une période proche du mois de Ramadan, que ce soit avant ou après ce mois. Ce jeûne est au mois de Ramadan ce que les prières surérogatoires sont aux prières obligatoires ; il compense tout manquement dans les actes obligatoires. Et à l’image des prières surérogatoires – Ar-Rawatib – accomplies avant et après les prières obligatoires qui sont meilleures que le reste des prières surérogatoires, le jeûne avant ou après le mois de Ramadan est meilleur que le jeûne pendant le reste de l’année. »