L’intégrité est un des éléments de base d’une vie heureuse. C’est aussi l’essence de l’esprit d’excellence. Cultiver l’intégrité implique que l’on se débarrasse progressivement de toute tentative, consciente ou non, dans nos relations, de manipulation de l’autre. L’intégrité est une manière de vivre qui adhère aux principes de la morale et de l’éthique. De celle-ci découle le processus de guérison de tout ce qui est fragmenté, cassé ou blessé dans notre âme. Cette manière de vivre incorpore aussi la volonté de voir et d’accepter nos propres faiblesses et de voir la réalité de nos vies et ses points positifs comme ses points négatifs. Nous purifier de tout défaut et pouvoir vivre une vie saine où les sentiments sont purs et viennent d’un cœur pur est un long voyage qui promet de purs moments de joie et de bonheur.
Selon les différents dictionnaires, l’intégrité a différents sens :
« L'intégrité est la motivation première à être conforme à ce que l'on est réellement. L'intégrité est donc le qualificatif donné à ce mécanisme de conformité à soi-même.
L'intégrité, c'est aussi l'absence de mauvaise intention. En parlant du caractère intègre d'une personne, ce mot fait référence à son honnêteté. »
C’est aussi : « État de quelque-chose qui a toutes ses parties, qui n'a subi aucune diminution, aucun retranchement. »
C’est aussi l’adhésion sans compromis aux valeurs de la morale et de l’éthique, la morale en Islam est liée à la purification du cœur et à la recherche de la satisfaction d’Allah le Tout-Puissant. La morale musulmane n’a d’autre effet que celui de transformer notre intérieur (pensées, sentiments, croyances, valeurs, motivations) et notre extérieur (paroles, comportement, éthique sociale, mode de vie, respect des promesses et des engagements, enracinement de nos principes et convictions, prescrire le bien et proscrire le blâmable).
Aicha, puisse Allah l’agréer, fut interrogée au sujet du caractère du Prophète (), elle répondit : « Son caractère était (en parfaite conformité avec) le Coran. » (Mouslim, Ahmed et Abou Dawoud).
La définition du bon caractère, selon l’Imam al-Bayhaqî dans « Les soixante-dix sept branches de la foi » :
« … c’est l’inclinaison de l’âme à faire des actes nobles et dignes de louanges… Ce sont les actes que le croyant accomplit avec plaisir, sans sentiment de lourdeur ou de contrainte. Lorsque ce musulman agit avec d’autres personnes, il est tolérant, droit et souple, pour faire valoir ses droits, il le fait sans agressivité, il ne demande pas ce qui ne lui revient pas de droit, dans l’autre sens il donne ce qui revient de droit à chacun sans argumenter. Lorsqu’il tombe malade, revient de voyage et que personne ne lui rend visite, que personne ne lui rend son salut lorsqu’il entre quelque-part, lorsqu’il rend un service et que personne ne le remercie, lorsqu’il joint un groupe et que personne ne lui fait une place, lorsqu’il parle et que personne ne l’écoute, et dans bien d’autres cas similaires, il ne se met pas en colère, ne cherche pas à se venger de quiconque, ne ressent pas qu’il a été snobé ou ignoré et il ne cherche pas à répondre de la même manière qu’il a été bien traité, au contraire, il répond à chacun de la meilleure manière possible, plein de bonté et de piété et ceci le rend encore plus noble et louable… il fait ce qu’il lui est possible de faire de mieux, il dirige son âme, il est maître de soi. »
Le Prophète () a dit :
« Ils ne doivent pas nuire ni répondre par la réciproque. » (Ibn Mâdjah).
« Le taqwa (piété) est la bonne morale. » (Mouslim).
Et il est dit dans le Noble Coran (sens du verset) : « Dirige tout ton être vers la religion exclusivement [pour Allah], telle est la nature qu'Allah a originellement donnée aux hommes - pas de changement à la création d'Allah. Voilà la religion de droiture ; mais la plupart des gens ne savent pas.»[Coran 30/30].
Al-dîn al-hanîf est traduit par « la voie droite » ou encore « la véritable religion ». Hanîf signifie ce qui est vrai, droit, direct, incliné vers une opinion profonde, équilibré dans son jugement, ferme dans sa foi. Il est intéressant de voir que le mot droit signifie « en accord avec ce qui est juste » et aussi « debout, en position vertical ». Al-dîn al-hanîf ou la voie droite est le chemin ordonné aux humains, seuls mammifères à marcher debout sur ses jambes et non sur quatre membres. Les singes ne peuvent marcher que sur de courtes distances en position debout sur leurs pattes arrière.
Nous devons nous rappeler sans cesse que l’Islam est une religion de mouvement et de développement, d’exploration et de découverte, spécialement de découverte interne, d’élévation et de renforcement. Allah le Tout-Puissant dit dans le Noble Coran (sens du verset) : « Vous passerez, certes, par des états successifs ! » [Coran 36/67]. Et ce passage d’étape en étape est un cheminement vers un développement positif, un enrichissement de l’âme pour atteindre ce qu’elle peut-être de mieux. Il est dit à ce sujet dans le Noble Coran (sens des versets) : « Et qui te dira ce qu'est la voie difficile ? C'est délier un joug [affranchir un esclave], ou nourrir, en un jour de famine, un orphelin proche parent ou un pauvre dans le dénouement. Et c'est être, en outre, de ceux qui croient et s'enjoignent mutuellement l'endurance, et s'enjoignent mutuellement la miséricorde. » [Coran 90/12-17]. Le point dont il faut se rappeler ici est l’image de l’élévation ou de la verticalité, un moyen d’atteindre la dignité, la noblesse de caractère, et que ceci fait partie du potentiel de chaque humain. Le mouvement de l’être humain est la transformation, le mouvement part de l‘intérieur et aussi du sol vers le ciel. Ce mouvement est un don qu’Allah nous a fait, Il dit dans le Noble Coran (sens du verset) : « Et si Nous voulions, Nous les métamorphoserions sur place ; alors ils ne sauront ni avancer ni revenir. » [Coran36/67].
L’être humain est doté du libre arbitre et de la capacité de se mouvoir. Si nous prenons l’exemple d’une plante, elle est vivante, mais ne peut se déplacer elle-même. Elle ne peut aller d’un endroit à un autre d’elle-même. Ce qui lui est nécessaire pour vivre doit être trouvé sur place. Elle ne peut pas chercher sa subsistance dans un autre endroit. Maintenant prenons l’exemple d’un animal, c’est un être vivant, il évolue et peut se déplacer de manière autonome. Mais tout comme la plante il reste, d’une certaine manière, enraciné, il est limité dans sa volonté. En effet l’animal est enraciné par l’instinct. Chaque action qu’il entreprend est dictée par son instinct, de son premier souffle jusqu’à son dernier. Maintenant prenons l’être humain. Il est vivant, évolue et est capable de se mouvoir. L’être humain a aussi la capacité de transcender sa mobilité physique, il a une capacité de mobilité mentale, émotionnelle, morale et spirituelle. Nous pouvons nous déplacer, nous pouvons nous développer, nous pouvons nous élever. Nous ne sommes pas faits pour être des créatures statiques. Nous avons une quête spirituelle, nous voyageons d’étape en étape sur le chemin du développement.
L’Imam al-Châfi’î fut interrogé sur l’habitude qu’il avait d’utiliser une canne pour marcher alors qu’il n’était ni vieux ni malade, il répondit que le bâton lui servait à se rappeler qu’il était en voyage.
A présent afin d’adhérer de manière indéfectible à un ensemble de valeurs morales et éthiques, nous devons cultiver l’autodiscipline (voir l’article sur les joies du contrôle de soi où est traité la pratique du sabr dans sa totalité, patience, endurance, etc. Il y est expliqué que nous devons nous empêcher de commettre des actes blâmables, de désobéissance envers Allah le Tout-Puissant et qui ne sont finalement que nuisance pour nous et les autres, que la persévérance mène à l’obéissance envers Allah et à tout ce qui nous est bénéfique). Il est aussi nécessaire de savoir pourquoi nous choisissons d’adhérer à ces principes. Nous sommes toujours dans le domaine de la purification de nos intentions. Si nous interrogeons certains de nos coreligionnaires sur la raison qui les motivent à vouloir vivre de manière morale, ils nous répondrons qu’Allah le Tout-Puissant nous l’ordonne et que cela fait partie de leur devoir. Il n’y a rien d’incorrect au sujet de cette manière d’aborder la volonté de vivre une vie morale. Mais si nous poussons le raisonnement sur la raison, nous amenant à vouloir nous rapprocher d’Allah le Tout-Puissant et à chercher Sa satisfaction un peu plus, nous commencerons à avoir une vision plus articulée, une source indéniable de plus de joie et de compréhension sur nos intentions. Vivre en se conformant à la morale pour obtenir la satisfaction d’Allah revient à avoir la terre comme support et le ciel comme voûte. Entre les deux se trouvent des bénéfices multiples et variés, conséquence de ce choix (vouloir obtenir la satisfaction d’Allah) : une abondance de miséricorde. Parmi ces bénéfices nous trouvons l’enrichissement personnel, celui du nafs, l’acquisition de la tranquillité, une certaine facilité face aux épreuves dans notre vie, une meilleure respiration, nous nous sentirons comme des créatures importantes vis-à-vis d’Allah et du reste de la création, nous aurons une certitude quant au sens et au but de la vie. Faire ce qui nous est demandé par la morale ou par la religion, remplir nos obligations, c’est aussi faire une expérience enrichissante, expérimenter la joie, la bonne santé, la plénitude et rencontrer le succès ! Voici quelques-uns des attributs liés au sentiment de plénitude. Ceci nous amène donc à nous intéresser à présent au sens de l’intégrité.
En ce qui concerne le fait d’être cohérent et unifié, de manière profonde, nous devons parler ici de la cohérence et de l’unité du nafs. L’état de plénitude est un état intéressant que nous rencontrons lors de notre cheminement vers le développement personnel. L’intégrité revêt alors le sens de cohérence de la personnalité, une harmonie des pensées, des sentiments, du comportement, des croyances, des valeurs, des motivations ou de l’attitude. Nous pouvons regarder la personnalité d’un individu comme un système dont les différentes parties (pensées, sentiments, comportement, croyances, valeurs, motivations, attitudes) sont combinées et organisées, une organisation de la personnalité et de ses aspects et attributs qui forme une unité complexe et unifiée.
Beaucoup de personnes, musulmans y compris, ne se sentent pas en cohérence avec eux-mêmes, comme s'il leur manquait une touche d’authenticité ou un peu d’intensité dans le cœur. Il est vrai que nous aspirons à une harmonie intérieure, se sentir à l’aise, en sécurité et prêt pour vivre de purs moments de plénitude. Trop de gens se sentent éparpillés et déconnectés, ils se sentent comme des acteurs jouant un rôle, pire parfois ils se sentent comme mort. La vérité est que pour se sentir vivant et serein, il n’existe qu’une seule solution il faut vivre spirituellement. Il est dit dans le Noble Coran (sens des versets) : « L'aveugle et celui qui voit ne sont pas semblables. Ni les ténèbres et la lumière. Ni l'ombre et la chaleur ardente. De même, ne sont pas semblables les vivants et les morts. Allah fait entendre qui Il veut, alors que toi [Muhammad], tu ne peux faire entendre ceux qui sont dans les tombeaux. » [Coran 35/19-22].
L’Imam Ibn al-Qayyim expliqua que ceux qui sont dans les tombes sont ceux qui sont véritablement morts spirituellement. Ils n’ont plus de moyen d’agir et de se corriger. Ce qui éveille, anime et entretient la vie spirituelle est la connaissance, la sagesse et la compréhension de ce qui nourrit le cœur. L’Imam Ahmed, cite dans son livre Al-Zhud les paroles de Luqmân le sage lorsqu’il conseilla son fils : « Attache-toi à fréquenter les cercles des savants. Ecoute la parole des sages, car Allah, exalté soit-Il, revivifie le cœur mort par la lumière de la sagesse, comme il fait revivre la terre par les averses. Celui qui ment perd le rayonnement de son visage et celui qui fait preuve de mauvais caractère est fréquemment préoccupé. Luqmân a dit que déplacer les rochers est plus facile que de faire comprendre à celui qui ne comprend pas. »
Nous parlons du sens de l’intégrité, cohérence et plénitude. Maintenant il vaut savoir que cette plénitude, cette cohérence n’est pas le fruit du hasard. Le moi ou le nafs est un travail en chantier, chaque partie doit être examinée, inventoriée, réglée, ajustée et testée afin de s’assurer du bon fonctionnement de l’ensemble. Le processus de développement est le travail de toute une vie. Cette recherche spirituelle porte son attention sur :
Les pensées – par exemple, ai-je tout le temps raison ?
Les sentiments - par exemple, est-ce que je me sens rigide et plein de ressentiment lorsque j’ai à faire face aux faiblesses des autres comme si d’une certaine manière elles allaient nuire à ma bonne humeur, mon équilibre ou ma vie ?
L’attitude – par exemple, suis-je exigeant et autoritaire lorsque je demande à mon épouse de faire quelque chose ?
Les croyances – par exemple, est-ce que je crois que « je ne peux pas changer, je suis ce que je suis » ?
Les valeurs – par exemple, est-ce que je porte plus d’attention à l’argent qu’à ma vie spirituelle, pensant que l’argent est l’unique moyen d’atteindre le bonheur dans cette vie ?
Les motivations - par exemple, est-ce que je prends cette décision parce qu’elle m’est la plus bénéfique ou parce que je veux impressionner les autres ?
Les comportements - par exemple, est-ce que je corrige les erreurs de mes enfants avec calme ou avec mes propres erreurs en étant agressif et en les insultant ?
En fait, les gens de ‘Ad furent détruits à cause de leur tyrannie et de leur arrogance. Leurs signes extérieurs de grandeur ne purent les sauver. Mâlik Badrî, Professeur de psychologie en Malaisie, nota dans son excellent livre intitulé Contemplation - An Islamic Psychospiritual Study, qu’à travers l’histoire les adeptes des religions païennes ont tous eu tendance à « exagérer dans la taille, la beauté et dans la conception de leur temple ». Il mentionna le Panthéon en Grèce et le Temple de d’Amon à Louxor en Egypte. D’un autre côté, la Ka’ba est d’une modestie et d’une simplicité frappante, une petite maison faite de bois, de feuilles de palmiers et de pierres en plein milieux d’un vaste désert. Il est dit à propos de cet édifice qu’il favorise les rois de l’au-delà. Le Prophète () et ses Compagnons, puisse Allah le Tout-Puissant les agréer, furent tous des artisans dans le travail de la construction d’âme noble. Ils ont révolutionné le cours de leur vie, la société arabe de l’époque et l’histoire de l’humanité !
L’Imam Abû Hâmid al-Ghazâlî a dit : « J’ai alors souhaité vous sortir de votre sommeil, ô vous qui avez pour habitude de réciter le Coran pendant des heures, vous qui absorbez le sens des versets parcourus. Combien de temps allez-vous rester sur la berge ? N’est-il pas de votre responsabilité de naviguer sur l’océan de leurs sens (les versets parcourus) afin de découvrir les merveilles qu’ils contiennent et de plonger dans leur profondeur pour en trouver les trésors ? ».