Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :
Concernant la première question relative au fait de façonner des images d’êtres vivants à la main, les sculpter, les graver, les dessiner, et autres :
Cette question est objet de divergence et de nombreux développements entre les savants, et ce de longue date. Certains savants considèrent que l’interdiction est spécifique à tout ce qui a une ombre (représentant un corps physique). D’autres indiquent que l’interdiction comprend aussi bien les représentations qui ont une ombre que celles qui n’en ont pas (sur une surface plane). Puis, parmi ces derniers, certains exceptent de ce qui est fait sur une surface plane ce qui est représenté sur des tapis et des coussins et autres supports pour lesquels on peut considérer que ces images sont méprisées au vu de leur utilisation. Mais encore, certains exceptent de ces images celles dont certaines parties ont été enlevées de sorte que l’être vivant ne pourrait pas vivre (en l’absence des parties manquantes). D’autres enfin sont d’avis que cette autorisation se retreint à un être sans tête.
La raison de la divergence est l’apparente contradiction entre les textes généraux indiquant que cela est interdit sans spécifier quoi que ce soit, et les textes qui accordent une dérogation pour certaines images. Et ensuite, en raison de la divergence des savants pour déterminer la raison d’être de cette dérogation.
Les textes les plus importants au sujet de la dérogation faite concernant les images d’êtres vivants sont les suivants :
-1 : Le hadith de Abu Talha selon qui le Prophète () a dit : « Les anges n’entrent pas dans une maison où se trouve une image sauf celle gravée sur un tissu. » Rapporté par Boukhari et Mouslim.
Dans la version de Ubayd Allah ibn Abd Allah, il est allé rendre visite à Abu Talha Al-Ansârî qui était malade : nous y avons trouvé Sahl ibn Hunayf. Il dit : Abu Talha demanda à un homme d’enlever un tapis sur lequel il était assis. Sahl ibn Hunayf lui dit : pourquoi tu l’enlèves ? Il dit : parce qu’il y a des images dessus et le Prophète () a dit à ce sujet ce que tu sais. Sahl objecta : n’a-t-il pas dit aussi : ‘’ sauf ce qui est sur un tissu’’ ? Oui lui répondit Abu Talha, mais je préfère l’enlever. Rapporté par Malik, Tirmidhi, Ahmad, Al-Nassâ’î. Jugé authentique par Al-Albânî.
-2 : Le hadith de Abu Horayra, qu’Allah l’agrée, selon qui le Messager d’Allah () a dit : « L’ange Gabriel est venu me dire : je suis venu te voir hier soir et rien ne m’a empêché d’entrer dans ta maison si ce n’est qu’il s’y trouvait une statue sous forme d’homme. Il y avait aussi un rideau sur lequel était dessiné des figurines, alors demande à quelqu’un de couper la tête de la statuette de sorte qu’elle soit à l’image d’un arbre, et que le rideau soit découpé et d’en faire deux cousins sur lesquels on s’assoit. Demande aussi à ce que le chiot soit sorti de la maison. » Rapporté par Tirmidhi, Ahmad, Abu Daoud, Ibn Hibbân. Jugé authentique par Al-Albânî.
-3 : Aisha, qu’Allah l’agrée, relate cet épisode : De retour de voyage, le Messager d’Allah () vit des images sur un rideau que j’avais suspendu devant un enfoncement pratiqué dans le mur et servant de réserve. Son visage changea de couleur et il dit : « Aisha! Les gens qui subiront le pire châtiment le Jour de la résurrection sont ceux qui tentent d’imiter la création d’Allah. » Nous l’avons alors découpé pour en faire un ou deux oreillers. » Rapporté par Boukhari et Mouslim.
Dans la version de Mouslim, il est dit : J’ai pris un tissu en laine que j’ai posé sur la porte. Lorsqu’il le vit, je lisais sur les traits de son visage qu’il était mécontent. Il s’en saisit, et le déchira et dit : Allah ne nous a pas ordonné de recouvrir les murs. Aisha dit alors : Nous l’avons alors découpé pour en faire deux oreillers rembourrés de laine et il ne me le reprocha guère.
Dans une version de Boukhari : J’en ai fait deux coussins que je laissai à la maison et sur lesquels il s’asseyait.
Dans une version de Mouslim : et il s’y adossait.
Dans une version de Ahmad : Je l’ai enlevé et découpé en deux coussins. Plus tard, je le voyais s’accouder sur l’un d’eux alors qu’il y avait dessus une image.
Dans son livre Al-Mufhim, Abu Al-Abbâs Al-Qortobî a dit : « Quand Aisha dit qu’elle en fit deux coussins qu’elle rembourra avec de la laine, on peut en déduire qu’en les découpant elle a fait disparaitre l’image en question et de ce fait la raison de l’interdiction, mais il est possible que tout ou partie de cette image ait subsisté. Mais puisque ces images étaient désormais sans valeur et méprisées puisqu’on s’asseyait dessus, il les a tolérées. Et on trouve des savants qui soutiennent chacune de ces deux éventualités. » Fin de citation.
Ibn Al-‘Arabî dans son livre ‘Âridat Al-Ahwadhî explique : « Pour ce qui est de la menace du châtiment divin adressée à ceux qui façonnent des images, elle est de même nature que les menaces faites à tous les auteurs de péchés, elle est liée à la volonté divine comme nous l’avons mis en évidence, dépendante du repentir comme nous l’avons expliqué.
Pour ce qui est du statut de ces images. Cela est interdit s’il s’agit de corps d’êtres vivants, et cela est l’objet d’un consensus. Et s’il s’agit d’une image, alors il y a quatre avis :
Le premier : cela est permis en raison du hadith : sauf une image sur un tissu.
Le deuxième : cela est interdit en raison du hadith de Aisha : le Messager d’Allah () vit des images sur un rideau que j’avais suspendu devant un enfoncement pratiqué dans le mur et servant de réserve. Son visage changea de couleur et il dit : « Aisha! Les gens qui subiront le pire châtiment le Jour de la résurrection sont ceux qui façonnent des images. »
Le troisième : si l’image représente un être vivant entièrement alors c’est interdit. Mais si la forme du corps est coupée et ses parties dispersées alors cela est permis, en raison du hadith cité précédemment dans lequel il est dit : j’en ai fait deux coussins sur lesquels il s’appuyait.
Le quatrième : si l’image en question est méprisée alors cela est permis et si elle est suspendue ça ne l’est pas.
Le troisième avis est le plus juste. » Fin de citation.
L’avis pour lequel a tranché Ibn Al-‘Arabî est celui qui nous semble être le plus pertinent pour ce qui est de l’acquisition des images.
Concernant le fait d’être à l’initiative de l’image, le principe de base veut que cela est interdit. Et il faut absolument attirer l’attention ici sur la différence entre les deux cas de figure. La dérogation ne concerne pas le fait de faire une image, mais uniquement pour utiliser un support sur lequel il y a une image, ou d’acquérir une image dans certaines situations. C’est à ce sujet que les hadiths précédents font référence, et aucun de ces hadiths ne permettent d’être à l’origine du façonnage d’une image.
Dans son ouvrage Sharh Mouslim, Al-Nawawi a dit : « Les savants de notre école (Shâfi’ites) ainsi que d’autres savants affirment : façonner une image d’un animal est interdit très sévèrement. Cela fait partie des péchés majeurs puisqu’une menace de châtiment divin est adressée à celui qui se rend coupable d’un tel acte comme il est dit dans les hadiths. Que la personne les façonne pour qu’elles soient méprisées ou non. Les façonner est interdit dans tous les cas de figure puisque cela revient à tenter d’imiter la création d’Allah. Que ce soit sur un tissu, un tapis, une pièce de monnaie, un récipient, un mur ou autre… C’est le statut pour ce qui est de façonner une image.
Quant à prendre un support sur lequel il y a une image d’animal, qu’elle soit accrochée à un mur, sur un vêtement que l’on porte, sur un couvre-chef, ou autre utilisation de ces images qu’on ne peut pas considérer comme étant méprisées, cela est interdit. Mais si ces images se trouvent sur des tapis sur lesquels on marche, des coussins et assimilés et autres supports ce qui amènerait à considérer que ces images sont méprisables, alors ce n’est pas interdit. Mais est-ce que cela empêche les anges de la miséricorde d’entrer dans cette maison. Cette question a été un sujet de discussion que nous évoquerons bientôt si Allah le veut. Et il n’y a aucune différence sur tout ce qui vient d’être dit entre ce qui a une ombre et ce qui n’en a pas (c'est-à-dire que l’image soit représentée par un corps, en trois dimensions, ou une image sur une surface plane, en deux dimensions). C’est le résumé des avis des savants de notre école sur cette question. Et des propos allant dans le même sens représentent l’avis de la majorité des savants parmi les compagnons, leurs successeurs et ceux qui leur ont succédé. » Fin de citation.
Ibn Hajar Al-Haytamî a dit dans Al-Zawâjir : « Quand les savants affirment qu’il est permis d’avoir des tapis sur lesquels figurent des images et sur tout support sur lesquels on peut considérer que ces images sont méprisées, il faut comprendre que le sens voulu est qu’il est permis de les conserver et qu’il n’est pas obligatoire de les détruire. En revanche, façonner des images d’êtres vivants, c’est interdit dans tous les cas de figure. » Fin de citation en résumé et avec quelques adaptations.
Dans ses annotations du livre Radd Al-Muhtâr, Ibn ‘Âbidîn a dit : « Tout ceci concerne le fait d’acquérir une image (qui existe déjà). Mais pour ce qui est de la façonner soi-même, ce n’est pas permis dans tous les cas de figure puisque cela revient à tenter d’imiter la création d’Allah. » Fin de citation.
Ibn Al-Jawzî a dit dans Kasht Al-Mushkil : « Cela doit être compris dans le sens où il est permis de les utiliser quand on marche dessus et qu’on les piétine. Mais faire soi-même une image, ce n’est pas licite. »
Ce que nous avons dit concerne les images façonnées à la main. Mais pour ce qui est des photos, la divergence entre les savants est tout autre. Certains savants considèrent que cela ne relève pas des images interdites puisqu’elles ne sont pas le fait de celui qui les prend, mais qu’il s’agit uniquement du captage par l’appareil de l’image d’un corps existant. Il n’y a donc pas de tentative d’imiter la création d’Allah comme nous l’avons dit dans la Fatwa numéro 87765.
La deuxième question : acquérir des images :
Les savants ont divergé sur la nature des images qu’il est permis d’acquérir et d’utiliser. Certains sont d’avis que cette dérogation concerne tout ce qui n’a pas d’ombre (soit ce qui est sur une surface plane, en deux dimensions). D’autres savants restreignent cela à des images qu’on peut considérer comme méprisées en les utilisant. Ou une image partiellement tronquée de sorte qu’elle ne pourrait vivre (si on lui insufflait une âme). D’autres limitent ces images à celles dont la tête est coupée, ou aux images de petite taille dont les détails ne sont reconnaissables que de près.
Au vu des hadiths cités précédemment, il nous semble que ce qui est permis est ce qui concerne les images méprisées, comme celles figurant sur lesquelles on marche ou on s’assoit ou s’accoude et autre. Et non pas les images sur les vêtements qu’on porte ou sur les supports qu’on accroche au mur (comme les rideaux ou autre) comme nous l’avons dit de l’avis auquel s’est rangé Al-Nawawî qui est de l’école Shâfi’ite. Et il en est de même pour les images d’êtres vivants dont la tête est coupée. Bien des savants ont assimilé ce statut relatif à la tête coupée à toute partie du corps sans lequel l’être en question ne pourrait vivre.
C’est également l’avis auquel s’est rangé Ibn Abd Al-Barr dans son livre Al-Tamhîd. Il y dit : « Une partie des savants parmi les prédécesseurs sont d’avis que les images sur les supports sur lesquels on marche et où les images sont méprisables, sur lesquelles on s’accoude, alors il n’y a pas de mal à cela. » Fin de citation.
Il attribue un tel avis à Sa’d ibn Abi Waqqâs, Sâlim ibn Abdillah ibn Omar, ‘Urwat ibn Al-Zubayr, Ibn Sirîn, ‘Ikrima Mawlâ Ibn Abbâs, ‘Ikrima ibn Khâlid, Said ibn Jubayr. Puis il dit : « C’est le plus juste des avis sur cette question et le plus pondéré. C’est d’ailleurs l’avis de la majorité des savants. Et qui les compare aux textes se rendra compte qu’ils ne s’opposent pas à cette interprétation et c’est ce qu’il convient en premier lieu d’avoir pour croyance. » Fin de citation.
Cet avis est également celui pour lequel ont opté Al-Tahâwî dans Ikhtilâf Al-‘Ulamâ et Ibn Al-Jawzî dans Kashf Al-Mushkil.
La troisième question : - la nature des images qui empêchent les anges d’entrer dans une maison - : c’est également une question objet de divergences entre les savants. Certains sont d’avis que tous les types d’images sont concernés par ce statut, même celles qui sont permises dans certains cas. Pour appuyer leur avis, ils se basent sur la portée générale de l’interdiction. D’autres restreignent cela aux images qu’il est interdit d’acquérir.
Ibn Al-Malik Al-Karmânî a dit dans Sharh Al-Masâbîh : « ‘’Une maison dans laquelle se trouve un chien’’ englobe tous les types de chien. Certains soutiennent que sont concernés uniquement les chiens qu’il est interdit d’acquérir. ‘’ les images’’ soit toutes les images, dans leur globalité. Et certains savants autorisent dans le cas où ces images sont sur un support sur lequel on marche dessus avec ses pieds. » Fin de citation.
L’avis qui nous semble le plus pertinent est celui indiquant que les images pour lesquelles il y a une dérogation n’empêchent pas que les anges entrent dans la maison. C’est le choix d’Al-Khattâbî, du cadi ‘Iyâd, de Abu Al-Abbâs Al-Qortobî, et d’autres savants qui sont les auteurs d’ouvrages d’explication de hadiths.
Al-Nawawi a soutenu l’avis indiquant que les anges n’entrent pas dans les maisons quelles que soient les images qui s’y trouvent, même celles objet d’une dérogation. Dans son Sharh Mouslim, il dit : « Al-Khattâbî a dit : les anges n’entrent pas uniquement dans les maisons où se trouvent des chiens et des images qu’il est interdit d’acquérir. Mais pour les chiens qu’il est permis d’avoir comme les chiens de chasse ou les chiens de garde, ou s’agissant des images qui se trouvent sur des tapis et sur lesquels on marche et qui sont donc méprisables et aussi sur les coussins et autres supports semblables, cela n’empêche pas les anges d’entrer dans la maison. Le cadi a tenu des propos similaires à ceux d’Al-Khattâbî.
(Al-Nawawi poursuit :) Mais il semble plus évident que cette interdiction est générale et inclut tous les types de chien et tous les types d’images. Les anges n’entrent pas dans les maisons où on en trouve, quel que soit le type de chien ou d’image, et ce, au vu de la portée générale des hadiths. Et aussi, parce que le chiot qui se trouvait dans la maison du Prophète () sous le lit, il y a là une excuse évidente, c’est qu’il ne savait pas qu’il s’y trouvait. Malgré cela, l’ange Gabriel s’est abstenu d’y entrer. Il a dit que la raison qui l’empêchait d’entrer fut la présence du chiot. Et si l’excuse fut la présence de l’image et que le chien n’empêcherait pas les anges d’entrer dans les maisons où ils s’y trouvent, l’ange Gabriel ne se serait pas abstenu d’y entrer. » Fin de citation.
Selon nous, cette argumentation est discutable ! La majorité des savants n’ont pas soutenu que si le propriétaire de la maison ignore que s’y trouve une image interdite, alors les anges ne s’abstiennent pas d’y entrer. Pour eux, ignorer la présence d’une image interdite n’est pas une raison qui justifierait l’entrée des anges dans la maison, mais ce qui le permet c’est l’image en soi et le fait que les règles de la religion permettent de l’acquérir.
Ibn Hajar Al-‘Asqalânî a opté pour l’avis que cela est retreint aux images permises. Il a appuyé l’avis de Al-Khattâbî. Dans son ouvrage Fath Al-Bârî, il dit après avoir reproduit les propos de Al-Khattâbî : nous indiquerons par la suite des arguments appuyant ceux de Al-Khattâbî dans le chapitre : les anges n’entrent pas dans une maison où il y a une image… » Fin de citation.
Dans un autre endroit de son livre, il dit : « Dans la version de Al-Nassâ’î : ‘’ soit tu coupes la tête de ces images soit tu en fais des tapis sur lesquels on marche.’’ Ce hadith fait prévaloir l’avis de ceux qui soutiennent que les images en raison desquelles les anges s’interdisent d’entrer dans les maisons sont celles qui sont restées sous leurs formes initiales et ne sont pas méprisées. Mais pour les images qu’on peut considérer comme méprisées, ou celles qui ne le sont pas, mais qui ont été modifiées en ayant été coupées en deux ou à la tête coupée, alors les anges ne s’interdisent pas d’entrer dans des maisons où se trouvent des images sous cette forme.
Al-Qortobî a dit : le sens apparent du hadith de Zayd ibn Khâlid, selon Abu Talha Al-Mâdî, il a été dit : les anges ne s’interdisent pas d’entrer dans une maison dans laquelle il y a une image sur un tissu. Et le sens apparent du hadith de Aisha est que cela est interdit. Pour concilier ces deux hadiths, on doit comprendre de celui de Aisha que le statut est répréhensible, et de celui de Talha que cela est permis dans tous les cas de figure, ce qui ne contredit pas le fait que cela soit répréhensible. À ceci je dis : c’est une bonne façon de concilier les choses, mais la façon dont le hadith de Abu Horayra nous invite à les concilier est plus à même d’être prise en compte. » Fin de citation.
Finalement, la majorité des savants sont d’avis que les images qui empêchent les anges d’entrer dans les maisons sont restreintes à celles qui sont interdites et non celles pour lesquelles il y a une dérogation. Et c’est l’avis le plus pertinent.
Et Allah sait mieux.