Malcom X : "Al Hadj m'a sauvé du complexe dû à ma couleur!"
Malcolm X est un jeune américain d'origine africaine. Il était le leader du groupe (la Nation de l'Islam) dirigé par Elijah Muhammad. Malcom se sépara du groupe à cause de leur déviation et forma son propre groupe. Il est venu à la Mecque portant avec lui des idées fausses et erronées non seulement sur l'Islam mais aussi sur la vie d'une façon générale et n'a quitté la Mecque qu'après y avoir laissée une partie de son âme qui a changé et une partie de son esprit qui s'est transformé. Grâce à son séjour dans cette cité bénie, il a corrigé ses idées et ses convictions ont changé.
Voici quelques aspects sélectionnés de la biographie de Malcom X, connu plus tard sous le nom d' El Hadj Malek Es-Shabbaz, qu'il a redigé dans ses mémoires. Ces mots mettent en exergue plusieurs réalités qui se sont clarifiées au cours de son voyage dans la terre sainte pour accomplir les rites du Hadj. Il, qu'Allah lui accorde Sa miséricorde, a dit:
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1- " Je me sentais nerveux. Je me disais alors que j'étais dans le rang: qu’est-ce que tu vas leur montrer ! J'étais au coeur du monde musulman et sur le point de faire sortir mon passeport américain qui symbolise exactement le contraire des recommandations de l'Islam.
Le juge égyptien constata mon air tendu. Il me donna une tape sur l'épaule. L'amour, l'humilité, la fraternité sincère étaient un sentiment presque palpable que j'éprouvais partout où je passais.
2- Mon guide m'a pris dans un coin et m'a fait comprendre par des gestes qu'il voulait me montrer comment s'accomplit la prière; imagine ! J'étais un homme religieux musulman et l'un des leaders du groupe la Nation de l'Islam (Elijah Muhammad) et je ne savais pas accomplir la prière. J'essayais d'imiter mon guide, je sentais les regards se diriger vers moi et que ma prière était imparfaite; car il n'était pas aisé pour des genoux occidentaux habitués aux fauteuils de se fléchir avec douceur comme ceux des musulmans.
3- Dans le restaurant de l'aéroport j'ai vu des hommes ayant les soixante dix ans accroupis, mangeant leur repas avec tranquilité et satisfaction comme s'ils étaient dans l'un des plus luxueux hotels. Ces musulmans mangeaient ensemble, dormaient ensemble et tout ce qui était autour d'eux concrétisait l'union humaine sous la protection d’Allah l'Unique.
4- Dr. Azzam m'a rendu mon sac de voyage et mon passeport, m'a fait monter dans sa voiture et s'est mit à traverser les routes de Jeddah. A cause de son comportement exemplaire je ne sentais pas de différence entre lui et moi. J'avais entendu parler de l'hospitalité Arabe, mais la chaleur de son accueil dépassait toutes les imaginations. Nous sommes arrivés à la maison très tôt le matin et nous avons trouvé le père du docteur Azzam, son oncle (qui était chimiste) et un ami à eux et qui s'étaient reveillé pour nous recevoir en cette heure très matinale. Ils m'embrassèrent l'un après l'autre très chaleureusement malgré qu’ils ne m'ont jamais vu auparavant. Laisse-moi te dire : durant toute ma vie je n'ai jamais été accueilli avec tant de chaleur et de générosité. En tant qu'homme noir amécain, rien dans ma vie ne me laisse penser que les services offerts ne sont fait que pour plaire à Allah.. ce matin dans cet hôtel alors que je venais de passer la nuit sur un modeste lit dans un dortoir; je vivais l'un des rares moments où je sentais vraiment ma faiblesse. Un homme blanc, beau-frère d'un roi et son conseiller; homme de renommée internationale m'a prêté son pavillon spécial pour que je me repose aisément, sans qu'il ait un quelconque intérêt. En Amérique quand on dit (homme blanc) on entend par là des situations particulières et un comportement particulier vis-à-vis de l'homme noir et vis-à-vis de tout ceux qui ne sont pas blancs. Mais dans le monde musulman j'ai vu des hommes blancs plus gentils avec tous leurs frères que quiconque.
5- Ce jour-là mon opinion générale sur les blancs a changé et je vais citer ce que j'avais écrit dans cet hôtel à la mi-journée : " Au fond de moi je ne peux admettre que ces hommes soient "des blancs", ils m'ont traité comme si j'étais leur frère, le grand docteur m'a traité comme si j'étais son fils et je sentais vraiment qu'il était mon père. Il est clair qu'il est un diplomate chevronné, un vrai diplomate. Il m'a dit que la descendance du Prophète comportait le blanc et le noir et que la couleur dans le monde musulman n'a d'effet que dans les pays qui sont influencés par l'occident.
6- Nous sommes rentrés à Mekka que je trouvais aussi vieille que le temps. Le chauffeur conduisait lentement sa voiture à travers des rues tortueuses où des boutiques, des voitures et des autobus sont alignés et remplis par des milliers de pèlerins. Il arrêta sa voiture à l’endroit où m’attendait mon guide. Nous avons laissé la voiture près de La Mosquée Sacrée, nous avons fait nos ablutions et nous sommes entrés dans la Mosquée bâtie autour de la Kaâba. Je trouvais la mosquée dans une splendeur que les mots ne peuvent décrire et une joie immense s’empara de moi. Je marchais derrière mon guide portant mes chaussures dans mes mains et je vis la Kaâba, gigantesque maison en pierres noires au cœur de la mosquée, autour d’elle des centaines de milliers de pèlerins : hommes et femmes, de tous les gabarits, sous toutes les formes et de toutes les couleurs ! Je me sentais comme si j’étais sous l’effet d’une anesthésie totale, mon guide continua à traverser la foule qui faisait le Tawaf et priait, la foi est apparente sur leurs visages. Au sein de cette foule immense se trouve des vieillards et des handicapés portés par d’autres personnes. Après le Tawaf nous avons bu de l’eau de Zamzam (mon guide et moi), puis nous avons fait le Say’ entre les monticules Safa et Marwa répétant ce que faisait Hadjar lorsqu’elle cherchait de l’eau à boire pour son fils Ismaël. Ce jour-là, je suis retourné à la Kaâba trois fois et à chaque fois je faisais le Tawaf. Le jour suivant, après l’accomplissement de la prière du Sobh, nous avons pris la direction de Arafat en répétant : Labbayka Allahoumma labbayk et Allahou Akbar . Mekka était entourée de montagnes. C’étaient les montagnes les plus rudes et les plus arides que je n’ai jamais vues. Elles me paraissaient comme les laves d’un volcan.
7- A Arafat je ne connaissais que ce que j’ai laissé derrière moi en Amérique et qui était en complète contradiction avec le monde musulman. A Arafat j’étais dans une grande tente entouré par une vingtaine de pèlerins qui s’intéressaient à moi car j’étais américain. Ils voulaient savoir ce qui a attiré mon attention dans le Hadj. Je répondais à leurs questions et les rares qui connaissaient l’Anglais traduisaient mes paroles aux autres. Ils étaient surpris par ma réponse, mais ils trouvèrent qu’elle venait du fond de mon cœur. Je leurs ai dit : La fraternité - l’union de toute cette foule de toutes les couleurs et toutes les ethnies m’a confirmé la puissance d’Allah, l’Unique. Puis j’ai saisi l’occasion pour leur parler du racisme américain et de ses méfaits. Ce qui a eu un très grand effet sur eux. Ce sont des musulmans, leurs cœurs sont pleins de miséricorde, assoiffés de vérité et de justice. Ils étaient au courant de l’épreuve des noirs américains, mais ils ignoraient qu’elle était inhumaine à ce point et qu’elle a un effet dévastateur sur les âmes. Ils savaient que le racisme est la chose la plus pire dans la vie, qu’il est la preuve de la déficience humaine – surtout occidentale - et son incapacité à vivre en parfaite harmonie avec les autres.
8- J’avais rédigé, dans ma pensée, une lettre sur l’inexistence de la différence de couleurs en Islam. Son inexistence est due à deux facteurs essentiels : la piété et l’humanisme. Ces deux facteurs n’ont cessé de m’influencer jour après jour et ont fini par modifier mes réflexions et ma vision des choses. Cette lettre était naturellement destinée à ma femme (mon foyer) et j’étais persuadé qu’après l’effet du choc, elle finira par changer son attitude et adoptera mon opinion. Elle comprendra qu’Allah m’a guidé, sur la terre de Mohammed et d’Ibrahim, à l’Islam vrai et qu’Il m’a permis de comprendre le problème du racisme en Amérique d’une meilleure façon. Dans cette lettre ma vie était une série de changements. J’écrivais du profond de mon cœur :
Dans ma vie je n’ai jamais vu une fraternité plus sincère entre des gens de toutes les races et de toutes les couleurs ; durant la semaine passée j’étais ébahi par ce que j’ai vu de leur amabilité, de leur gentillesse et de leur courtoisie. Allah m’a accordé une très grande faveur : j’ai accompli le Hadj, le Tawaf en compagnie d’un guide portant le nom de Mohammed, j’ai bu de l’eau de Zamzam, j’ai fait le Say’ entre Safa et Marwa, j’ai prié à Mina, j’ai fait l’arrêt à Arafat avec des centaines de milliers de pèlerins venus de tous les pays et représentant toutes les ethnies et toutes les couleurs (les blonds aux yeux bleues sont mêlés aux noirs africains). J’ai accompli avec eux les mêmes rites dans un climat d’union et de fraternité. D’après mon expérience en Amérique, ces deux choses étaient impossibles à réaliser entre un homme blanc et un homme noir.
9- Durant mon voyage dans le monde musulman j’ai rencontré, j’ai parlé et j’ai même mangé avec des hommes (s’ils étaient en Amérique ils allaient être considéré comme des hommes blancs), mais l’Islam a effacé de leur conduite la fierté de la couleur. J’ai vu pour la première fois dans ma vie des gens de toutes les couleurs qui n’accordent aucune importance à la couleur de leur peau et qui vivent dans une fraternité sincère. Ce que je vais vous dire vous surprendra peut-être ! Ce que j’ai vu et vécu pendant mon pèlerinage a changé mes idées et m’a débarrassé de beaucoup de mes déductions précédentes. Chaque heure que j’ai passé dans cette terre sainte a accru ma compréhension des problemes raciaux entre les blancs et les noirs en Amérique, a augmenté ma conviction qu’on ne doit pas mépriser le nègre américain à cause de sa sensibilité au racisme ; car il s’agit là d’une réaction normale due à une souffrance endurée pendant de longs siècles et que le phénomène de racisme conduira l’Amérique au suicide. J’étais l’objet d’un respect que je n’ai jamais eu durant toute ma vie et je ressens une humilité que je n’ai jamais sentie auparavant.
Qui pourra croire qu’on peut traiter un nègre américain avec toute cette considération et ce respect !! Depuis quelques nuits seulement un homme blanc (diplomate, ambassadeur aux nations unies et ami des rois) m’a prêté son pavillon spécial et son lit. Il informa son roi de ma présence qui a chargé son fils de me téléphoner et me dire que je suis l’hôte du royaume. Le chef de protocole du roi en personne est parti avec moi pour me faire les formalités du Hadj et le juge Mohammed Al-Harkan a donné son accord pour que je puisse entrer à Mekka, m’a donné deux livres sur l’Islam qui portaient sa signature et son cachet et a imploré Allah de me guider à propager l’Islam en Amérique. Ils ont mis à ma disposition une voiture, un chauffeur et un guide et j’ai commencé à voyager dans le territoire sacré comme bon me semble. Le gouvernement a donné des instructions pour que je puisse bénéficier dans chaque ville visitée d’un domicile climatisé et de domestiques. Ces honneurs en général sont réservés aux rois et non à un nègre. Toutes mes louanges à Allah, Seigneur des mondes.
10-Lorsque j’ai quitté Jeddah à la fin du mois d’Avril 1964 à destination de Beyrouth capitale du Liban j’ai senti que j’ai laissé une partie de mon âme à Mekka Al Moukarrama et j’ai pris avec moi une autre pour l’éternité.