Le paiement par acomptes ou par tranches (Deuxième partie)

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La réponse des Oulémas aux arguments de ceux qui interdisent ce genre de transaction :

1) Le Hadith rapporté par At-Tirmidhi énonçant :  Le Prophète a interdit deux ventes en une vente.   ne mentionne que l'interdiction et non pas la cause de cette interdiction laquelle peut faire l'objet d'un raisonnement (Idjtihad).

Quant au second Hadith, celui rapporté par Abû Dawoud (n° 3003) et qui dit :  Celui qui a procédé à deux ventes en une vente aura droit au plus faible des deux prix, sinon ce sera de l'intérêt. , certes il mentionne explicitement, comme cause de l'interdiction, la présence d'intérêt. Cependant, l'authenticité de ce second Hadith ne fait pas l'unanimité. En effet, si Al-Albani pense que ce Hadith est authentique, Al-Moubarakafouri , un autre grand spécialiste de Hadiths, souligne qu'il n'est rapporté avec la mention du principe que par Mohammed Ibn Amr ibn Alqama Ibn Waqqas, lequel transmetteur ne fait pas l'unanimité quant à sa fiabilité ("wa qad takallama fîhi ghayr wahid"). (En effet, Dhakarahou Ibn Hibban fi Ath-Thiqat wa qala : Youkhti' .) Al-Moubarakafouri écrit :  Il apparaît que ce Hadith rapporté avec cette mention [de la présence d'intérêt] ne peut pas servir de base pour en déduire quelque chose. Wallah Aâlam.  (Touhfatou Al-Awhadhi).  

Ne pouvant pas se fonder sur ce Hadith pour établir si le paiement par acomptes  contient de l'intérêt, peut-on se fonder pour cela sur le raisonnement par analogie, Qiyass, fait sur la base des formes reconnues dans les sources de l'Islam comme contenant de l'intérêt ?
Non, disent ces Oulémas car il ne s'agit pas de la même chose.  

En effet, dans les formes reconnues à l'unanimité par les savants musulmans comme contenant de l'intérêt (Riba Al-Qouroudh), l'augmentation de la somme à payer est une pure contrepartie du délai : l'argent prêté par la Banque de Tombouctou fait face à l'argent remboursé par Djunaïd et la différence de la somme à payer entre l'argent prêté et l'argent remboursé est une pure contrepartie du délai accordé.

Par contre, dans le paiement par acomptes, l'acheteur ne remet pas l'argent en contrepartie de l'argent mais en contrepartie de la marchandise qu'il achète et l'augmentation de la somme d'argent qu'il paiera n'est donc pas une pure contrepartie du délai.  
De même, dans le cas suscité de Zaïd et de Bakr, la dette était fixée à 6000 € et c'est ensuite, parce que Bakr n'avait pas pu payer en fin d'échéance que Zaïd avait augmenté la somme de la dette : il s'agit donc bien, dans ce cas aussi, d'une augmentation qui est une pure contrepartie du délai accordé.

Or, ici, la somme à payer est fixée une fois pour toutes au moment de la conclusion de l'affaire et il n'y aura ensuite aucune possibilité de l'augmenter par la suite en cas de non-paiement.

Le paiement par acomptes – dans sa deuxième forme – reste donc licite car ne contenant rien de contraire aux principes établis de l'Islam.

2) Contrairement à ce qui a été dit, on peut imaginer que la vente soit conclue avec un flou à propos de la formule qu'a choisie l'acheteur. En effet, il se peut que les deux personnes concluent la vente mais que l'acheteur dise :  Je verrai dans deux jours si je te paie le prix comptant ou si je te paie une des échéances. 

Dans le cas où ce flou aurait été gardé, le vendeur n'aurait droit qu'à la plus faible des deux sommes, conformément à ce que le Prophète a dit dans le Hadith cité.

Et même à supposer qu'il soit effectivement peu probable que "l'interdiction de deux ventes en une" ait comme principe le flou qui subsiste dans la vente, de toute façon la formule "deux ventes en une" ne désigne pas à l'unanimité le paiement par acomptes comme le pense Al-Albani. En effet, le Hadith :  Le Prophète a interdit deux ventes en une vente.  fait l'objet en tout de quatre interprétations différentes chez les savants sunnites :

a) Il y a certes l'interprétation sur laquelle s'est fondé Al-Albani, qui est celle de Sammak, An-Nassaï, Ibn Hibbane, selon lesquels faire  deux ventes en une , c'est bien dire :  Ce produit est à 10 pièces d'argent s'il est payé comptant et à 20 pièces d'argent s'il est payé à crédit, avec échelonnement.  At-Tirmidhi, citant cette interprétation, dit qu'il s'agit de celle de  certains Oulémas  (cf. Sounanes At-Tirmidhi).

b) Selon Ach-Chafiï, ce Hadith peut également signifier autre chose : faire "deux ventes en une", ce peut être aussi dire :  Je te vends ma maison pour tel prix à condition que tu me vendes ta monture pour tel prix.   At-Tirmidhi a également cité cette autre interprétation (cf. Sounanes At-Tirmidhi).  

c) Selon d'autres Oulémas, faire "deux ventes en une", c'est faire comme suit… D'abord on fait une vente à terme :  une pièce d'or contre 100 kilos de blé, livrables un mois plus tard.  Puis, à la fin de l'échéance, ne pouvant pas livrer les 100 kilos de blé, on dit à la personne :  Revends-moi les 100 kilos de blé que je te dois, en échange de 200 kilos de blé que je te donnerai dans deux mois.  C'est cela que le Hadith suscité entend interdire d'après ces Oulémas. (cf. Touhfatou Al-Awhadhi, Al-Moubarakafouri).

d) Selon Ibn Qayam, faire "deux ventes en une", c'est faire une double vente avec comme condition le retour au premier propriétaire et une modification du prix :  Je te vends cette maison à 6000 crédit à condition que tu me la revendes ensuite à 5000 comptant.   C'est donc l'équivalent d'une  Bay' Al-Aïna  (cf. Tahdhib Sounanes Abou Dawoud, Ibn Qayam).

On voit bien qu'il serait précipité de dire des Oulémas qui n'ont pas, à propos du paiement par acomptes, le même avis que celui de Al-Albani, qu'ils ne suivent pas la Sunna du Prophète ! En effet, on vient de voir que, au sein même de l'authenticité sunnite, il y a plusieurs interprétations de la formule "deux ventes en une", et qu'il n'est donc pas certain qu'elle désigne absolument le paiement par acomptes (Bay' bi At-Taqsit).


Bref…

Le paiement par acomptes (Bay' bi At-Taqsit) fait l'objet des avis divergents que nous avons vus, fondés sur les argumentations différentes que nous avons évoquées brièvement.

Cheikh Wahba Az-Zouhayli a rapporté que l'Académie du droit musulman (Madjmaâ' Al-Fiqh Al-Islami) avait rendu comme avis la licité de ce type de vente (Al-Fiqh Al-Islami wa Adillatouh, p. 5199).

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