Assalam Alaikoum wa Rahmatou Allah wa Barakatouh,
Al Hamdoulillah, j'ai fait le pèlerinage cette année, à 26 ans. J'ai tenu à le faire cette année, je ne pouvais pas attendre et c'était le grand pèlerinage (Hadj) pas le petit (Omra) que je voulais faire. J'avais décidé de le faire dès que les moyens financiers se présenteraient et al Hamdoulillah, ce fut le cas cette année. Et lorsqu'Allah nous y appelle, on ne peut refuser.
Je suis partie avec une agence, seule puisqu'aucun membre de ma famille n'était musulman à ce moment là (maintenant, il y a ma grand-mère). Au départ, je ne connaissais personne dans le groupe mais très rapidement, j'ai fait connaissance avec les frères et sœurs. J'étais la française musulmane (une bête plutôt rare au Maroc) et la plus jeune, tout le monde se souciait de moi et était aux petits soins.
Pour avoir mon visa, ce fut un peu le parcours du combattant car je n'étais pas dans mon pays, jeune et sans Mahram (il faut connaître un peu le Maroc pour comprendre pourquoi être une jeune femme non mariée est un problème pour obtenir le visa). Mais lorsque c'est écrit que vous partirez faire le pèlerinage, vous partirez, peu importe les obstacles qui se présentent. Je n'ai obtenu mon visa que 4 jours avant le grand départ, quel stress avant le départ, comme si le stress du pèlerinage ne suffisait pas !
Une remarque rapide (car ce n'est pas le sujet de discussion ici) : je sais que certains disent que le Mahram fait partie des conditions requises pour la femme mais le cas des femmes converties est particulier et l'Arabie Saoudite accorde le visa dans ce cas.
C'est très difficile de décrire tout ce qu'on peut ressentir pendant le pèlerinage, je dirai même que c'est indescriptible. Je ne vais pas décrire tout dans le détail mais juste relater quelques moments forts ... là encore c'est difficile, il y en a tellement qu'il est préférable d'écrire un livre ! Bon, alors je vais faire une sélection ...
Les "sensations fortes" ont commencé dans l'avion car nous sommes entrés en état de sacralisation (Ihram) dans l'avion, tout l'avion récitait la Talbiya. Nous sommes allés en premier à la Mecque où nous avons fait immédiatement la Omra (après 24h de voyage sans dormir). La première fois où j'ai vu la Kaâba, c'était juste après la prière du Fadjr, j'ai eu l'impression de ne plus être sur terre mais au Paradis, une sensation très intense. Lorsque j'ai fait mon premier Tawaf (Tawaf Al Qoudoum), c'était le 1er de Dhoul Hidja, un des rares jours de l'année où on ouvre la Kaâba, cela n'a fait qu'accroître mon émotion mais aussi a rendu le Tawaf difficile (compression maximale, chutes, ...).
Ensuite, nous avons eu quelques jours pour nous habituer aux lieux, récupérer du voyage et prendre des forces pour les rites du grand pèlerinage. Après les choses sérieuses commencent : direction Mina avant le grand jour, celui d'Arafat. Que dire sur ce jour ? Les mots me manquent ! Une ligne directe ... Des prières, des invocations, des invocations et encore des invocations et beaucoup d'émotions (beaucoup de larmes aussi, en tout cas pour moi). Cette journée semble longue et courte à la fois. C'est aussi le jour où j'ai vraiment souffert de la chaleur, j'arrivais à peine à me tenir debout. Après le coucher du soleil, nous sommes allés passer la nuit à Mouzdalifa, probablement la meilleure nuit que j'ai passée: en plein air (pas de tente comme à Mina) et à même le sol (pas de personnes qui veulent et d'autres qui ne veulent pas le climatiseur, y'a pas de climatiseur ! ). Le lendemain matin, on retourne à Mina. C'est le jour de l'Aïd: la lapidation de la grande Djamra (opération assez dangereuse si on ne choisit pas son moment dans la journée), puis le mouton ... euh je n'en ai vu aucun de près ! Pour faciliter les choses aux pèlerins et pour des raisons d'hygiène, on le paie avant le pèlerinage avec la garantie de la prise en charge du sacrifice. Je poursuis donc : le "sacrifice", le passage chez le coiffeur, assez amusant pour les hommes et pour ceux qui ont encore suffisamment de force, direction La Mecque pour le Tawaf Ifadha. Je voulais le faire le jour même mais je n'ai trouvé personne pour m'accompagner (tout le monde était épuisé), je l'ai finalement fait le lendemain matin. Ensuite, on passe 3 jours à Mina. C'est ce que j'ai le moins aimé car on est "loin" de la Kaâba et on reste dans les tentes (climatisées) dans lesquelles on mange, dort et prie. J'ai tout de même apprécié le 3ème jour car beaucoup avait quitté Mina pour rentrer à la Mecque et nous avions regroupé plusieurs tentes pour tenir des discussions intéressantes et enrichissantes. Le pèlerinage proprement dit est alors terminé et nous sommes rentrés à la Mecque pour une semaine avant d'aller à Médine pour 6 jours. Comme notre sœur Oum Sara, j'ai pleuré en quittant la Mecque même si c'était pour aller à Médine.
Sur la route de Médine, j'ai observé la nature : elle est très hostile, des champs de pierres, de roches. J'ai pensé au Prophète, , et aux Compagnons qui n'avaient pas tout le confort d'aujourd'hui (autoroute, car climatisé), sans compté les ennemis et je n'ai cessé de remercier Allah des bienfaits qu'Il nous accorde. A Médine, j'ai fait les mêmes visites que notre frère Abou Abdallah plus quelques autres. Le jour du départ de Médine pour Djeddah, je n'ai cessé de pleurer car je ne voulais pas quitter cette terre sainte.
Je suis partie en tout pendant un mois et je n'avais aucune envie de rentrer. Là-bas, il est tellement facile de se détacher de cette vie qu'on ne veut plus retourner chez soi où il s'agit d'un combat quotidien avec l'alcool, la cigarette, la drogue, les filles légèrement vêtues, les hommes qui draguent (même les femmes voilées) ... Aujourd'hui, je n'ai qu'une envie: Y RETOURNER !!! C'est un virus, une fois contaminé(e) c'est fini, le seul remède est d'y retourner.
Cette expérience m'a complètement changée, à un tel point que certaines personnes de mon (ancien) entourage ne me reconnaissent plus et me traitent d'"extrêmiste". Je ne pense pas l'être, seulement je n'arrive plus à faire certaines concessions comme avant, pour "faire plaisir". Je veux en premier faire plaisir à Allah. Aucune de ces personnes n'interviendra en ma faveur le Jour du Jugement (Youm Al Qiyama), seuls mes actes et mes intentions seront pris en compte. J'ai également beaucoup appris et en particulier la patience. J'ai été très marquée par l'unité dont les musulmans sont capables dans ces moments, malgré les différences de culture et de civilisation. Plus de deux millions et demi de personnes venant des quatre coins du monde font les mêmes rites en même temps, sans répétition, ni entrainement, ni contrainte, volontairement et uniquement par amour pour Allah. Lors de la prière, c'est très impressionnant, malgré les différends qui existent entre les musulmans, à ce moment là, tout le monde est épaule contre épaule, pied contre pied, dirigé vers un même point, est debout, s'incline, se prosterne, s'assoit en même temps, dans un mouvement d'ensemble, d'harmonie unique au monde. Tout cela, uniquement par amour d'Allah, pour adorer Allah. Quelle armée, quelle organisation, quel groupe de personnes est capable de cela, même avec toutes les répétitions du monde, pour une autre raison ? Soubhane Allah !
Ce qui fut difficile pour moi, ce fut la frustration de ne pas comprendre l'arabe et surtout de voir des gens qui comprennent l'arabe et qui n'ont pas cette soif de savoir, d'apprendre. Sinon, je n'ai eu aucun problème de communication pendant mon séjour car avec l'anglais, on passe partout. J'ai eu l'occasion de discuter avec des femmes d'un peu partout: Inde, Pakistan, Malaisie, Indonésie, Turquie, Yémen, Arabie Saoudite, Egypte, Iran, Syrie et Tunisie.
Al Hamdoulillah, j'ai pu faire le pèlerinage jeune. A mon avis, il faut le faire dès que possible car si on le fait en prenant pleinement conscience de chaque acte réalisé, notre foi grandit incroyablement et nous en retirons beaucoup d'enseignements. Cette plus grande foi nous donne ensuite la force, le courage d'affronter cette vie et d'agir positivement pour celle de l'au-delà, de "marquer des points" . Plus on le fait jeune, plus on aura la possibilité, la facilité de changer notre vie pour qu'elle soit le plus en accord possible avec le Coran et la Sunna. Il est plus facile de changer sa vie lorsqu'on est jeune, lorsqu'on a peu de contraintes, de responsabilités. Ensuite, c'est toujours possible mais plus difficile. Enfin, ce n'est qu'un avis. Je connais des gens qui sont également partis au pèlerinage cette année et pour qui cela n'a pas changé grand chose dans leur vie ...