Le cercle : une histoire authentique

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J'ai toujours cru que la vie de chacun de nous est un cercle ennuyeux qui se répète à travers les générations.
Naissance et cris, enfance, demandes et exigences, adolescence et vagabondage dans les rues, études avec quelques expériences plus ou moins réussies, emploi et argent, mariage et maturité,  naissance des enfants et responsabilité, retraite et oisiveté, tombe et solitude!

 Ensuite je remets à mon fils le bâton de relais pour poursuivre le même chemin!

 L'histoire nous dit que ce cercle a démarré à partir d'Adam (notre père à tous) qui nous l'a fait hériter l'un après l'autre! Toute personne qui essaye d'aller au-delà de ce cercle pour se tracer une ligne droite, devient un voyou, un fou sans foi ni loi qui ose contourner les us et les coutumes et autres descriptions bien connues du même acabit!

Je pensais que je n'allais pas faire exception que je devais moi aussi baguenauder dans ce cercle jusqu'au jour où je dois céder ma place à une personne lésée qui viendra prendre ma relève.

A l'époque ma sœur insista auprès de moi pour que j'aille faire une Omra. Ma sœur - de mon point de vue –est du genre idéal qui n'aime pas se départir de façon définitive du cercle. Je suis alors parti en tant que Mahram presque contraint, lourd d'esprit et peu porté vers le voyage que je dois effectuer et qui doit durer trois jours .

 
Je ne peux pas nier la joie et le plaisir qui se sont emparés de moi une fois au Sanctuaire d'Allah, surtout en cette période calme de l'année.

Après la prière d'al ichaa à la Grande Mosquée de La Mecque j'ai tourné le visage et j'ai vu un jeune homme blond, de taille élancée, aux yeux couleur de la mer, l'apparence et la démarche incontestablement européennes.

Il porte l'habit de l’Ihram qui lui donne une forme à laquelle mes yeux sont peu accoutumés car il est rare de voir un européen musulman. Son habillement en Ihram lui donne l'apparence d'une miniature placée dans un grand cadre épais qui n'épouse ni sa taille, ni sa forme. Louange à Celui qui a exaucé la prière d'Ibrahim: Fais que les cœurs des hommes désirent venir à eux ...

Il me sourit et je lui réponds par un sourire équivalant sinon plus généreux que le sien. Je me suis efforcé de lui poser une question en anglais en roulant le  r  à l'américaine pour refléter ma joie et exposer ma culture américaine, mais il m'a surpris en disant:
- Assalamou aleikoum warahmatou allahi wabarakatouhou,
Ô frère ...
 Il parlait un arabe classique avec un accent étranger.

 - wa aleikou assalam,
Ô frère ...
 - De quel pays es tu, mon frère?
 - Je suis du Koweït, le connais tu ? Et toi tu es d'où?
  
J'eus l'impression d'être dans une série en doublage ou dans une sorte de "Sésame ouvre-toi". Pour la première fois de ma vie je me trouve entrain de parler l'arabe classique. Dans toute ma carrière je n'ai jamais parlé l'arabe qu'avec un accent du Golfe. Il m'arrive parfois, à titre de plaisanterie, de parler avec un accent irakien, égyptien ou libanais. Mais parler l'arabe classique, c'était un peu étrange.
- Je suis originaire des Pays-Bas, je ne connais du Koweït que sa place sur la carte et que vous avez de la chance parce que vous êtes un pays arabe et musulman.
 - Et vous vous êtes chanceux, aux Pays-Bas, parce que vous vous empoisonnez avec l'opium et le haschisch dans vos cafés sous les yeux de la police!

 Il sourit, répondant à ma blague dans son arabe classique :

 - Et vous vous avez de la chance en raison en raison de la relation que vous avez établis avec le mystère de l'éternité (le sens secret de la vie)  et l'opium du bonheur qui vous fait sortir du cercle!
- De quel cercle parles-tu?
 - Le cercle dans lequel vit chaque homme: naissance, études, travail, mariage et néant !
 Gloire à Allah, ce blond rouge, venant des confins de l'Europe pense exactement comme moi ! Et il est au courant du fameux cercle. Je garde le silence un peu puis je lui dis :

- Qu'est ce qui me fera sortir du cercle? Nous sommes tous condamnés à y être!
- Le secret de la sortie du cercle vous appartient à l'exclusion des autres, aussi vous ne pouvez vous en sortir qu'en restant dans ses confins!
- Je ne comprends rien à ta philosophie. Comment sortir du cercle alors que je m'y trouve toujours?
 
  - La différence entre vous et nous est que nous, pour arriver à la vérité, nous avons besoin de chercher, de lire et de comparer les philosophies et les religions, alors que vous vous avez de la chance parce que vous avez hérité cette vérité toute prête, facile d'accès. Peut-être que cet héritage vous a empêché d'y réfléchir.

  - J'en suis devenu confus, je ne me retrouve plus. Je ne comprends rien à ce que tu dis ....

  - Imagine que tu sois dans un long tunnel sombre. A l'autre   bout de ce tunnel se trouvent deux portes. Chaque être humain est condamné à marcher jusqu'à cet autre bout, mais une fois qu'il y arrive, l'une des deux portes s'ouvrira devant lui pour y entrer..

  - Un spectacle curieux.
 
  - Imagine que les hommes qui empruntent ce tunnel sont de deux catégories, une catégorie qui sait ce qu'il y a derrière chaque porte, et une catégorie en plein désarroi, qui ne sait pas et ne peut pas imaginer ce qu'il y a derrière les deux portes, mais tout le monde quand même se dirige vers les deux portes. A ton avis quelle différence y a-t-il entre la mentalité des deux catégories?
- Humm. Peut-être que celui qui sait ce qu'il y a derrière la porte sentira de l’attraitet devinera les raisons de sa promenade. Quant aux autres leur marche n'a aucun l’attrait. Tout au long du chemin, ils seront troublés et préoccupés.
  - C'est exactement notre cas et le vôtre. L'islam vous a indiqué la fin du voyage, de ce bas monde, mais nous nous ne savons pas pourquoi nous faisons ce voyage et nous ne savons pas non plus pourquoi nous vivons dans ce cercle. Nos esprits et nos cœurs n'arrivent pas à saisir le sens du parcours de la vie. C'est pourquoi nous essayons de goûter tous les plaisirs que nous rencontrons tout au long de cette route sombre, mais ce qui nous manque c'est de connaître la fin.

 - Mais le christianisme vous a indiqué la fin du chemin.
 - Désolé, j’ai peut être mal illustré mon propos. La connaissance est une chose et la foi en est une autre. Beaucoup d'entre nous connaissent la fin, mais rares sont ceux qui y croient fermement tout en étant certains de ce qu'il y a derrière la porte! Cette foi et cette certitude ne sauraient être ressenties que par ceux qui ont goûté de ce plaisir.
  - Et comment goûter à ce plaisir?
 - En ce qui me concerne, j'ai longtemps vécu dans l'obscurité, c'est pourquoi quand j'ai vu la lumière, j'ai immédiatement saisi la différence.  J'ai connu le plaisir.
  J'ai senti que cet européen a trouvé un goût à la religion que je n'ai jamais trouvé auparavant. Sentant ma perplexité il continua de lui-même:

  - Il y a sept ans, j'étais encore jeune, pratiquement au début de mes vingt ans. J'étais parti en visite au Caire, et en dépit de tout ce que j'ai vu de frappant pour l'européen que ce soit la beauté, les pyramides et les musées, j'avoue que ce qui m'a le plus fasciné c'était la visite d'une des mosquées historiques. C'était le moment de la prière d'Al Asr. J’étais debout en train de contempler une scène qui vous est très familière.
 Je regardais les gens qui sortaient de la prière. C'était un spectacle attirant et fascinant. Des visages tendres, dévoilant des nuances de la foi, rayonnants, illuminés, sereins et psychologiquement à l'aise. Brefs des visages tout à fait à l'opposé de ceux que j'ai connus dans ma vie.
Je les ai vus sourire, tout à fait à l’aise, d’une façon qui m'est pratiquement inconnue. Je n'ai pas pu me contrôler et je me suis rapproché de l'un d'eux pour lui poser une question en anglais, mais, ne parlant pas cette langue, il n'a pas pu comprendre ce que je voulais, mais certainement il a du voir dans mes yeux un désir ardent, une certaine curiosité. Il chercha alors autour de lui et il trouva quelqu'un qui parle anglais. Je lui dis alors: "Je veux faire comme vous, je veux prier! " L'homme sourit et me demanda de venir dans deux heures pour la prière d'Al Maghreb. Il me fit comprendre que les prières en groupe ont des heures fixes. Je suis resté sur place debout attendant avec impatience l’heure de cette prière. Alors l’homme, simple et pauvre qu'il est, me prit tout de même avec lui et m'invita à une tasse de thé égyptien, fort de surcroît. Il commença, avec son anglais approximatif, à me parler de la prière et de l'idée qui la sous-entend. J'ai passé longtemps à lui poser des questions et lui il répondit avec un esprit ouvert. Nous continuâmes ainsi jusqu'à ce que la voix du muezzin s'éleva du dôme de cette mosquée cairote décorée.
 Je sentis l'appel du muezzin s'insinuer doucement et lentement dans mes artères, couler dans mes nerfs et dans mon sang.
 Malgré le fait que je ne comprenais rien à son sens. j'ai tout de même senti qu'il s'agit d'un appel spécial qui me vient du dessus des nuages et de derrière les étoiles. Ensuite, j'ai commencé à faire mes ablutions avec l’homme. J’ai fait ma prière avec le groupe et le seul mot que j'ai compris c'était Amen! 
- Et ensuite tu as déclaré ta conversion à l'islam?
 
- Non. .. Mais je dois dire que j'ai senti une certaine sérénité envahir mon âme ainsi qu'une paix intérieure que je n'ai jamais connue. ...
 J'ai senti que l'univers a un Créateur et un Garant qui garantit à chacun de ses   éléments sa subsistance. J’ai senti qu’à cet instant je suis entré en contact avec Lui..

 Je sentais que j'étais avec Lui dans ces Sajdates (prosternations) et dans ces Roukou’ (inclinations).

 J'ai ressenti pour la première fois que je suis près de Lui et que je peux Lui demander ce que je veux.
 
Ensuite j'ai quitté l'Egypte, mais ces instants ne m'ont jamais quitté un seul moment. L'idée de faire la prière à la manière islamique n'a cessé de me tenter.

- Et alors quoi?
 
- Après plusieurs années, la compagnie qui m'emploie m'a envoyé pour travailler, pendant plusieurs années, dans un petit village en Allemagne. Dans ce village, j'ai vu un spectacle curieux qui fut à l'origine de ma conversion à l'islam!

-Un spectacle curieux en Allemagne! Comme quoi?
- J'ai vu une mosquée transparente!
- Une mosquée transparente?
- Oui, lorsque certains des immigrés musulmans habitants au village ont essayé de construire une mosquée, une vague de protestation s'est élevée parmi les habitants de celui-ci. Certains ont exprimé leur crainte de voir la mosquée se transformer en cache d'armes ou en un lieu de direction de cellules terroristes, et autres bêtises dirigées contre les musulmans!

Parmi les musulmans du village il y avait un architecte qui suggéra qu'on construise une mosquée en verre transparent pour que les villageois puissent voir tout ce qui se fait (et se trame) dans la mosquée.
 
En fait, quand je suis passé par la mosquée transparente et que je vis les fideles alignés pour la prière du Maghrib, j'ai presque senti les cellules de mon sang danser par nostalgie au sentiment qui m'habite depuis quelques années, depuis le jour où j'ai prié dans une mosquée au Caire.

J'ai donc arrêté ma voiture, fait mes ablutions et prit part à la prière avec eux. Je sortis de la mosquée, en nageant dans la joie qui me comblait.
 - Ensuite tu as déclaré ta conversion à l'Islam?
Il sourit comme s'il s'attendait à ce que je sois pressé de savoir et me dit d'une voix affectueuse :
 
 - En quittant la mosquée j'ai aperçu un papier sur lequel sont écrites les heures de prière. J'ai tout de suite gardé dans mon esprit l'heure de la prière de l'aube. A la tombée de la nuit je n’ai pas pu dormir. J'étais entrain de contempler ce plaisir que je n'avais jamais ressenti auparavant. J'ai continué à entendre des voix intérieures qui m'appellent à Allah. Ces voix n'ont cessé qu'au moment de la prière de l'aube et alors je suis sorti immédiatement vers la mosquée.

J'ai fait mes ablutions et j’ai accomplis la prière. Je me sentais davantage plus prés de mon Créateur. J'ai senti une lumière qui rayonner dans mon cœur, baigner dans mon sang. Alors que je me prosternais j'ai pleuré en gémissant. Sans savoir pour quelle raison je pleurais. Mais c'étaient des sanglots agréables et confortables.

 Après la prière, les fidèles étaient venus me voir. Je les ai informés que je ne suis toujours pas musulman. Le cheikh se leva et passa sa main sur mon cœur tout en lisant la Sourate Taha. Je repris alors mes pleurs et tous les gens autour de se mirent à pleurer.
 
La vie m'avait appris que les hommes ne devaient, en aucun cas, pleurer. Mais l'Islam m'a enseigné que pleurer est le sommet de la virilité! C'est pourquoi Omar ibn Al-Khattab, cet homme fort et solide pleurait! Même Haroun Ar-Rachid qui régna sur la terre pleurait lui aussi!
 J'ai donc déclaré ma conversion à l'Islam au milieu des Takbirs des hommes qui m’entouraient!

De mon côté j'ai senti des larmes couler à mon insu, tellement le récit m'a subjugué et m’a engourdi alors que j'étais entrain de regarder la Kaaba. Je me suis posé la question: Ai-je jamais pleuré en raison d'un plaisir ressenti au cours d'une prière ou d'une humiliation pendant une invocation? Pourquoi n'ai-je jamais pleuré dans ma vie?
 
L'européen resta un moment silencieux puis ajouta:
 
  - Depuis que je suis devenu musulman j'ai éprouvé la magnificence du sentiment de l'obéissance à Allah et d’être proche du Roi de l’Univers. J'ai senti que cette force terrible qui a construit tout cet univers avec ses étoiles et ses hommes a ouvert les portes devant moi et m'a autorisé à entrer dans Sa cour quand je veux. C'était un sentiment terrible qui permet pour quelqu'un comme moi de venir à la cour du Roi des rois, quand il a besoin de se relever des charges et des problèmes de la vie, sans intermédiaire, ni gardien, ni même planton! En islam, on établit un lien avec Allah en tout. Il y a des invocations qu'on dit en se réveillant, d'autres en allant nous coucher, en sortant de chez soi, en prenant sa voiture et même en faisant des éternuements !

 - Comme c'est beau !  On dirait que c'est la première fois que je ressens ces faits. 

  - C'est cela votre problème. Vous êtes nés avec ces faits! Vous ne méditez pas leurs secrets. Si jamais tu médites et tu cherches la signification de chacune de ces invocations tu ne saurais jamais sonder la profondeur de leur mystère.

- Tu sais le problème est que vous êtes nés avec ces faits ! Vous ne méditez pas leurs secrets. Si jamais vous méditez et vous cherchez la signification de chacune de ces invocations vous ne sauriez jamais sonder la profondeur de son mystère.
- Humm ! Donc c'est ainsi que tu marches dans le cercle. Mais tu y vis et tu en jouis.
 - Oui. Si tu médites les secrets des invocations, si tu te plonges dans le sens des versets et si tu établis des rapports confidentiels avec Allah en apparence tu vivras dans le cercle avec les autres, mais en réalité tu vis avec Allah.
 Depuis ce jour je vis dans le cercle. Je mange, je bois, je ris et je sors. Mais j'ai une relation spéciale avec Allah, dans ma prière, dans mes nuits, dans mes aubes, une relation qui me rend heureux et satisfait et surtout désireux de Le rencontrer.
Essayez-là. L’obéissance à Allah c'est la jouissance de la vie !

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