Nous allons parler dans cet article du désaccord des Compagnons, qu'Allah soit satisfait d'eux, quant à l'interprétation du hadith du Messager d'Allah () :
Que personne ne fasse la prière du `Asr avant d’être chez les Banu Qurayzah (Boukhari)
Certains parmi eux comprirent qu'il voulait les inciter à se hâter. Ceux-ci accomplirent la prière du `Asr lorsque l'heure survint. D'autres se limitèrent au sens explicite du Hadith et ne firent la prière que lorsqu'ils sont arrivés chez les Banu Qurayzah. Le Prophète () quant à lui, ne réprimanda ni ne désapprouva aucun des deux groupes. L'on tire argument de ceci pour l'un des plus grands principes de la Charia, à savoir : d'admettre le principe du désaccord au sujet des questions traitant des choses secondaires, tout en considérant que chacune des deux parties en désaccord est excusée et digne de rétribution. Ceci établit de même le principe de l'Idjtihâd, effort de réflexion (ou de déduction) personnelle des oulémas, destiné à déduire les jugements de la Charia ; et prouve que mettre fin au désaccord relatif aux questions traitant des choses secondaires, lesquelles émanent d'indices hypothétiques, s'avère inconcevable, voire impossible.
En effet, œuvrer à éliminer le désaccord au niveau des questions traitant des choses secondaires est un défi lancé à la sagesse et l'aménagement d'Allah, exalté soit-Il, dans Sa législation. Voire, c'est une absurdité et une sorte de nullité : car comment pourrait-on garantir la dissipation du désaccord au sujet d'une question si celle-ci repose sur un argument hypothétique et éventuel ?
Par ailleurs, s'il est possible que ceci ait lieu à notre époque, cela aurait dû arriver, à plus forte raison, à l'époque du Messager d'Allah () dont les Compagnons, qu'Allah soit satisfait d'eux, étaient certes plus dignes de ne pas tomber en désaccord. Or, ils se trouvèrent en désaccord comme on vient de le voir.
Une des leçons de Fiqh puisées dans le Hadith précédent est qu'il n'est pas blâmable de se limiter au sens explicite d'un Hadith du Prophète () ou d'un verset du Livre d'Allah, exalté soit-Il ; qu'il n'est pas reprochable non plus de déduire du Texte un sens qui lui soit particulier ; et que l'effort de chacune des parties en désaccord au niveau des choses secondaires est un Idjtihâd, qui n'implique aucunement que la partie fautive soit pécheresse. Ceci est étayé par le Hadith dans lequel le Prophète () dit :
Si le juge, par son Idjtihâd, aboutit au bon jugement, il sera récompensé d'une double rétribution ; et si, par son Idjtihâd, il eut tort, il sera récompensé d'une seule rétribution. (Abu Dâwûd)
Ibn Hadjar, qu'Allah lui fasse miséricorde, commenta en disant : Tirer argument de cette histoire que toute personne, par son Idjtihâd, a raison dans l'absolu, manque en fait de clarté. La leçon à tirer de ce Hadith est plutôt de ne pas blâmer celui qui fit de tout son mieux et fit un effort de réflexion à cet égard, lequel ne doit pas être considéré comme pécheur. En bref, certains Compagnons interprétèrent le texte en fonction de son sens explicite, tout en négligeant leur accomplissement de la prière après l'heure, faisant ainsi prévaloir la seconde interdiction sur la première, à savoir l'ajournement de l'accomplissement de la prière. Ils tirèrent argument au sujet de cet ajournement de la permission accordée au guerrier préoccupé par le combat d'ajourner sa prière, tel que fut le cas lors de la bataille d'al Khandaq (la tranchée). Or, d'autres Compagnons, qu'Allah soit satisfait d'eux, n'interprétèrent pas l'interdiction en fonction du sens explicite, mais ils y trouvèrent une allusion pour les inciter à se hâter et à se précipiter vers les Banu Qurayzah. La majorité des oulémas tirèrent argument de ce fait que celui qui, par son Idjtihâd, aboutit à une déduction quelconque, ne doit pas être traité comme pécheur, et ce, étant donné que le Messager d'Allah () ne réprimanda aucun des deux groupes. S'il y avait un péché, il l'aurait certes reproché au pécheur.