L'inscription et la compilation du Coran

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Le Prophète () qui ne savait ni lire ni écrire, insistait d’abord auprès de ses compagnons pour que les versets soient appris par cœur au fur et à mesure de leurs révélations : on les récitera aux prières liturgiques. En particulier, le Prophète Mohammed () a pris l’habitude, durant le mois de Ramadan, de réciter la totalité du Coran alors connue, lors de prières supplémentaires, les prières du Tarawih. Sous la surveillance de Gabriel, la mémoire de Mohammad () devenait “plus féconde que le vent portant la pluie”.

Pendant le dernier Ramadan du Prophète (), Gabriel lui fera réciter par deux fois la totalité du Coran, lui signifiant ainsi doublement l’achèvement de sa mission et sa mort prochaine. La tradition d’apprendre le Coran par cœur est donc bien ancrée dans le cœur des musulmans.
Mais les compagnons lettrés prennent également l’habitude de noter les versets par écrit. A partir de quelle date exactement, on ne le sait. Toujours est-il que cinq ans après la première révélation, des traces écrites existent déjà. Et de cela on en est sûr, car c’est à cette époque que le futur Calife Omar, séduit par la lecture de la sourate 20, se convertit à l’islam.
Cette transcription du Coran, alors qu’à cette époque, n’existe par écrit en langue arabe qu’un petit nombre de poèmes, trouve somme toute son bien fondé dans le fait que la première révélation parle déjà de l’importance de l’écrit, de l’enseignement par le calame.
Tout comme le Prophète () faisait réciter ses Compagnons, il dicte aux scribes les versets, faute de papier tous les matériaux sont bons : morceaux de parchemin, cuir tanné, tablettes de bois, omoplates de chameaux, morceaux de poterie, nervures médianes des dattiers... Au fur et à mesure, les versets, comme un puzzle s’agenceront, le Prophète Mohammed () précisant l’emplacement des versets dans les sourates, et des sourates dans l’ensemble du Livre. En effet, si quelquefois, toute une sourate fut révélée d’un coup, à d’autres occasions, les fragments d’une même sourate vinrent avec des intervalles, à d’autres encore, plusieurs sourates étaient commencées simultanément et se poursuivaient avec des interruptions.
Par le double contrôle oral et écrit, le Prophète () s’assure de la conservation de l’intégrité du texte. Les mémoires défaillantes peuvent s’appuyer sur un texte écrit, et dans l’autre sens, les erreurs de copie sont corrigées grâce à la mémorisation du texte.
Ainsi, pas un iota du texte sacré ne pourra être modifié par erreur.
Lorsque le Prophète Mohammed () quitte ce monde, plusieurs Compagnons ont  la chance d’avoir retenu par cœur la totalité des versets. Par contre, il n’existe pas de texte complet du Coran. Sur le coup, personne ne s’en émeut outre mesure. La bataille de Yamâma va faire prendre conscience de ce manque.
Là, cinq cents d’un groupe de trois mille musulmans de la première heure et comptant parmi les plus grands connaisseurs du Coran, trouvent la mort. Omar prend alors conscience du danger et s’en va trouver le Calife Abou-Baker et lui :
“Les compagnons de l’Envoyé d’Allah tombent dans la bataille d’Al- Yamâma à la façon de papillons dans le feu, et je crains qu’ils le fassent chaque fois qu’ils rencontraient une occasion pareille de se faire tuer en martyrs, cependant qu’ils sont les porteurs du Coran. Par leur mort le Coran risque de se perdre et d’être oublié. Si tu le réunissais et le faisais écrire?”
Pendant les dernières années de sa vie, le Prophète () employait de manière officielle des secrétaires, les uns pour les tâches courantes, d’autres pour la transcription de la révélation coranique. Le jeune Zaïd ibn Thâbit faisait partie de ce dernier groupe. Il était même devenu le scribe principal du Prophète () et comptait parmi les personnes qui connaissaient la totalité du Coran par cœur.
Tout naturellement, le Calife Abou-Baker le chargera donc de réunir le Coran dans son ensemble. Mais le Calife, avec le scrupule qui le caractérise, tient à ce que toutes les précautions soient prises : pour chaque verset, Zaïd devra trouver au moins deux témoignages écrits, avant de l’inclure dans la copie définitive. Et le calife demandera aux habitants de Médine d’apporter les fragments écrits qu’ils possèdent. Sur la totalité du Coran, la Tradition nous apprend que seuls deux versets ne se trouvèrent par écrit que chez une seule personne. Cette copie appelée Moushaf (feuilles réunies), sera conservée par le Calife Abou-Baker et après lui par son successeur Omar.
Pendant ce temps, l’enseignement du Coran est encouragé dans tout l’empire musulman, qui ne cesse de s’accroître. Omar, toujours perspicace, entrevoit le besoin d’envoyer des copies du Moushaf dans les principaux centres, afin d’éviter tout risque de déviation, et d'erreurs de prononciation dans les pays non-arabes. Mais il n’en aura pas le temps, et c’est le troisième Calife Othman qui s’en chargera.
Il demandera à une commission présidée par le même Zaïd ibn Thâbit d’établir sept copies à partir du Moushaf, en autorisant la révision de l’orthographe dans le sens d’une plus grande lisibilité du texte, en particulier pour les non arabophones.
 Après lecture publique de la nouvelle édition devant les savants du Coran que compte Médine, ces copies sont envoyées aux quatre coins de l’empire, avec ordre du calife de détruire tout texte ne correspondant pas au texte officiel. En effet, certaines divergences existaient du fait d’erreurs de copie, ou encore de la prise en compte d’un commentaire comme faisant partie du texte. Et il importait que ces textes inexacts soient détruits.
Des copies envoyées par Othman, il en reste de nos jours une, complète, que l’on peut admirer au musée Topkapi d’lstanboul, et une autre où il manque quelques feuillets à Tachkent. Et entre ces copies et les millions d’exemplaires éditées de nos jours, aucune différence...
Ou plutôt si, une différence existe, quant à l’orthographe. En effet, à l’époque de la révélation, l’écrit venait à peine de faire son apparition. Pour les vingt huit lettres que compte l’alphabet, seuls quinze signes différents existaient. Ainsi le b, le t, le th, le n et le y avaient presque la même façon de s'écrire et n’étaient pas différenciés par ce qu’on appelle des signes diacritiques : les points sur ou sous les lettres en arabe, les accents en français. On reconnaissait donc les lettres selon le contexte, leur emplacement dans le mot. De même, si en arabe, les voyelles longues sont représentées, les voyelles courtes et d’autres signes ne le sont qu’exceptionnellement, quand il y a ambiguïté. Ce sont en effet les fonctions grammaticales des mots qui permettent de les deviner. Tel est encore le cas dans l’arabe écrit courant. Cette écriture ne permet donc pas à une personne qui n’est pas versée dans la littérature arabe de lire le Moushaf correctement.
 Le Coran bénéficia donc jusqu’à la deuxième moitié du premier siècle de l’Hégire de différentes réformes orthographiques pour être tel que nous le connaissons actuellement.

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