Il était commerçant. Il achetait des vaches en Iraq ou en Iran et les revendait en Syrie. C'était un homme musulman authentique, qui avait pris l’habitude de prier la nuit, de jeûner le jour et donner une partie de ses biens aux pauvres et démunis. C’était un dévot, pieux et pur.
Lors de l’un de ses voyages de commerce, alors qu’il se déplaçait avec ses vaches et parcourait les chemins pour les vendre, il neigea abondamment. Les chemins furent obstrués, les prairies dévastées et ses vaches moururent à l'exception de quatre d'entre elles. Il voyagea d'un endroit à l'autre avec elles et un soir, il arriva à un petit village sur la route Mossoul-Alep. Il frappa à la porte d’une maison et lorsque le propriétaire de celle-ci sortit, il l'informa qu'il était un hôte de passage et qu'il voulait juste passer la nuit dans sa maison, et que le matin venu, il continuera son voyage vers une autre destination.
Le propriétaire de la maison accueillit son hôte, fit entrer ses vaches dans la cour de sa maison et servit un repas à l'hôte et du fourrage aux vaches. Le propriétaire de la maison était pauvre, son bétail était mort et ses cultures avaient été endommagées par les tombées de neige abondantes et répétées. Il était marié et avait un fils. Sa maison était dotée de deux chambres, l'une pour lui et sa femme et l’autre pour son fils.
La famille se rassembla autour du nouvel hôte et une plaisante discussion nocturne commença. Le propriétaire de la maison apprit au cours de la conversation que son hôte transportait avec lui une certaine somme d'argent.
Après cela, le propriétaire de la maison se rendit en compagnie de son épouse dans sa chambre et l'hôte se rendit dans la chambre du fils. Le fils s'installa sur son lit dans le coin droit de la chambre et l’hôte s'installa sur le sien dans le coin gauche de la pièce.
Le propriétaire demanda à l'hôte s'il avait besoin de quelque chose et s'assura qu'il était à son aise.
Il quitta la chambre de son fils et de l'hôte pour se rendre dans sa chambre et dormir également. Une fois dans la chambre, son épouse lui chuchota : Ô toi ! Jusqu'à quand resteras-tu dans le besoin ? Cet hôte est riche et nous avons grand besoin de son argent et de ses vaches. Pour l'instant, nous mangeons un jour et restons affamés plusieurs jours, alors qu'adviendra-t-il de nous si la famine vient à toucher le village et si nous n'avons ni argent ni nourriture ?! L'opportunité est là aujourd'hui. Cet hôte est riche, alors va auprès de lui, prends-lui son argent et ses vaches afin de préserver nos vies et celle de notre fils.
L'homme lui dit : Comment pourrais-je faire cela alors qu'il est notre hôte ?! Comment pourrais-je lui son argent et ses vaches ?! Comment me permettre de commettre une telle absurdité?!
Sa femme lui dit : Tue-le et ensuite nous le jetterons dans une fosse proche, au cœur de cette vallée, et nul n'en saura rien ?!
L'homme hésita… la femme insista, et pour mettre fin à l'hésitation de son mari elle lui dit : Ce que tu vas faire est une nécessité pour nous sauver d'une mort certaine et la nécessité justifie les interdits !! et le diable était leur troisième compagnon.
L'homme finit par être convaincu et se résolut à tuer son hôte et à le dépouiller de l'argent qu'il possédait.
C'était le dernier tiers de la nuit et tout était calme et paisible. L'obscurité enveloppait le village et un silence effrayant l'envahissait. L'homme sortit son poignard et l'affûta. Ensuite, il se dirigea vers la chambre de l'hôte et de son fils. Son épouse se trouvait derrière lui pour l'encourager. Il marcha lentement sur la pointe des pieds et se dirigea vers le coin gauche de la chambre où l'hôte était allongé. Il tâta son corps jusqu'à sentir son cou dans l'obscurité, puis l'égorgea comme l'on égorge une chèvre.
La femme vint auprès de son mari et ils s'entraidèrent à tirer le corps inerte hors de la chambre. C'est alors qu'ils découvrirent qu'ils avaient égorgé leur fils unique.
L'homme et la femme poussèrent un grand cri et tombèrent, évanouis.
En entendant ce vacarme, l'hôte et les voisins se réveillèrent et trouvèrent le fils mort. Ils se précipitèrent vers l'homme et sa femme avec de l'eau froide et leur aspergèrent le visage.
Lorsqu'ils revinrent à eux en pleurant à chaudes larmes, ils demandèrent aux voisins de signaler le crime à la police et celle-ci arrêta les auteurs.
Que se passa-t-il dans la chambre de l'hôte et du fils ?!
Le fils se leva et se dirigea vers le lit de l'hôte lorsque son père quitta la pièce et ils commencèrent tous deux à discuter. La conversation fut longue et perdura jusqu'à ce que le garçon s'endormît sur le lit de l'hôte après que le sommeil l'eut envahi. L'hôte ne voulut pas réveiller le fils et lui laissa son lit après l'avoir enveloppé d’une couverture. Ensuite, il se coucha sur le lit de l'enfant et rentra dans un profond sommeil. Lorsque le père vint dans la chambre de l'hôte et de son fils, il était certain de connaître l'endroit du lit de chacun d'eux et il égorgea son fils alors qu'il voulait égorger l'hôte. Le père voulait la vie de l'hôte, mais Allah, Exalté soit-Il, décida que ce serait le fils qui devrait mourir. Les voisins enterrèrent l'enfant mort et le père fut incarcéré.
Ce récit est tiré du livre intitulé Adalatou As-Samaa (La justice du ciel)