Après leur Hégire à Médine, la nostalgie des Mohaadjirounes pour la Mecque ne s'est jamais éteinte. C'était l’oppression et la transgression qu’ils y avaient subies qui les avaient empêchés d'y vivre. Ils attendaient anxieusement le jour où ils pourraient y revenir et faire les circumambulations autour de la Maison Sacrée. Ce jour vint et le Prophète, , fit part à ses Compagnons de la vision qu'il avait eue en rêve à savoir son entrée à la Mecque et sa circumambulation autour de la Ka‘ba. Les musulmans furent heureux de cette vision comme ils savaient que les visions des prophètes se réalisent toujours. Ils s’apprêtèrent alors à ce voyage grandiose.
Un lundi, le Prophète, , sortit, en compagnie de mille quatre cents de ses Compagnons, pour faire la ‘Omrah. Ils avaient pour seules armes l’équipement nécessaire pour sécuriser leur voyage. Ils entrèrent en état d'Ihraam (consécration rituelle)pour la ‘Omrah à Dhou-l-Holayfah. Lorsqu'ils s’approchèrent de la Mecque, ils apprirent que la tribu de Qouraych avait mobilisé ses forces pour les combattre et leur interdire d’entrer dans la Maison Sacrée. Lorsque le Prophète, , s'installa à Hodaybiyyah, il dépêcha ‘Othmaan, qu'Allah soit satisfait de lui, auprès de la tribu de Qouraych en lui disant:
Informe-les que nous ne sommes pas venus pour combattre mais pour accomplir la ‘Omrah et invite-les à se convertir à l’Islam .
Le Prophète, , lui ordonna de se rendre chez les croyants et les croyantes de la Mecque pour leur annoncer la bonne nouvelle de la proche conquête de la ville et pour leur dire qu'Allah, Exalté soit-Il, ferait prévaloir Sa religion à la Mecque et que la foi n’y serait plus jamais dissimulée. ‘Othmaan, qu'Allah soit satisfait de lui, se mit en route et passa à côté de Qoraychites qui lui dirent: Où vas-tu? . Le Prophète, , répondit ‘Othman, m'a envoyé pour vous inviter à adorer Allah, Exalté soit-Il, et à vous convertir à l’Islam. Il vous informe que nous ne sommes pas venus pour combattre, mais pour accomplir la ‘Omrah . Nous avons reçu le message, dirent-ils, va-t'en donc achever ta mission .
Une fois à la Mecque les Qouraychites refusèrent de le laisser partir, et il tarda à revenir auprès des musulmans. Le Prophète, , eut peur pour lui d'autant plus que des rumeurs circulaient selon lesquelles il avait été tué. Le Prophète, , appela les gens à lui prêter serment d'allégeance. Les Musulmans se précipitèrent pour prêter serment d’allégeance au Prophète, , qui se trouvait sous un arbre, et ils lui promirent de ne pas fuir le combat. Ce fut le serment d’allégeance d'Ar-Ridhwaan à propos duquel Allah, Exalté Soit-Il, dit: (sens du verset) Allah a très certainement agréé les croyants quand ils t’ont prêté le serment d’allégeance sous l’arbre . (Coran 48/18).
La tribu de Qouraych envoya ‘Orwah Ibn Mass‘oud aux musulmans. Celui-ci revint à ses compagnons et dit: Ô mon peuple, j'ai été envoyé à des rois comme Chosroes, César et le Négus mais par Allah je n'ai jamais vu de roi qui soit aussi révéré par ses adeptes que Mohammad. A chaque fois qu'Il expectore une glaire, celle-ci est recueillie par les mains de l'un de ses adeptes lequel s’en frotte le visage et la peau. Dès qu'il émet un ordre, ils se précipitent pour l’exécuter. Lorsqu’il fait le Wodhou’ (les ablutions), ils se dépêchent d’en récupérer l'eau. Lorsqu’il parle, ils baissent la voix. Ils braquent leurs yeux sur lui par vénération . Puis il dit également : Il vous propose un plan sage. Acceptez-le donc . Qouraych ne tarda pas à envoyer Sohayl Ibn ‘Amr pour conclure un traité avec le Prophète, . Lorsque le Prophète, vit Sohayl il dit à Ses Compagnons:
Allah, Exalté Soit-Il, a facilité votre affaire, en effet ces gens veulent conclure un traité avec vous ; c'est pour cette raison qu'ils ont envoyé cet homme .
Sohayl parla longuement puis ils se mirent d'accord sur les bases du traité, qui sont les suivantes:
Premièrement: Le retour du Prophète, , ainsi que de ses Compagnons sans entrer à la Mecque cette année là, tout en acceptant que les musulmans y entrent l’année d’après, mais sans autres armes que l’équipement habituel du voyageur et sa monture, et à condition qu'ils n’y résident que trois jours.
Deuxièment: Une trêve de dix ans pendant lesquels les gens vivraient en paix.
Troisièmement: la possibilité de se rallier librement à Mohammed et de joindre son pacte, la possibilité de se rallier librement à Qouraych et se joindre à leur pacte.
Quatrièmement: quiconque, parmi les Qouraychites, rejoindrait les rangs de Mohammad, , sans la permission de son allié, devrait être renvoyé par Mohammad à Qouraych. Par contre si des partisans de Mohammad voulaient rejoindre la tribu de Qouraych, cette dernière n’aurait pas à le renvoyer à Mohammad, .
Le Prophète, , dit alors; Qu'on rédige un traité entre nous et vous on appela un scribe, à savoir ‘Ali ibn Abii Taalib. Le Prophète, , dit: Ecrivez ″au nom d'Allah, Ar-Rahmaan (le Miséricordieux), Ar-Rahiim (le Clément)″ .
- Quant à Ar-Rahmaan (le Miséricordieux), je ne sais pas de qui il s’agit dit Sohayl. Ecrivez donc ; Ô Allah, par ton nom. Comme tu avais l’habitude de l'écrire .
- Par Allah, dirent les musulmans nous n’écrirons qu'Ar-Rahmaan (Allah le Miséricordieux) et Ar-Rahiim (le Clément) .
- Ecris: ô Allah, par Ton nom , dit le Prophète, . Puis il dit: C'est ce qui est convenu par Mohammad, Messager d’Allah.... .
- Par Allah, dit Sohayl, si croyait que tu es le Messager d'Allah, on ne t’ empêcherait pas de visiter la Maison Sacrée. Ecris donc: ″Mohammad ibn Abd Allah ″.
- Je suis le Messager d'Allah malgré votre désaveu. Ecris Mohammad ibn Abd Allah , dit le Prophète, .
On acheva ensuite la conclusion du texte du traité. La tribu de Khoza‘ah se rallia au Prophète, . Et la tribu de Banou Bakr se rallia à celle de Qoraych. Pendant ces moments, Abou Djandal Ibn Sohayl, sortant de la Mecque, enchainé, se jeta soudainement à terre devant les musulmans.
Ô Mohammad, dit Sohayl, cet homme est le premier que tu dois rendre à Qouraych .
- Nous n'avons pas encore terminé l'écriture du traité , répondit le Prophète, . Sohayl :
- On ne fait donc point de traité , dit Sohayl.
- Faites donc exception de cet homme , dit le Prophète, .
- Non . dit Sohayl. :
- Mais faites le donc , insista le Prophète, .
- Je ne le ferai point , dit Sohayl.
- Ô musulmans, dit alors Abou Djandal, comment serais-je rendu aux polythéistes alors que je suis venu chez vous en tant que musulman? Ne voyez-vous pas ce que j'ai souffert ?.
Il avait subi de nombreux et sévères supplices. ‘Omar Ibn Al-Khattab dit: Je jure au nom d'Allah que je n'ai pas eu de doute depuis ma conversion à l'Islam sauf ce jour-là. Je m’approchai du Prophète, , et lui dit : Ô Messager d'Allah, n'es-tu pas le Prophète d'Allah? .
- ‘Si’, répondit-il
- ‘Ne suivons nous pas la vérité? Et notre ennemi ne suit-il pas la le faux?’, demandais-je.
- ‘Si’, répondit le Prophète, .
- ‘Pourquoi accepter donc ce qui est avilissant pour notre religion et nous en retourner alors qu'Allah n'a pas encore jugé entre nous et nos ennemis?’, interrogeai-je. Le Prophète, , dit alors:
- ‘Je suis le Messager d'Allah et Il me fera triompher et je ne Lui désobéis pas en faisant ainsi’,
‘Ne nous disais-tu pas que nous entrerions à la Maison Sacrée et ferions des circumambulations ?’, demandais-je.
- ‘Si’, reprit le Prophète, , t'ai-je dit que cela se produirait cette année? .
- Non , dis-je.
- ‘Vous y reviendrez et vous y ferez des circumambulations’, dit-il .
Puis, dit ‘Omar, j'allai à Abou Bakr, et lui dis la même chose que j'avais déjà dite au Prophète, , et il me répondit exactement comme le Prophète, , tout en ajoutant : ‘Suis bien le chemin du Prophète, , jusqu'à ce que tu meures car, je jure au nom d'Allah, qu’il suit la vérité’ . Une fois conclu le texte du traité, le Prophète, , dit à ses Compagnons: Allez immoler les bêtes et, puis, rasez vous la tête . Aucun homme ne le fit. Le Prophète, , répéta le même ordre trois fois. Lorsque personne ne se soumit à son ordre, le Prophète, , s’en alla sans adresser la parole à aucun d’eux jusqu’à ce qu’il immole sa bête et appelle quelqu’un pour lui raser les cheveux. Lorsque les gens le virent faire ainsi, ils allèrent immoler les bêtes de sacrifice et se rasèrent la tête les uns les autres avec tant de zèle qu’ils faillirent se tuer les uns les autres. Puis un groupe de femmes croyantes vint de chez les mécréants, Allah, Exalté soit-Il, révéla les versets où Allah, Exalté Soit-Il- dit (sens du verset):
Ô vous qui avez cru! Quand les croyantes viennent à vous en émigrées, éprouvez-les; Allah connaît mieux leur foi; si vous constatez qu’elles sont croyantes, ne les renvoyez pas aux mécréants. Elles ne sont pas licites [en tant qu’épouses] pour eux, et eux non plus ne sont pas licites [en tant qu’époux] pour elles. Et rendez-leur ce qu’ils ont dépensé (comme mahr). Il ne vous sera fait aucun grief en vous mariant avec elles quand vous leur aurez donné leur mahr. Et ne gardez pas de liens conjugaux avec les mécréantes. Réclamez ce que vous avez dépensé et que (les mécréants) aussi réclament ce qu’ils ont dépensé. Tel est le jugement d’Allah par lequel Il juge entre vous, et Allah est Omniscient et Sage (Coran 60/ 10).
Pendant le retour du Prophète, , à Médine, Allah, Exalté Soit-Il, révéla la sourate Al-Fath (la victoire éclatante) où Allah, Exalté Soit-Il- dit: (sens des versets)
En vérité Nous t’avons accordé une victoire éclatante,
afin qu’Allah te pardonne tes péchés, passés et futurs, qu’Il parachève sur toi Son bienfait et te guide sur une voie droite (Coran 48 /1-2).
afin qu’Allah te pardonne tes péchés, passés et futurs, qu’Il parachève sur toi Son bienfait et te guide sur une voie droite (Coran 48 /1-2).
‘Omar dit alors: Ô Messager d'Allah, il s'agit là d'une victoire? . Le Prophète, ,dit: Oui .. Ô messager d'Allah, ces versets là sont pour toi, et nous? . Allah, Exalté soit-Il, révéla les versets où Allah, Exalté Soit-Il, dit (sens des versets) :
C’est Lui qui a fait descendre la quiétude dans les cœurs des croyants afin qu’ils ajoutent une foi à leur foi. A Allah appartiennent les armées des cieux et de la terre; et Allah est Omniscient et Sage. Afin qu’Il fasse entrer les croyants et les croyantes dans des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux où ils demeureront éternellement et afin de leur effacer leurs méfaits. Cela est auprès d’Allah un énorme succès .(Coran 48 /4-5).
Après le retour du Prophète, - à Médine, un homme de Qouraych, Abou Bassiir, qui s’était converti à l'Islam, vint à Médine. La tribu de Qouraych envoya deux hommes pour le reprendre, lesquels dirent au Prophète, ; Respectez l'engagement que nous avons passé . Le Prophète, , leur livra l'homme qu’ils emmenèrent avec eux et, une fois à Dhou Al-Holayfah, ils s’arrêtèrent pour manger des dattes qu'ils possédaient. Abou Bassiir dit à l'un d'entre eux: Ton épée me plaît . Oui, dit l'homme, je jure par Allah qu'elle est bonne je l'ai essayée maintes et maintes fois . Abou Bassir dit à l'homme: Montre- la moi . Abou Bassir le tua et revint à Médine en disant au Prophète, : Ô Messager d' Allah, Allah, Exalté soit-Il, t’a acquitté de ton obligation; tu m’as rendu à eux et Allah, Exalté soit-Il – m'en a délivré . Le Prophète, , dit : Malheur à sa mère! Il aurait déclenché une guerre s'il avait trouvé des gens pour le soutenir . Après avoir entendu cela, l'homme comprit que le Prophète - - le renverrait aux mécréants il s’enfuit vers la côte ; Abou Djandal s’enfuit à son tour et rejoignit Abou Bassiir.
Tout homme qui se convertissait à l’Islam parmi Qouraych, rejoignait Abou Bassir jusqu'à ce qu'un gang se formât. Ce gang s'attaquait aux caravanes commerciales de Qouraych en route vers le pays du Cham (la Grande Syrie) et s'emparait de leurs richesses. Les Qoraychites envoyèrent un message au Prophète, , lui demandant avec la permission d’Allah et en vertu des liens de parenté qu’ils partageaient avec lui, d’abriter celui qui, de chez eux, joindrait l’autre camp et de ne pas le renvoyer. C'est ainsi que le traité de Hodaybiyah fut une grande conquête et une victoire éclatante de par les grands intérêts qui en découlèrent. Les Qoraychites reconnurent les musulmans et leur force et renoncèrent à leur hégémonie mondaine et religieuse. Rien d'étonnant donc à ce qu'Allah – Exalté soit-Il - qualifie cette réconciliation de " victoire éclatante".