Le pèlerinage : un voyage de dévotion

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Entouré de symbolisme et de spiritualité, le pèlerinage est un ancien rituel accompli depuis l’époque d’Ibrâhîm (). Le Dr. Usâma Hasan analyse le sens qui se cache derrière ces rites et vous guide à travers ce voyage d’une vie.

Le pèlerinage est un voyage plein de symbolisme, car il représente le voyage de l’âme vers Allah, exalté soit-Il. Chaque étape et chaque aspect du pèlerinage est rempli de sens profonds au sujet de la vie, de l’adoration et des réalités de la foi, plus particulièrement l’amour et la crainte d’Allah, exalté soit-Il.
Son moment :
Deux mois lunaires uniquement séparent la fin du mois de Ramadan, mois du jeûne et du Coran, et le début de Dhoul-Hidjah, littéralement "le mois du Hajj". Ce qui signifie que les deux Aids (fêtes annuelles de l’Islam), associés avec le Ramadan et le Pèlerinage, ont lieu pendant un trimestre de l’année, laissant ainsi plus de neuf mois sans aucune fête importante. L’imam Ibn Taymiyya a observé qu’Allah, exalté soit-Il, convie ainsi Ses invités à accomplir le pèlerinage après s’être purifiés par le magnifique mois du jeûne, les prières, l’aumône, la discipline et la lutte interne caractérisant le Ramadan. Seules les âmes les plus pures effectuent vraiment le voyage vers la Maison sacrée et la présence d’Allah, exalté soit-Il.
L’état de sacralisation (ihrâm) :
L’état d’ihrâm, dont le nom a la même racine que le mot harâm, indique un état de sacralisation durant lequel de nombreux aspects licites sont temporairement interdits. Il s’agit d’une préparation à la visite de la Mosquée sacrée à La Mecque. L’imam al-Ghazâlî a dit que la Ka’ba est tellement sacrée et aimée d’Allah, exalté soit-Il, qu’une large zone l’entourant fut également déclarée sacrée, on ne peut ni y chasser ni même y couper un arbre. Même les criminels y trouvent refuge, car "quiconque y entre est en sécurité".
De plus, simplement le fait de visiter la Ka’ba exige que l’on soit en état de sacralisation avec les restrictions en vigueur imposées pendant cette période, restriction ayant trait aux habits, parfum et relations maritales. Tout ceci nous rappelle que dans le quartier et les environs de la Maison d’Allah, exalté soit-Il, nous devons être dans un état de conscience spirituelle accrue. L’interdiction de se couvrir la tête pour les hommes et le visage pour les femmes pendant l’ihrâm a pour but d’instiller (chez les pèlerins) un sentiment d’humilité devant Allah, exalté soit-Il ; ces pratiques, en d’autres périodes, nous rappellent l’importance d’être dignes devant Allah, exalté soit-Il, car (sens du verset) :
 Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité (de porter les charges, de faire le bien et d’éviter le mal). Ils ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l’homme s’en est chargé  (Coran 33/72).
L’habit revêtu pour l’ihrâm par les hommes consiste en deux pagnes de tissus non cousus identiques au linceul musulman - le vêtement du mort qui continue son voyage après la mort et vers les réalités plus transcendantes de l’au-delà. Par conséquent, en état d’ihrâm, nos vêtements nous rappellent la fragilité de la vie d’ici-bas.
La Ka’ba :
Elle fut le premier lieu de culte bâti par l’homme sur Terre :  bénie et une bonne direction pour l’univers  (Coran 3/96). C’est la raison pour laquelle certains savants avancent que c’est le premier homme sur Terre, Âdam () qui construisit la Ka’ba à l’origine, et que l’ami d’Allah, exalté soit-Il, Ibrâhîm () l’a reconstruite de nombreux siècles plus tard. La Ka’ba est l’archétype de la Maison d’Allah sur Terre, tout comme il existe une Maison d’Allah appelée  la Maison peuplée  (Coran 52/4) dans chacun des sept cieux, où les habitants de chaque ciel, tels que les anges, accomplissent leurs actes d’adoration.
Le Ka’ba est recouverte d’une étoffe tissée avec amour, la kiswa, qui est renouvelée et remplacée chaque année après le nettoyage de la Ka’ba. Le lavage et le recouvrement de la Ka’ba nous rappellent l’acte de nous laver et de nous vêtir de nos meilleurs habits pour aller à la mosquée, plus particulièrement pour les prières du vendredi et des Aids. Les ablutions (wudû` ou ghusl) sont bien sûr un symbole de purification du cœur de ses maux spirituels tels que le fait d’attribuer des associés à Allah, exalté soit-Il, l’avidité, l’égoïsme ou l’envie.
Certainement, la Ka’ba symbolise elle-même le cœur humain, comme l’imam Ibn Al-Qayyim l’a dit dans sa Qasîda nuniyya :  Le cœur est la Maison du Seigneur , car le cœur est capable de contenir la foi constante d’un croyant et la conscience qu’il a d’Allah, exalté soit-Il. Le hadith transmis à ce sujet est jugé faible, bien que ce qu’il affirme soit vrai. Les derviches tourneurs comparent leur pratique au tawâf, car ils tournent autour du cœur, qui est une maison d’Allah, exalté soit-Il, tout comme la Ka’ba.
L’imam Ibn Al-Qayyim mentionne la magnifique idée que la vraie couverture de la Ka’ba est la majesté de laquelle Allah, exalté soit-Il, l’a dotée, tissée avec beauté, tout comme le tissu de la kiswa est orné de calligraphie brodée et de formes géométriques. La Ka’ba reflète ainsi la Majesté (Djalâl) et la Beauté (Djamâl) des Noms divins.
Le tawâf :
Cet acte cultuel nous rappelle le tawâf qu’accomplissent les anges autour de la Maison peuplée  et autour du Trône d’Allah, exalté soit-Il, tout en glorifiant et en louant leur Seigneur. Le Prophète () a dit que le tawâf était comme la prière à la différence que nous avons le droit de parler pendant celui-ci. Toute prière, invocation ou formule de dhikr (évocation d’Allah) est permise pendant le tawâf, tout comme la récitation du Coran et même les conversations dont le but est la recherche du savoir.
En fait, les autorités religieuses conviennent que le tawâf est permis même en silence, car les organes du corps accomplissent leur adoration en tournant sept fois autour de la Ka’ba. Parfois le tawâf, plus particulièrement le tawâf al-ifâda pendant le pèlerinage, peut s’accomplir dans un tel état de fatigue que même le fait de le faire en évoquant Allah, exalté soit-Il, de manière silencieuse s’avère être une grande performance. La Ka’ba est une vision magnifique, plus particulièrement avec la foule de pèlerins qui effectue des circumambulations autour d’elle, un spectacle qui a une résonance universelle puisqu’il nous rappelle les orbites des planètes autour du soleil, de la lune autour de notre terre, du système solaire autour du centre de la Voie lactée, et de nombreux autres exemples que l’on trouve dans le monde matériel. Et au-delà de tout cela, il nous rappelle que chaque aspect de nos vies tourne autour du Très Miséricordieux (TSNA)[1].
Les deux rak'a-s suivant le tawâf :
Chaque tawâf (série de sept circumambulations de la Ka’ba) est suivi d’une prière de deux rak’a-s pendant lesquelles, en vertu de la Sunna du Prophète () on récite les sourates al-Kâfirûn et al-Ikhlâs respectivement dans les deux rak’a-s. Ces deux sourates sont les mêmes que nous récitons souvent pendant la prière surérogatoire qui précède la prière de l’aube, après la prière du coucher du soleil et lors de la prière de witr, les trois rak’ât à la fin des prières nocturnes surérogatoires. Nous récitons ces deux sourates, car la première représente le rejet de tout ce qui est adoré en dehors d’Allah, exalté soit-Il, alors que la deuxième affirme la Pureté absolue de l’Unicité d’Allah, exalté soit-Il.
Marcher et courir dans la vie :
Courir ou trottiner pendant les trois premiers tours de tawâf était une pratique du Prophète () et de ses Compagnons, qu'Allah soit satisfait d’eux, qui continue jusqu’à nos jours ; même si les gens qui suivent l'école hanafite estiment qu’il s’agissait uniquement d’une sunna temporaire conditionnée par ses circonstances d’origine : à savoir pour démontrer la fausseté des prétentions des païens de La Mecque que les pèlerins musulmans étaient fatigués par leur adoration et le long voyage en provenance de Médine. Nous courons ou trottinons également pendant le sa’î, les sept parcours entres les deux monts Safâ et Marwa, qui commémorent la recherche d’eau de la part de Hâjar, qui était assoiffée et qui se désaltéra suite au jaillissement de la source de Zamzam au pied de son fils nouveau-né, le prophète Ismâ'îl, ().
La combinaison de la course et de la marche rapide autour de la Ka’ba et entre les monts Safâ et Marwa nous rappelle que certaines de nos obligations et luttes dans la vie sont accomplies à un rythme régulier alors que d’autres sont effectuées avec plus d’efforts et d’urgence. Surtout que Safâ et Marwa figurent parmi les lieux sacrés d’Allah (Coran 2/158), tout comme le sont les animaux sacrifiés pendant le pèlerinage et l’Aid al-Adhâ ; et  quiconque exalte les injonctions sacrées d’Allah s’inspire en effet de la piété des cœurs  (Coran 22/32). Ce dernier verset du Coran est un rappel puissant du fait que nos cœurs doivent être imprégnés par "un sens du sacré", une qualité qui fait défaut à une époque de plus en plus matérialiste et athée.
 
Mina
Au huitième jour de Dhoul-Hidjah, les pèlerins se rendent à Mina, une plaine juste aux environs de La Mecque pour y camper et passer la nuit en préparation du grand jour de Arafat le matin qui suit. Pour Ibn Al-Qayyim, même la tente est symbolique, car comme il dit dans sa Qasîda mîmiyya :  Mon cœur campe dans Tes éternelles plaines . C'est-à-dire que le cœur humain est protégé par l’enceinte de la Loi sacrée contre tous les périls qui existent.
 
Arafat
Au neuvième jour de Dhoul-Hidjah, les pèlerins se rendent à Arafat pour y passer la journée en prières sincères, implorant Allah, exalté soit-Il, de les combler de Sa miséricorde et Son pardon. Cette journée est tellement importante que le Prophète () a dit :  Le Hadj c’est Arafat . Il a également comparé la scène du Jour du Jugement avec celle de Arafat : une vaste plaine avec deux millions d’êtres humains, tous enveloppés de linceul, qui ont besoin de la miséricorde divine.
Le mot 'Arafa (singulier) ou 'Arafât (pluriel) a la même origine sémantique que al-A’râf : les sommets du Jour du Jugement qui ont donné leur nom à la septième sourate du Coran. Tous ces noms sont dérivés de la même racine qui signifie   savoir , dans le sens de la reconnaissance ou gnose. Certes, les gens des sommets sont ceux qui savent ou reconnaissent certaines réalités.
 
Muzdalifa et Mina
Après le coucher du soleil à Arafat, les pèlerins retournent à Mina en passant par Muzdalifa, où ils passent la nuit avant de continuer leur trajet après la prière du Fajr. Le mot Mozdalifa désigne un lieu ou une âme qui s’est approchée , et ainsi cela nous rappelle encore une fois que nous sommes toujours proches d’Allah, exalté soit-Il. De retour à Mina, les pèlerins y passent jusqu’à quatre jours de plus en prières, en plus des actes cultuels supplémentaires : sacrifier des bêtes pour Allah, exalté soit-Il, se couper ou se raser les cheveux de la tête. Ils effectuent également un retour bref à La Mecque pour le tawâf de la visite et enfin le tawâf d’adieu . Le sacrifice commémore la volonté de l’ami d’Allah, exalté soit-Il, le prophète Ibrâhîm et son fils le prophète Ismâ'îl (Alaihima Assalam) pour s’être, par amour, soumis à la volonté de leur Bien-Aimé, même si cela exigeait un énorme sacrifice : tout d’abord, la vie de l’aîné de ses enfants, et ensuite de sa propre vie. Le sacrifice nous rappelle que nous devons être prêts à sacrifier notre propre temps, nos richesses et même notre vie pour la lutte pour la Justice et la Vérité, tous les deux des noms d’Allah, exalté soit-Il. Se raser la tête nous rappelle que le vrai pèlerinage a pour résultat le retour du pèlerin (de son pèlerinage) comme un nouveau-né, comme le Prophète () a enseigné - ceci est la compréhension islamique d’être né de nouveau, car les nouveau-nés ont également la tête rasée.
 
Le rite de la lapidation consiste en la lapidation de trois piliers de différentes tailles qui commémorent traditionnellement la défaite qu’Ibrâhîm () a fait subir à Satan lorsque ce dernier a voulu le tenter à trois endroits différents pendant son voyage de La Mecque vers Mina pour sacrifier son fils, un sacrifice qui fut remplacé par celui d’un bélier, une fois que la sincérité d’Ibrâhîm et d’Ismâ'îl (Alaihima Assalam) fut démontrée.
Les (trois) piliers de différentes tailles représentent le fait que certaines tentations diaboliques sont plus fortes que d’autres. Le rite de la lapidation est effectué dix fois en totalité, à l’aide de sept cailloux de taille moyenne à chaque fois : le Prophète () a encouragé la modération même dans le choix de la taille des cailloux. Un total de 70 pierres est ainsi utilisé. Le jet de chaque pierre est accompagné de l’expression Allahu Akbar (Allah est le plus Grand) . Ceci étant l’une des expressions les plus puissantes et poignantes du takbîr pendant l’expérience du pèlerinage.
 
Médine
Même si légalement la visite de Médine et de la mosquée du Prophète () ne fait pas partie des rites du pèlerinage, le voyage spirituel n’est pas terminé sans cette dernière, donnant ainsi aux pèlerins l’occasion magnifique de saluer leur chef bien-aimé, leur Prophète et Messager. Un dicton islamique que l’on entend souvent dit : La Mecque c’est la Majesté et Médine c’est la Beauté . La dualité Le Djalâl (Majesté) vs Le Djamâl (Beauté) des Noms divins (la voie de l’Islam) se manifeste ici dans la superbe nature montagneuse de La Mecque et la nature sereine et pacifique de Médine. Dans l’ensemble, l’expérience unifiée et globale du pèlerinage est une projection de notre voyage dans le sentier vers le Seul Dieu dans toute Son unité.
 
 

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