Le lépreux, le chauve et l'aveugle

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La sagesse d'Allah, Exalté soit-Il, implique que la vie de l'homme dans ce bas monde soit un mélange de bonheur et de malheur, de joie et de détresse, d'aisance et d'adversité, de bonne santé et de maladie. La nature de la vie terrestre est ainsi ; elle est pleine de vicissitudes.

Cela est une partie de l'épreuve pour laquelle l'homme a été créé. Allah, Exalté soit-Il, dit (sens du verset):

En effet, Nous avons créé l'homme d'une goutte de sperme mélangé [aux composantes diverses] pour le mettre à l'épreuve. [C'est pourquoi] Nous l'avons fait entendant et voyant. (Coran 76/ 2)

Notre Seigneur met Ses serviteurs à l’épreuve en leur destinant le mal comme le bien et Ses serviteurs doivent cependant faire preuve de satisfaction et de soumission complète envers Lui, exalté soit-Il, concernant aussi bien ce qu'ils aiment que ce qu'ils détestent.

Le croyant, quant à lui, ne s'afflige pas lorsqu'un malheur lui arrive et il ne sombre pas dans le désespoir en subissant une adversité. Il ne fait pas preuve d'ingratitude lorsqu’Allah, exalté soit-Il, le comble d'un bienfait. Au contraire, il reconnaît les faveurs dont Allah, exalté soit-Il, le comble et il s'efforce de faire preuve de reconnaissance pour ces faveurs et bienfaits.

Pour ce qui est du pervers et du mécréant, ils s'affligent profondément lorsqu'un malheur leur arrive et sont contrariés lorsqu'une adversité les touche. Et quand Allah, Exalté soit-Il, leur donne ce qu'ils souhaitent et les comble de Ses bienfaits, ils font preuve d'ingratitude et ne les reconnaissent pas. Ils ne les reconnaissent pas comme venant d’Allah, en outre, ils ne font pas ce qui leur incombent vis-à-vis d’eux et ne remercient pas Allah, exalté soit-Il, de les en avoir comblés.

Le Messager () nous a parlé de ces deux genres de gens que sont les ingrats et les reconnaissants, dans le récit transmis par Abou Horayra, qu'Allah soit satisfait de lui:

" Il y avait parmi les israélites, trois hommes, un lépreux, un chauve et un aveugle, qu’Allah voulut éprouver. Ainsi, Il leur dépêcha un Ange. Celui-ci alla trouver le lépreux et lui dit : "Quelle est la chose qui te serait la plus agréable ?". - "Un beau teint, une belle peau et la guérison de cette maladie qui me rend répugnant aux yeux des gens", lui répondit-il. L'Ange passa sa main sur cet homme et les taches de la lèpre disparurent et firent place à un beau teint et à une belle peau. - "Quel est le bien que tu préfères le plus?", demanda l'Ange. - "Les chameaux.", répondit-il. On lui donna une chamelle sur le point de mettre bas et l'Ange lui dit : "Qu’Allah te la bénisse !". L'Ange alla ensuite trouver le chauve et lui demanda : " Quelle est la chose qui te serait la plus agréable ?". - "Une belle chevelure, car les gens me trouvent ainsi répugnant.", répondit-il. L'Ange passa alors sa main sur la tête du chauve et celle-ci se couvrit d'une belle chevelure. - "Quel est le bien que tu préfères le plus?", demanda l'Ange. - "Les vaches.", répondit-il. On lui donna une vache pleine et l'Ange lui dit : "Qu’Allah te la bénisse!". Allant ensuite vers l'aveugle, l'Ange lui demanda quelle chose lui serait la plus agréable. - "Ce serait qu’Allah me rende la vue afin que je puisse voir les hommes.", répondit l'aveugle. L'Ange passa alors sa main sur les yeux de l'aveugle et Allah lui rendit la vue. - "Quel est le bien que tu préfères le plus ?", demanda l’Ange. - "Les moutons.", répondit-il. On lui donna une brebis pleine qui allait mettre bas. Les trois femelles ayant mis bas, le premier homme eut bientôt une vallée remplie de chameaux, le second une vallée remplie de vaches et le troisième une vallée remplie de moutons. Ensuite, l'Ange, ayant pris la forme d'un lépreux, alla trouver le lépreux d'autrefois et lui dit : "Je suis un homme malheureux, j'ai perdu en voyage toutes mes ressources et aujourd'hui je ne peux que m'adresser à Allah puis à toi. Au nom de Celui qui t'a donné un beau teint et une belle peau ainsi qu'une grande fortune, je te demande de me donner un chameau qui me permette d'achever mon voyage." - "J'ai de nombreuses charges.", répondit l'homme. - "Il me semble bien te reconnaître. N'étais-tu pas un lépreux d'aspect répugnant et sans ressources, et Allah ne t'a-t-Il pas donné (tout ce que tu as) ?", demanda l’Ange. - "Tous ces biens, je les ai hérités de mes ancêtres.", répondit-il. - "Si tu mens, qu'Allah te fasse redevenir comme tu étais !", dit l’Ange. Puis, prenant la forme d'un chauve, l'Ange alla trouver le chauve d'autrefois et lui tint les mêmes propos et obtint de lui la même réponse. - "Si tu mens, qu'Allah te fasse redevenir comme tu étais !", lui dit l’Ange. Enfin, l'Ange, prenant la forme d'un aveugle, se présenta à l'aveugle d'autrefois et lui dit : "Je suis un malheureux voyageur, j'ai perdu en voyage toutes mes ressources et aujourd'hui je ne peux que m'adresser à Allah puis à toi. Au nom de Celui qui t'a rendu la vue, je te demande un mouton afin que je puisse achever mon voyage." - "J'étais aveugle et Allah m'a rendu la vue. Prends ce que tu voudras, car, par Allah, je ne m’opposerai pas à ce que tu prendras pour Allah.", répondit l'homme. - "Garde ton bien. C'était seulement pour vous éprouver (tous les trois). Allah est Satisfait de toi et Il est en colère contre tes deux compagnons.", répondit l’Ange. (Boukhari, Mouslim).

Il s'agit du récit de trois hommes faisant partie des Enfants d'Israël qui furent chacun touché par une épreuve dans leur corps. Allah, exalté soit-Il, voulut les mettre à l'épreuve, pour distinguer le reconnaissant de l'ingrat. Il leur dépêcha un ange sous une apparence humaine qui se présenta au lépreux et lui demanda ce qu'il souhaitait et le lépreux lui répondit qu'il souhaitait la disparition de sa lèpre et avoir un beau teint et une belle peau. L'ange passa la main sur lui, et les taches de lèpre disparurent. Et il lui demanda quel était le bien qu'il préférait le plus. Le lépreux choisit les chameaux. Une chamelle sur le point de mettre bas lui fut donnée et l'ange invoqua Allah, exalté soit-Il, pour qu'Il la bénisse. Puis cet ange se rendit chez le chauve qui souhaita avoir des cheveux. L'ange passa la main sur lui et son souhait le plus cher se réalisa. Puis l'ange l'interrogea sur le bien qu'il préférait le plus. Il choisit les vaches. Une vache pleine lui fut donnée, puis l'ange invoqua Allah, exalté soit-Il, pour qu'Il la lui bénisse. Après quoi, l'ange se présenta à l'aveugle et lui tint les mêmes propos. Cet aveugle souhaita retrouver la vue et son souhait fut exaucé et les biens qu'il préférait étaient les moutons. Une brebis pleine lui fut donnée.

Des années passèrent et Allah, exalté soit-Il, bénit les biens de chacun d'eux. Chacun d'eux possédait une vallée entière des biens qu'il avait choisis. Le premier possédait une vallée pleine de chameaux, le second une vallée pleine de vaches, et le troisième une vallée pleine de moutons.
Ce fut alors le moment de l'examen auquel échouent bon nombre de gens, à savoir l'épreuve du bonheur et de l’aisance. L'ange retourna à eux et se présenta à chacun d'eux en prenant la forme qu’il avait jadis, pour lui rappeler le bienfait dont Allah, exalté soit-Il, l’avait comblé. Il alla trouver le premier en prenant la forme d'un pauvre voyageur lépreux dont les vivres s’étaient épuisées, et lui demanda, en l'adjurant par Celui Qui lui avait donné une belle peau et un beau teint ainsi que des biens abondants, de lui donner un chameau pour qu'il puisse, grâce à lui, achever son voyage. Mais il fit preuve d'ingratitude et d'avarice et avança comme excuse qu'il avait beaucoup d’obligations à accomplir. L'ange lui rappela alors ce dont il souffrait par le passé avant de connaître une situation aussi florissante. Cet homme fit pourtant preuve d'ingratitude et prétendit qu'il était issu d'une famille aisée et opulente et qu'il avait hérité ces biens de ses ancêtres. L'ange demanda à Allah, exalté soit-Il, de le faire retourner à son état initial s’il mentait.
Puis il se rendit chez le chauve et lui tint les mêmes propos, et ce chauve se conduisit de la même façon que l’ingrat précédent. L'aveugle, quant à lui, était pieux ; il réussit à l'examen et reconnut le bienfait dont Allah, exalté soit-Il, l’avait comblé en lui rendant la vue et en le rendant riche après avoir été pauvre. Non seulement il donna au mendiant ce qu'il avait demandé, mais il lui laissa le choix de prendre ce qu’il désirait. Et Il l'informa qu'il pouvait prendre ce qu’il veut et laisser ce qu’il veut.
C’est à ce moment que l'ange l'informa de la vérité et de la réalisation de son but, à savoir la mise à l’épreuve de trois personnes. Il l’informa qu'Allah, exalté soit-Il, était satisfait de lui et était en colère contre ses deux compagnons.

Ce récit montre clairement que la mise à l’épreuve est une loi universelle et un décret exécutoire et qu’Allah, exalté soit-Il, éprouve Ses serviteurs aussi bien par le bien que par le mal, par le bonheur que par le malheur. Le bien et le mal sont une tentation et une épreuve comme le dit Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset): Nous vous éprouverons par le mal et par le bien [à titre] de tentation. (Coran 21/ 35) visant à distinguer le croyant du mécréant, et le véridique du menteur; Allah, exalté soit-Il, dit à ce propos (sens du verset): Alif, Lâm, Mîm. Est-ce que les gens pensent qu’on les laissera dire: ʽNous croyons! ʼ sans les éprouver? (Coran 29/ 1-2). C'est par le truchement de l'épreuve que les gens se distinguent les uns des autres en se divisant en croyants endurants, d’une part, et tartufes ou hypocrites, d’autre part. Et l’épreuve est proportionnelle au degré de foi de la personne. Dans un autre Hadith, Sa'd, qu’Allah soit satisfait de lui, a dit : "je demandai au Prophète (Sallah Allahou Alaihi wa Sallam) : Ô messager d'Allah, quels sont les gens les plus exposés aux épreuves ? . Il () me répondit :

"Ce sont les prophètes, puis les plus vertueux après eux, et ainsi de suite.... Le serviteur d’Allah est éprouvé selon sa foi. Plus elle est ferme, plus son épreuve sera importante. Si elle est faible, il sera éprouvé en fonction de cela. Le serviteur d’Allah ne cessera d’être éprouvé jusqu’à ce qu’il marche sur terre sans le moindre péché."

Le récit indique un sens important, c'est que la mise à l’épreuve par le bien-être peut être plus difficile que la mise à l’épreuve par l'adversité.

Il nous indique aussi que l'âme doit être plus vigilante encore lors d’une épreuve par le bien, que lors d’une épreuve par le mal.

C'est que de nombreuses gens peuvent supporter l'adversité, mais ils ne peuvent pas par contre résister aux tentations des choses matérielles.

Nombreux sont ceux qui se montrent endurants face à la maladie et à la faiblesse. Au contraire ceux qui font preuve d'endurance face à l'épreuve d’une bonne santé et d’un corps sain sont rares. Nombreux sont ceux qui font preuve d'endurance face à l'épreuve de la pauvreté et de la privation sans tomber dans l’humiliation à cause de cela, alors que peu nombreux sont ceux qui savent affronter l'épreuve de la richesse et de l'opulence et résister aux tentations qu’elles suscitent sous la forme de biens matériels, de passions et de convoitise. Nombreux sont ceux qui font preuve d'endurance face aux supplices et aux nuisances alors que peu nombreux sont ceux qui savent résister au désir de possession et de gloire.

Abd Ar-Rahman ibn 'Awf, qu'Allah soit satisfait de lui, qui dit : " Nous avons été mis à l'épreuve avec le Messager () par l'adversité et nous avons fait alors preuve d'endurance, puis nous avons été éprouvés par l'aisance après lui, mais nous n'avons pas fait preuve de patience dans cette épreuve".

Peut-être la raison en est-elle que l'adversité stimule la force et les énergies de l'homme et provoque en lui la volonté de défi et d'affrontement. Il se peut également que l'adversité suscite chez lui un sentiment de besoin d’Allah, exalté soit-Il, et la nécessité de recourir à Lui. Il en découle qu'Allah, exalté soit-Il, lui accorde l'endurance face au malheur.
L'aisance, quant à elle, engendre la mollesse et fait perdre, subséquemment, la capacité de faire preuve de vigilance et de résistance. Elle est donc en accord avec les fantaisies de l'âme et ses instincts naturels, passions, et tendances profanes, ce qui fait que l'homme y glisse petit à petit sans s'en rendre compte ni s'apercevoir du fait qu'il tombe dans une tentation. Voilà pourquoi ceux qui passent l'étape de l'adversité avec succès sont nombreux, tandis que s'ils mènent une vie d'aisance, ils échouent à l'épreuve comme ce fut le cas du lépreux et du chauve. Telle est la nature des êtres humains, excepté ceux qu'Allah, exalté soit-Il, préserve et qui font partie de ceux dont le Messager () dit :

" La situation du croyant est étonnante ! Il ne lui arrive que du bien, et ceci est exclusivement réservé au croyant. Lorsqu’une bonne chose lui arrive, il remercie Allah, exalté soit-Il, et cela est un bien pour lui, et lorsqu’il lui arrive un malheur, il fait preuve d’endurance ce qui est un bien pour lui" (Mouslim).

La vigilance dans une situation d'aisance doit être plus importante qu’en cas de malheur, et c'est le lien avec Allah, exalté soit-Il, dans les deux cas qui est la garantie du succès.

Ce récit prouve que la meilleure façon de faire perdurer les bienfaits c’est de remercier Allah pour les faveurs dont Il nous comble et nous fait grâce. La reconnaissance est basée sur trois piliers sans lesquels elle ne se réalisera pas: le premier est de reconnaître ces bienfaits dans son for intérieur, le second est le fait d'en parler à autrui et le troisième est d'en faire usage dans des choses agréées par Allah, exalté soit-Il et qu'Il aime. C'est à ces trois conditions que les bienfaits sont préservés contre la disparition et la perte.

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