Règles régissant la narration des hadiths à l'époque des Compagnons (2-2)

9294 3365

L’époque des troubles qui menèrent au meurtre de l'imam martyr 'Uthmân ibn 'Affân, et par la suite de l'imam al-Husayn, qu'Allah soit satisfait d'eux, arriva. Les sectes déviantes apparurent et les innovateurs se mirent alors à chercher des textes religieux en vue de se fonder dessus pour justifier leurs bid'a-s et essayer de gagner plus de partisans autour d'eux. Ils se mirent alors à forger de faux hadiths. C’est à cette époque que l'invention des hadiths débuta.

Les Compagnons désirèrent préserver les hadiths prophétiques et ils firent des efforts en ce sens en suivant dans la mesure du possible les moyens corrects de la recherche et de la vérification. Citons à ce propos leurs efforts suivants :

Premièrement, ils étaient particulièrement soucieux d’examiner les chaînes de transmission des hadiths et la situation des transmetteurs, après avoir accepté sans vérification les hadiths qu'ils avaient entendu des Compagnons, du fait de l’intégrité de ces derniers.
Muhammad ibn Sirîn, qu'Allah lui fasse miséricorde, dit : "Au début, ils n'accordaient pas d'intérêt à la chaîne des transmetteurs, mais lorsque les séditions éclatèrent, ils se mirent à demander les noms des narrateurs des hadiths qu'on leur transmettait, et ils acceptaient ainsi les hadiths dont les transmetteurs étaient des adeptes de la Sunna et du consensus et rejetèrent les hadiths narrés par des innovateurs en religion (Mouslim dans la préface de son livre intitulé Sahîh et al-Tirmidhî dans son livre intitulé 'Ilal-al-djâmi').

Deuxièmement, les oulémas parmi les Compagnons incitèrent les gens à prendre leurs précautions en acceptant les hadiths qu'on leur rapportait et de n'accepter que les hadiths que leur transmettaient les narrateurs fiables, connus pour leur piété, leur scrupule religieux, leur bonne mémorisation et leur exactitude. Ils firent de leur mieux à cette fin, à tel point que la règle suivante se répandit parmi les gens : "Cette science est une religion, vérifiez donc vos références religieuses ".

C'est ainsi que la science de l'évaluation des narrateurs naquit, science nommée en arabe al-Djarh wa-l-Ta'dîl (c’est-à-dire la science de la critique et de la qualification des narrateurs) qui est le pilier de la science du hadith.

Parmi les Compagnons qui s’engagèrent dans la critique des narrateurs figurent 'Abdallah ibn 'Abbâs, 'Ubâda ibn al-Sâmit et Anas ibn Mâlik. Leurs propos à ce sujet étaient rares parce que les narrateurs non fiables étaient alors peu nombreux.

Parmi les Tâbi'în, figurent Sa'îd ibn al-Musayyib, qu'Allah lui fasse miséricorde, mort en l'an 93 de l'hégire, 'Âmir al-Cha'biy, qu'Allah lui fasse miséricorde, mort en l'an 104 de l'hégire, et Ibn Sîrîn mort en l'an 110 de l'Hégire.

Troisièmement : ils n’hésitaient pas à voyager pour entendre le hadith de son narrateur initial et vérifier ainsi son authenticité. Des récits étonnants nous sont ainsi parvenus ; ils étaient prêts à parcourir d’énormes distances en supportant peines et difficultés en quête d'un seul hadith.

Citons à ce propos ce que rapporta l'imam Ahmed d'après Djâbir ibn 'Abdallah, qu'Allah soit satisfait de lui, qui dit : "J'ai eu vent d'un hadith narré par un homme l'ayant entendu du Messager (). J'ai acheté alors un dromadaire, puis je l'ai bâté et j'ai fait un voyage d'un mois pour me rendre chez lui en Syrie. C’était 'Abdallah ibn Unays et, une fois arrivé chez lui, j'ai dit au portier : ' Dis-lui que Djâbir est à la porte '. Il dit : Djâbir ibn 'Abdallah ? Je répondis par l’affirmative. Il sortit en marchant sur son habit dans la précipitation. Puis il m'étreignit et je l'étreignis moi aussi. Je lui dis alors : ' On m'a dit que tu as entendu le Messager () dire un hadith concernant le talion et j'ai peur que tu meures ou que je meure avant de l’avoir entendu de ta bouche. 'Abdallah ibn Unays, qu'Allah soit satisfait de lui, dit alors : ' Le Messager () a dit : ' Les gens seront ressuscités sans vêtements et incirconcis, sans rien avec eux….' et mentionna le hadith ".

Abû Ayyûb al-Ansârî, qu'Allah soit satisfait de lui, fit un voyage pour aller chez 'Uqba ibn ‘Amir et lui dit : ' Rapporte-nous ce que tu as entendu du Messager (), car il ne reste que toi parmi ses Compagnons qui entendirent ses hadiths. Il lui répondit alors : ' J'ai entendu le Messager () dire: ' Celui qui cache les fautes d’un musulman, Allah cachera les siennes dans l’au-delà. '. Puis Abû Ayyûb se dirigea vers sa monture et se mit en route pour regagner son pays. (Ahmed).

Les Compagnons instituèrent ainsi la tradition de faire des voyages pour vérifier l'authenticité des hadiths. Les Tâbi'în leur emboîtèrent le pas et voyagèrent pour rejoindre les Compagnons et les interroger à propos des hadiths. Sa'îd ibn al-Mussayyib, qu'Allah lui fasse miséricorde, dit : "Je voyageais pendant des jours et des nuits en quête d'un seul hadith".

Les oulémas continuèrent à agir de la sorte par la suite, à tel point que le voyage devint indispensable pour l'acquisition de la science.

Quatrièmement, comme moyen de vérifier l'authenticité du hadith et de savoir s'il était inventé ou faible, ils confrontaient le hadith d'un narrateur donné à la transmission d’autres narrateurs fiables connus pour leur bonne mémorisation et leur maîtrise de cet art. Et s'ils ne trouvaient pas un autre hadith en accord avec le hadith donné, ou que la majeure partie des hadiths de ce narrateur n’étaient pas concordants aux hadiths des narrateurs fiables, ils rejetaient ou abandonnaient ses hadiths.

Ils utilisaient également d'autres moyens pour distinguer les hadiths authentiques de ceux qui étaient suspects, et les hadiths sains de ceux qui avaient des défauts.

C'est ainsi que le premier siècle ne se termina pas avant que les hadiths ne soient classifiés de façon globale en deux genres :

Le premier, les hadiths acceptés qui furent nommés par la suite les hadiths sahîh-s et hasan-s.

Le second, les hadiths rejetés qui furent nommés par la suite les hadiths da'îf-s avec leurs nombreuses subdivisions.

Articles en relation