Louanges à Allah le Seigneur des mondes et paix et salut sur Mohammed qui est le Sceau des prophètes et des envoyés ainsi que sur sa famille et ses Compagnons.
La question de l’arabisation des sciences a beaucoup occupé l’esprit des hommes de savoir et autres professeurs arabes de notre époque. Il faut rappeler qu’hélas la majorité des gens intéressés par cette question estiment que la langue arabe est dans l’incapacité d’assimiler les sciences modernes, ils insistent donc pour que ces sciences soient enseignées aux étudiants des instituts scientifiques et des universités dans des langues étrangères. Toutefois, l’histoire montre que par le passé la langue arabe a été capable d’assimiler n’importe quelle science avec une grande facilité et virtuosité, ainsi que de proposer des termes et des formules en arabe correspondant parfaitement à toutes les idées émanant d’autres langues, et ce, sans que le lecteur ne ressente que le texte traduit ait pu trahir à un moment ou à un autre le texte de la langue source, mieux, dans le cas d’un texte en langue étrangère bien traduit, un lecteur arabisant, dont la langue maternelle était cette langue étrangère, prenait plus de plaisir à lire le texte traduit en arabe que le texte original qui était pourtant dans sa langue. La meilleure preuve de cette qualité extraordinaire de la langue arabe se trouve dans les récits coraniques ; en effet, bien que la plupart d’entre eux prennent place parmi des peuples qui pratiquaient de nombreuses et diverses langues, le lecteur n’en ressent rien, ce dernier lit certaines sourates du Noble Coran dans lesquelles sont décrits des événements historiques se passant dans des lieux et des époques différents et dont les protagonistes parlaient des langues variées, et pourtant ils sont parfaitement relatés dans une langue arabe claire et dans un style inimitable, c’est ainsi que le lecteur oublie complètement que les gens évoqués dans ces récits n’étaient pas des Arabes. D’aucun auraient tout à fait raison de dire que c’est là un miracle divin, mais nous pourrions ajouter à cette assertion que c’est en même temps la preuve que la langue arabe a la capacité d’assimiler n’importe quel texte en langue étrangère sans en altérer nullement le sens.
La langue arabe a commencé à relever le défi de la traduction et de l’arabisation des sciences humaines et naturelles rédigées dans des langues étrangères au début du deuxième siècle de l’Hégire, elle a alors très vite démontré sa grande habilité à assimiler n’importe quel texte de n’importe quelle langue. Cette dynamique est apparue via le mouvement d’arabisation des sciences qui avait principalement pour cadre la bibliothèque de la Maison de la sagesse à Bagdad. Cette dernière est une institution scientifique qui fut créée par le calife abbasside Hârûn al-Rachîd, et en son sein fut traduite la plus grande partie des textes scientifiques les plus importants traitant de mathématiques, d’astronomie, de médecine, d’architecture, de géographie, de philosophie ou encore de chimie, lesquels textes avaient été généralement produits par des civilisations antérieures à la mission prophétique de Mohammed () et ils furent donc traduits en langue arabe par le truchement de cette fameuse Maison de la sagesse.
Ceux qui étudièrent ces livres traduits n’eurent aucune difficulté à les lire et les comprendre, et ils n’avaient généralement pas besoin de retourner au texte original ; on peut donc affirmer que dans la majorité des cas, le livre traduit en arabe permettait de se passer complètement du livre original, il arrivait même parfois que le lecteur du texte traduit y trouvait des informations profitables qui n’existaient pas dans le texte original, cela était dû au fait que les traducteurs, qui avaient souvent une grande culture et un haut niveau scientifique, firent des commentaires explicatifs et des ajouts très pertinents. C’est ainsi que par la suite, les traducteurs occidentaux de ces textes s’appuyaient avant tout sur les traductions arabes, à ce propos voici ce que dit George Sarton : Les sources arabes (c’est-à-dire les livres traduits du grec) sont tellement devenues incontournables que les autres traductions ont été jetées aux oubliettes .
L’idée de la création de cette Maison de la sagesse puise ses origines dans la bibliothèque privée que le calife Hârûn al-Rachîd possédait dans son palais ; en effet, à un moment il n’y eut plus de place dans cette dernière pour accueillir les livres et les lecteurs dont le nombre ne cessait d’augmenter, la bibliothèque fut donc transportée hors du palais dans un bâtiment spécialement conçu à cet effet, celui-ci pouvait contenir un très grand nombre d’ouvrages et il était ouvert à tous les chercheurs et les étudiants. Ce bâtiment abritait de nombreuses pièces : une salle de lecture, une salle destinée à l’enseignement, une salle où les livres étaient transcrits et reliés, une salle de repos et de détente, une mosquée, un endroit pouvant accueillir les visiteurs étrangers afin qu’ils y dorment ou encore des réserves où étaient entreposées des vivres (nourriture, boisson, etc.). Evidemment, la pièce la plus importante de la Maison de la sagesse était sans nul doute l’entrepôt qui accueillait les livres, ces derniers y étaient rangés par spécialité scientifique, ils étaient posés sur des étagères et sur chacune d’entre elles étaient inscrits le nom de la spécialité des livres s’y trouvant ainsi que les numéros de ces derniers, puis un index fut attribué à chaque spécialité, lequel comportait les titres et les numéros des livres ainsi qu’un descriptif de chaque livre et de son auteur, son nombre de chapitres et de pages, la langue dans laquelle il a été écrit ou encore une note qui le cas échéant indiquait les parties manquantes de l’ouvrage.
Puis après un certain temps, Hârûn al-Rachîd fit installer dans la Maison de la sagesse des meubles et des coussins, de l’encre et des feuilles pour les chercheurs et les étudiants, de même qu’il nomma des responsables administratifs chargés de l’organisation du lieu ainsi que des employés dont la mission était d’être au service des visiteurs.
Puis al-Rachîd y installa de grands savants spécialistes des divers sciences, certains étaient des Arabes d’autres non, il leur attribua un salaire et leur permit de discuter et de discourir sur tous les sujets dans une totale liberté, et notamment sur les sujets scientifiques, ils avaient en outre les coudées franches pour rédiger et éditer des livres ; par ailleurs, al-Rachîd encouragea les étudiants venus de tous horizons de fréquenter la Maison de la sagesse afin de profiter des livres et du savoir des savants s’y trouvant, il prenait à sa charge toutes leurs dépenses et leur attribuait une forme d’allocation.
Par ailleurs, Hârûn al-Rachîd se procurait par tous les moyens de tous les livres dont il entendait parler afin de les donner à la Maison de la sagesse, il encourageait même les commerçants qui se rendaient en Perse, à Byzance ou en Inde pour leurs affaires de lui acheter pour son compte tous les livres qui leur tombaient sous la main, de même qu’il incitait tous les gens à participer à cette campagne d’acquisition de livres, il a même été dit que le calife acceptait parfois des livres à la place de l’argent de la part de ceux qui devaient payer la djiziya (impôt). En sus, al-Rachîd fit embaucher à la Maison de la sagesse des centaines de copistes, de commentateurs et des traducteurs de diverses langues avec pour principal but de traduire en langue arabe un maximum d’ouvrages scientifiques écrits dans des idiomes et langues étrangères.
(à suivre)