L’histoire de Damas d’Ibn ‘Asâkir

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L’historien et chroniqueur musulman Ibn ‘Asâkir aima passionnément la ville de Damas, ville dans laquelle il naquit et qui le vit grandir ; ainsi, il lui rendit ce que cette dernière lui avait donné à travers la rédaction de son ouvrage très célèbre : Histoire de Damas.
Ce livre sur l’histoire de Damas d’Ibn ‘Asâkir est considéré comme étant une lumière éclatante et une perle illuminée parmi les autres livres d’histoire. L’auteur a présenté là l’histoire de la ville la plus ancienne du monde, il voulut par ce livre rassembler toutes les sagesses et les savoirs dispersés sur ce territoire en comptant l’histoire de cette cité et en décrivant la civilisation dont elle est porteuse. Ibn ‘Asâkir a si bien couvert le champ de l’histoire de cette ville que son ouvrage est devenu un recueil complet contenant tout ce qui avait été écrit sur Damas et un glossaire rassemblant les propos de tous ceux qui étaient passés dans le Cham (Syrie-Palestine), y avaient enseigné, y avaient appris ou encore l’évoquèrent d’une belle manière. Ibn Khalkân a dit les choses suivante : Je ne pense pas que cet homme (Ibn ‘Asâkir) a décidé d’écrire l’histoire de cette ville dès qu’il commença à penser, car, en effet, la vie est bien trop courte pour qu’un individu puisse composer une telle somme .

Le titre du livre et son descriptif :

Abû al-Qâsim ibn ‘Asâkir intitula son livre Histoire de la ville de Damas, ce dernier n’a pas son pareil, on peut le qualifier de somme monumentale et encyclopédique, car en effet celui qui cherche un hadith peut l’y trouver, et il en est de même pour celui qui cherche un fait historique concernant Damas, des précisons linguistiques et grammaticales, des informations concernant des personnes qui y passèrent ou y vécurent et cela est valable pour un grand nombre de sciences diverses.
Certes notre historien damascène a consacré entièrement ce livre à la ville de Damas, mais il est important de noter qu’il ne se concentre pas seulement sur l’aspect historique, il n’hésite pas à sortir de ce champ pour aborder avec la même intelligence et connaissance encyclopédique la géographie de cette cité, car en effet il comprit qu’il était illusoire de vouloir découpler les deux domaines. La géographie est en quelque sorte le théâtre où se produisent les événements et l’histoire, c’est en outre l’une des choses qui influencent le plus l’homme et donc la vie sociale, politique et culturelle.
Ainsi, la situation géographique de la ville de Damas, qu’Allah a octroyée à cette dernière, a eu une grande influence sur son rôle civilisationnel à travers les siècles ; et si l’histoire écrite par al-Tabarî est considérée comme la source la plus riche concernant l’histoire des Perses, celle d’Ibn ‘Asâkir est sans nul doute la source la plus riche concernant l’histoire des Arabes et des musulmans, et ce, depuis l’apparition de l’Islam jusqu’à ce que ce dernier devienne un empire étendu aux quatre coins du monde connu. Evidemment, Ibn ‘Asâkir s’attacha particulièrement à évoquer les périodes historiques durant lesquelles Damas était la capitale de la vie arabe, un centre décisionnel, un carrefour où se croisaient des communautés et individus issus de la Péninsule arabique, de l’Iraq, de Perse, des contrées se trouvant au-delà des deux fleuves (le Tigre et l’Euphrate) et en Extrême-Orient, d’Egypte, d’Afrique et des bords de la Méditerranée ; par ailleurs, Damas était un centre de regroupement de troupes et la base d’où partaient des expéditions militaires qui atteignirent notamment à l’est les confins de la Chine et à l’ouest, après avoir traversé la mer Méditerranée, l’Espagne et le sud de l’Europe, de même que d’autres expéditions maritimes se dirigèrent vers le sud, la domination était telle sur cette mer Méditerranée, ainsi que sur ses côtes, qu’on peut dire qu’à un moment cette dernière devint un lac arabe . N’était-ce pas de Damas que partaient les expéditions militaires estivales et hivernales pour sécuriser les marches et chemins en proie aux raids des Byzantins sur les frontières du nord ? Et c’est également de Damas que partaient les légions de Saladin afin de combattre les croisés et libérer al-Quds de leur domination. Enfin, il faut préciser que Damas n’était pas une ville sans vie, bien au contraire, elle a toujours été vivante à toutes les époques.
L’Histoire de Damas retrace l’histoire de la civilisation arabe et musulmane depuis l’époque précédant la révélation prophétique jusqu’au siècle durant lequel vécut son auteur, cette histoire s’arrête exactement en 565 de l’Hégire. C’est comme si Ibn ‘Asâkir avait voulu retracer l’histoire du monde arabe et musulman en couvrant toute son étendue géographique de l’est vers l’ouest en prenant pour point central de ce monde et rayonnant sur lui la ville de Damas dans le Cham. Avec sa grande histoire encyclopédique unique en son genre, Ibn ‘Asâkir devint le cheikh des historiens et l’historien des oulémas et spécialistes du hadith. Cette Histoire de Damas est composée de 80 livres, son auteur y a retracé l’histoire du point de vue des biographies ; en fait, cette somme n’est pas faite sur le modèle des annales historiques qui relatent l’histoire année après année, elle n’appartient pas non plus à cette sorte d’ouvrages évoquant des événements qui traitent d’un peuple parmi les autres ou bien qui relatent une suite interminable d’expéditions militaires, de conquêtes, la vie et l’œuvre de personnages très illustres ou autres événements et faits historiques. Cette Histoire de Damas est en fait avant tout un glossaire de biographies, par ailleurs on peut également considérer que c’est un livre de hadith. Il est à noter en sus qu’Ibn ‘Asâkir ne s’est pas contenté dans son ouvrage de décrire la ville de Damas, mais il a également évoqué son histoire et les grands hommes qui y passèrent et y vécurent, puis il a aussi parlé des femmes qui eurent une grande influence sur l’histoire de cette cité et sa civilisation. Enfin, nous pouvons affirmer que ce livre est en outre une somme dans le domaine littéraire et poétique, d’ailleurs Ibn ‘Asâkir était lui-même un littérateur et un poète qui terminait toujours ses cours par quelques vers de poésie.
La rédaction de l’Histoire de Damas a absorbé Ibn ‘Asâkir durant une grande partie de sa vie, puis c’est son fils, al-Qâsim, qui se chargea, sous l’égide et la surveillance de son père, de la correction de l’ouvrage et de sa mise en ordre jusqu’à lui donner sa forme définitive. C’est ainsi qu’al-Qâsim acheva ce travail en 565 de l’Hégire et il en fit une ultime lecture à son père, lequel ajoutait certaines choses, en rectifiait d’autres, corrigeait des erreurs, retirait des éléments inutiles ou encore mettait en avant certains sujets et en retrait certains autres. C’est donc la même année que l’ouvrage fut totalement achevé et prit la forme que nous lui connaissons aujourd’hui, et le dernier livre, parmi les 80, qui nous est parvenu est le glossaire biographique des femmes illustres, à la fin duquel Ibn ‘Asâkir écrivit : Voici donc la dernière chose de ce livre qu’Allah m’a permis de rédiger et Allah est Celui qui donne le succès .
Ibn ‘Asâkir termina la rédaction de son ouvrage dans sa première version en 549 de l’Hégire, puis il commença à y ajouter des choses jusqu’à ce que soit achevée sa nouvelle version composée de 80 livres en 559 de l’Hégire.
Yâqût al-Hamawî évoque l’ouvrage d’Ibn ‘Asâkir dans le Glossaire des littérateurs en disant qu’il se composait à l’origine de 570 parties, mais que sa nouvelle version en compte 800. De son côté al-Dhahabî a dit que parmi les meilleures choses qu’ait composées Ibn ‘Asâkir, il y a cet ouvrage sur l’histoire de Damas en 800 parties.
Cet ouvrage d’Ibn ‘Asâkir ne fut pas le premier à traiter de l’histoire de Damas et du Cham, de même qu’il ne fut pas le premier dans le genre des livres traitant spécifiquement de cités, avant lui on trouve notamment l’Histoire de Raqqa d’al-Qachîrî, l’Histoire d’Ispahan d’Ibn Na’îm, l’Histoire de Nîsâbûr d’al-Hâkim ou bien encore l’Histoire de Bagdad d’al-Khatîb, et ce dernier ouvrage est de loin le plus pourtant écrit avant l’Histoire de Damas.

Méthodologie d’Ibn ‘Asâkir dans son Histoire de Damas :

Nous pouvons résumer la méthodologie qu’employa Ibn ‘Asâkir dans la rédaction de son Histoire de Damas à travers les points suivants :
1- L’auteur commença son ouvrage avec une introduction foisonnante dans laquelle il évoque son travail, son livre ainsi que la méthodologie qu’il utilisa pour rédiger celui-ci.
2- Ibn ‘Asâkir utilisa pour son ouvrage la méthode des spécialistes du Hadith, c’est-à-dire qu’il commençait par rappeler la chaîne de transmission puis il évoquait les informations en tant que telles.
3- Ibn ‘Asâkir évoqua dans son livre les biographies de ceux qui vinrent à Damas parmi les Compagnons du Prophète (), les Tâbi’în, les oulémas, les princes, les hommes pieux, etc.
4- Il classa les noms des personnes dont il faisait la biographie par ordre alphabétique, en commençant donc par ceux qui s’appelaient Ahmad , il évoquait en outre les noms de leurs pères et aïeux, pour ceux qui étaient connus par leur surnom, il indiquait ce dernier, il indiquait en outre la parenté, puis en dernier lieu il traita des femmes libres et des femmes esclaves.
5- Ibn ‘Asâkir présentait toujours en premier lieu la chaîne de transmission des informations concernant la biographie d’un tel, et ce, pour chaque moindre partie de cette dernière, c’est-à-dire même pour le nom, le surnom ou le jour du décès. Ainsi, les versions d’une information se multipliaient avec la multiplication des chaînes de transmission reliées à elle, il pouvait donc y avoir de nombreuses chaînes de transmission évoquant le même fait, soit de manière identique, soit d’une manière proche. Par conséquent, nous pouvons constater que l’Histoire de Damas d’Ibn ‘Asâkir est fondée sur deux piliers essentiels : les chaînes de transmission et les faits.


Il y aurait encore beaucoup à dire sur cet historien musulman de grande envergure, nous voulons donc pour finir inviter ceux qui le souhaitent à compulser son œuvre maîtresse, c’est-à-dire son Histoire de Damas, afin de se rendre compte du travail immense accompli par cet imminent savant.
 

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