Muhammad ibn al-Qâsim al-Thaqafî

8477 2227

Nous allons parler dans ce présent article de Muhammad ibn al-Qâsim ibn Muhammad ibn al-Hakam al-Thaqafî qui fut le conquérant du Sind et du Pendjab, régions qui correspondent au Pakistan actuel qui est l’un des plus grands Etats islamiques ; l’histoire de ce pays du sous-continent indien est une partie exceptionnellement importante de notre grande histoire islamique. Muhammad ibn al-Qâsim al-Thaqafî est considéré à juste titre comme le premier fondateur d’un Etat islamique en Inde, c’est pourquoi son nom reste comme l’un des plus grands noms des conquérants et héros de l’Islam.

Ses origines et sa jeunesse :

Muhammad ibn al-Qâsim al-Thaqafî est né en 691 (en 72 de l’Hégire) dans la ville de Tâ`if au sein d’une famille connue et respectée, son grand-père, Muhammad ibn al-Hakam, faisait partie des plus grands notables de la tribu de Thaqif. En 694 (en 75 de l’Hégire), al-Hadjâdj ibn Yûsuf al-Thaqafî a été nommé gouverneur de l’Iraq et des provinces orientales dépendantes de l’Etat umayyade à l’époque du calife ‘Abd al-Malik ibn Marwân. Puis al-Hadjâdj nomma son oncle, al-Qâsim, qui était le père de Muhammad, gouverneur de la ville de Bassora, le jeune Muhammad ibn al-Qâsim suivit donc son père dans cette dernière ville. C’est ainsi que Muhammad fut élevé dès son plus jeune âge parmi les princes et autres personnages importants. Puis al-Hadjâdj fit bâtir la ville de Wâsit qui devint une sorte de campement militaire pour les soldats sur lesquels il s’appuyait afin de mener ses diverses guerres, cette ville se remplit de nouveaux habitants et du peuple d’al-Hadjâdj . C’est donc dans cette ville-garnison, mais également dans d’autres villes d’Iraq, que grandit Muhammad ibn al-Qâsim al-Thaqafî, de plus il s’y forma aux métiers des armes jusqu’à ce qu’il devienne un commandant reconnu, et ce, dès l’âge de 17 ans.
Muhammad ibn al-Qâsim al-Thaqafî a très tôt beaucoup entendu parler du Sind, ce dernier n’était pas à l’époque un pays méconnu des musulmans, loin s’en faut, car en effet ces derniers y avait déjà mené des raids à l’époque des Califes Bien-Guidés ‘Umar et ‘Uthmân (Radhia Allahou Anhouma). Puis l’intérêt des Arabes pour le Sind augmenta au moment de la fondation de l’Etat umayyade par le calife Mu’âwiyya ibn Abî Sufiyân en 661 (en 40 de l’Hégire), ce dernier réussit notamment à conquérir une région importante du Sind, il s’agit de la province de Makran qui fut dès lors placée sous domination umayyade de manière continue.

L’agression des pirates du Sind :

En 707 (en 88 de l’Hégire), un navire arabe parti de l’île du Rubis (djazîra al-yâqût), c’est-à-dire Ceylan, avait à son bord des femmes musulmanes, ces dernières avaient perdu leur père et il ne leur restait donc personne pour s’occuper d’elles sur l’île, elles décidèrent donc de partir s’installer en Iraq. Le roi de Ceylan, qui vit là une occasion de se rapprocher des Arabes, leur donna donc sans problème l’autorisation de partir, et il en profita pour charger le navire de présents destinés à al-Hadjâdj et au calife al-Walîd ibn ‘Abd al-Malik. Et alors que le navire était en route vers Bassora, il fit une halte dans le port de Daybul qui se trouvait sur les côtes du Sind, et c’est là que des pirates de cette région l’investirent et le capturèrent. Ayant appris cela, al-Hadjâdj écrivit tout de suite au roi du Sind afin de lui demander que soit rendu le navire et que soient libérées les femmes musulmanes se trouvant à son bord ; toutefois, le roi dit qu’il ne pouvait rien faire dans cette affaire en prétextant que ceux qui avaient capturé le bateau étaient des voleurs et qu’il n’avait donc aucun moyen d’influer sur eux. En conséquence de cela, al-Hadjâdj prit la décision d’envoyer deux expéditions armées à Daybul, la première fut dirigée par ‘Ubaydallah ibn Nabhân al-Sulamî et la seconde eut pour commandant Budayl al-Badjilî ; cependant, ces deux expéditions furent un échec qui virent même la mort des deux commandants tués par des guerriers du Sind. Suite à cela, al-Hadjâdj apprit que les femmes musulmanes et les soldats arabes, faits prisonniers lors des expéditions, étaient retenus prisonniers dans la prison de Daybul, et que le roi du Sind, en signe d’insoumission vis-à-vis des Arabes, n’envisageait pas du tout de les libérer. Ce fut là un casus belli qui poussa al-Hadjâdj à envoyer une grande armée afin d’envahir le Sind dont, en outre, les pirates interceptaient les navires commerciaux arabes qui naviguaient entre les ports arabes et les ports du Sind.

Le commandement de Muhammad ibn al-Qâsim et ses conquêtes :

Al-Hadjâdj prit la décision d’entreprendre la conquête de l’ensemble du territoire appelé le Sind, pour ce faire il choisit comme commandant de sa grande armée Muhammad ibn al-Qâsim al-Thaqafî, il lui prodigua donc tout ce dont ce dernier avait besoin en termes d’hommes et d’équipements militaires. Notre héros Muhammad ibn al-Qâsim se mit donc en branle avec son armée qui était constituée de 6000 combattants et quitta l’Iraq pour se diriger vers la ville de Chiraz en 709 (en 90 de l’Hégire). Et une fois arrivé à Chiraz, le jeune commandant joignit son armée à une autre armée composée également de 6000 combattants, puis après avoir terminé les préparatifs dans cette même ville, Muhammad ibn al-Qâsim, accompagné de 12 000 hommes, partit en direction de l’est jusqu’à atteindre Makran, de là il se dirigea vers Fanazpur puis Armail, et de là les musulmans attaquèrent la ville de Daybul dont ils investirent les murailles et Muhammad ibn al-Qâsim put pénétrer dans la cité. Après la prise de la ville de Daybul, qui était la mieux fortifiée de tout le Sind, Muhammad ibn al-Qâsim a continué sa route, il prit toutes les cités qu’il rencontra et détruisit systématiquement les temples animistes et bouddhistes qui s’y trouvaient, et à la place il y instaura le culte musulman, c’est-à-dire qu’il peupla ces villes de populations musulmanes et y fit construire des mosquées, ces bouleversements furent si importants qu’il changèrent totalement la face de ce pays, Muhammad ibn al-Qâsim fit sans nul doute de ce dernier une véritable contrée islamique.
Par ailleurs, on peut dire que la forte personnalité de Muhammad ibn al-Qâsim fascina les hindous, ils furent impressionnés par sa bravoure ainsi que par la manière excellente avec laquelle il commandait son immense armée, et ce, bien qu’il n’avait pas encore 18 ans ; ainsi, nombreux furent les Zuttes, qui sont des nomades de ces contrées, à se convertir à l’Islam, et 4000 d’entre eux se joignirent à l’armée de Muhammad ibn al-Qâsim afin de combattre en son sein, et ces derniers, grâce à leur connaissance du terrain et de la langue des Indiens, influèrent grandement sur l’issue des combats, souvent favorable aux musulmans.
Puis Muhammad ibn al-Qâsim se rendit dans la ville de Birun, qui correspond aujourd’hui à la ville pakistanaise d’Hyderabad, ses habitants l’accueillirent chaleureusement et signèrent avec lui un traité de paix. Et à l’instar de Birun, Muhammad Ibn al-Qâsim conquit toutes les villes qu’il trouva sur son chemin, que ce fut par des traités ou par la force ; tous ses succès furent couronnés par sa victoire sur le roi du Sind Raja Dahir. Puis Muhammad ibn al-Qâsim poursuivit et paracheva encore sa conquête, il s’empara ainsi des villes de Rawad, Barhamanabad, Rur et Bahrur, puis il franchit le fleuve Bayas et se rendit dans la province du Multan qu’il réussit à soumettre après des combats très durs et où il put mettre la main sur une grande quantité d’or.
Ibn al-Qâsim poursuivit encore ses conquêtes jusqu’à la frontière du Cachemire, et c’est ainsi qu’il réussit à soumettre la plus grande partie du Sind à l’autorité du califat islamique en moins de trois ans seulement. Muhammad continua malgré tout son entreprise afin de soumettre les dernières zones encore insoumises, et il acheva donc la conquête de tout le Sind en 715 (en 96 de l’Hégire). Et c’est ainsi que fut fondé le premier Etat arabe dans le Sind et le Pendjab. Les tribus des Mides, des Jates ou des Zuttes vinrent en délégation auprès de Muhammad ibn al-Qâsim, ces dernières sonnèrent les cloches en signe de joie et pour le célébrer car il les avait libérés de l’injustice et de l’asservissement que leur faisaient subir les hindous.
Muhammad ibn al-Qâsim était très mesuré dans sa réflexion et dans ses prises de position, il était juste et généreux, de plus, peu de combattants pouvaient rivaliser avec lui en termes de bravoure et d’esprit chevaleresque, et d’ailleurs ses amis comme ses ennemis ont largement pu le vérifier.

La triste fin de Muhammad ibn al-Qâsim :

Alors que Muhammad ibn al-Qâsim al-Thaqafî réfléchissait à la possibilité de diriger son armée de conquête vers la frontière de l’Inde, une missive du nouveau calife Sulaymân ibn ‘Abd al-Malik lui parvint dans laquelle celui-ci lui ordonnait de se diriger plutôt vers l’Iraq ; Muhammad, qui était un croyant fervent, se soumit au décret divin, alors qu’il savait que la mort l’attendait là-bas, pas à cause d’un crime qu’il aurait commis, mais, malheureusement, à cause de certains comportements politiques de son proche parent al-Hadjâdj. Ainsi, le jeune chef, le cœur plein de tristesse, se prépara pour ce voyage, une foule de personnes, les larmes aux yeux et fort tristes, se pressa autour de lui afin de lui dire adieu, il n’y avait pas là que des Arabes pleurant sur son terrible destin, mais il y avait aussi des musulmans du Sind, et même les brahmanes hindous et les bouddhistes versaient pour lui de chaudes et abondantes larmes, tous lui suppliaient de rester dans le Sind, tous lui disaient qu’ils le protégeraient contre tous les dangers auxquels il s’exposerait, mais son âme refusa absolument de contrevenir à l’ordre du calife.
Ainsi, Muhammad ibn al-Qâsim arriva en Iraq, et là le gouverneur de ce pays, Sâlih ibn ‘Abd al-Rahmân, lui fit mettre les chaînes et l’envoya à la prison de la ville de Wâsit pour la seule et unique raison qu’il était un proche d’al-Hadjâdj, là il passa d’horribles mois en subissant diverses tortures jusqu’à ce qu’il mourut en 715 (en 96 de l’Hégire).
Le héros de l’Islam, Muhammad ibn al-Qâsim al-Thaqafî, a été le conquérant du Sind, il est considéré pour ça comme l’un des plus illustres combattants de toute l’histoire de la civilisation islamique, il est sans conteste un véritable héros ; enfin, nous pouvons dire qu’Allah, exalté soit-Il, a placé en lui une âme dénuée de viles ambitions et toute tournée vers le service de l’Islam.
 

Articles en relation