Les principales caractéristiques de l’art architectural islamique à travers les siècles

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Nous mettrons en évidence dans cet article les principales caractéristiques de l’art architectural islamique à travers les siècles.

1- L’époque des Omeyyades (661-749)

L’époque omeyyade a vu l’édification de nombreux chefs-d’œuvre architecturaux religieux et séculiers dont les plus importants sont la mosquée des Omeyyades à Damas, le Dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsâ dans la ville d’al-Quds. La Grande mosquée de Damas compte parmi les réalisations les plus importantes de l’histoire des Omeyyades, selon l’orientaliste français Jean Sauvaget, cette mosquée est la première grande réussite architecturale de l’Islam . En effet, ce monument a réussi à faire le lien entre la tradition architecturale chrétienne, possédant ses propres caractéristiques, et le nouveau style architectural qui créa l’harmonie entre la fonctionnalité du bâtiment et l’esprit de la nouvelle religion. La Grande mosquée eut une influence sur l’architecture de nombreuses mosquées à travers les siècles et dans les quatre coins du monde islamique, cela est évident, par exemple, dans le style des mosquées de Kairouan et Zitouna en Tunisie, il est notable que cette dernière mosquée ressemble beaucoup à la mosquée des Omeyyades.
En outre, les Omeyyades bâtirent des châteaux dans les campagnes du Châm afin de se livrer à la chasse, notons que sur les nombreux châteaux construits à l’époque il en reste environ trente, parmi les plus importants on trouve Qasr al-Hayr al-Charqî, Qusayr ‘Umra, Qasr al-Michtâ, etc. Qusayr ‘Umra, qui se trouve en Jordanie, se distingue par ses fresques murales qui représentent des humains et des animaux, il est à noter que certains chercheurs s’appuient sur ces dernières pour démontrer que le principe de l’interdiction de la représentation d’êtres vivants en Islam est erroné.

2- Les influences architecturales omeyyades sur l’Andalus :

Les musulmans ont pénétré dans le sud de la péninsule Ibérique, qui deviendra l’Andalus, en 711, cette région deviendra une province omeyyade avec pour capitale Cordoue, et l’omeyyade ‘Abd al-Rahmân al-Nâsir se donnera le titre de calife. Ce dernier ne tarda pas à entamer la construction de la Grande mosquée de Cordoue qui fut terminée lors des époques suivantes, il lui fut ajouté des arches en fer à cheval et l’arche al-Mufassas qui est considérées comme l’une des innovations architecturales de l’époque ; par ailleurs, des lambrequins (découpures de bois couronnant un pavillon, un store, etc.) furent employés pour décorer la mosquée, ces derniers étaient donc spécifiquement un élément de décoration des parties les plus hautes des édifices, ils apparurent d’abord dans l’architecture d’Orient, mais ils ne tardèrent pas à se diffuser en Espagne.
L’architecture de cette mosquée devint célèbre grâce à ses arcs au style architectural basé sur un doublement constitué d’un premier rang d’arcs en fer-à-cheval surmonté d’un second rang d’arcs-boutants supportant la voûte, le portant et le porté s’y emboîtent dans une perspective sans fin.
Les bâtisseurs de cette mosquée ont utilisé des pierres, du marbre et de la brique, en outre ils employèrent systématiquement et de manière alternée les couleurs blanche et rouge pour peindre les arcs, lesquels arcs bicolores restèrent par la suite l’un des signes distinctifs de l’architecture espagnole. Ces arcs bicolores furent empruntés par l’architecture chrétienne (ils apparurent dans les églises) et notamment par l’architecture de style gothique qui fut très influencée par les arcs andalous, ces derniers se diffusèrent de l’Espagne vers la France grâce aux pèlerins chrétiens et de là ils se diffusèrent dans d’autres contrées. Il est notable que les clochers des églises gothiques se sont largement inspirés des minarets à forme carrée d’al-Andalus qui ont pour origine la mosquée des Omeyyades de Damas. On trouve en outre dans des églises occidentales d’autres éléments architecturaux empruntés aux musulmans comme les voûtes d’arêtes, les piliers de dôme, les motifs végétaux, des ornementations arabes sur les colonnes des portes, etc.

3- L’époque des Abbassides (749-968) :

L’école architecturale islamique a excellé dans le domaine de la planification urbanistique, et notamment à l’époque abbasside qui vit l’édification de nombreuses cités comme Bagdad, Samara ou Raqqa. En outre les Abbassides bâtirent de nombreuses mosquées comme la mosquée de Samara, la mosquée d’Abû Dalf (située à 15 km au nord de Samara) ou encore la mosquée Ibn Tûlûn au Caire ; par ailleurs, ils érigèrent des forteresses dont les plus importantes sont le château d’al-Akhîdr au sud de Bagdad, le palais d’al-Khâqânî à Samara ou encore le château Balkûrâ près de cette même ville, ce dernier se distingue par ses nombreuses cours intérieures, ses différentes salles du trône et son vaste jardin contenant un mouillage pour les navires naviguant sur le Tigre.
Les constructions abbassides se caractérisaient par la diversité des ornementations qui les décoraient comme les mosaïques, le bois sculpté, les découpages de marbre, de terre, de fer forgé ou de faïence ; de même qu’on y trouvait une grande variété d’arcs aux formes très diverses.
L’art architectural développé à Samara se diffusa jusqu’en Sicile où on constate son influence dans les fresques murales comportant des écritures arabes qui décorent la voûte de la Chapelle à Palerme. Rappelons que les musulmans dominèrent cette île méditerranéenne de 827 à 1061, puis la Sicile passa sous le contrôle des Normands, lesquels adoptèrent de nombreuses traditions et coutumes islamiques.

4- L’époque des Fatimides d’Egypte (969-1171) :

L’Egypte fut le centre du pouvoir du califat fatimide entre 969 et 1171. La mosquée-université d’al-Azhar au Caire est considérée comme l’une des édifications religieuses fatimides les plus importantes, cette dernière est le produit d’un mélange entre l’architecture tunisienne et l’architecture locale, en outre parmi les autres bâtiments emblématiques de la dynastie fatimide d’Egypte on trouve la mosquée al-Hâkim.
Pour ce qui est des constructions civiles, il ne reste des nombreux châteaux construits par les Fatimides que des descriptions mettant en exergue leur splendeur. Notons qu’en Algérie les architectes fatimides construisirent divers châteaux et citadelles comme la citadelle de Banî Hamâd, le château Dâr al-Bahr qui se caractérise par son immense étang ou encore le château d’al-Manâr qui est l’édifice le plus marqué par les influences fatimides.
Les éléments architecturaux les plus significatifs de cette époque sont les mihrabs, les arcs fermés, les niches de lampe, les vases ou les marqueteries, la période des Fatimides d’Egypte est considérée en outre comme la période de l’enracinement de l’ornementation islamique.

5- L’époque des Seldjoukides :

La dynastie seldjoukide régna sur Bagdad de 1055 à 1174, et parmi les constructions religieuses les plus importantes édifiées par celle-ci il y a la Grande mosquée d’Ispahan au plan en forme de croix et qui est inspiré de l’architecture profane, cette mosquée est caractérisée par ses quatre grandes salles donnant sur une cour intérieure, ces derniers devinrent par la suite le signe distinctif des mosquées iraniennes.
Les Seldjoukides prirent l’habitude d’ajouter des mausolées à côté des mosquées, ces derniers sont en fait une tombe ayant la forme d’une stèle ou d’une coupole lisse ou striée. La coupole du mausolée de Zubayda en Iraq ressemble en tout point à celle de l’hôpital Nûr al-dîn Zankî à Damas. En outre, les Seldjoukides s’attachèrent à construire des écoles et instituts destinés à l’enseignement de la jurisprudence et de la religion, de même qu’ils bâtirent de nombreux édifices militaires, c’est ainsi que les origines de la citadelle de Damas remontent à l’époque seldjoukide.
Les caractéristiques les plus importantes de l’architecture seldjoukide sont : les entrées assez basses, les grandes salles surplombant une cour intérieure en général sur ses quatre côtés et sur trois côtés seulement dans le cas de la présence d’un harem, les bassins et fontaines au milieu de la cour, la diversité de la forme des petites voûtes ou la décoration des bâtiments à l’aide d’écritures, et à propos de ce dernier élément il faut savoir que les Seldjoukides initièrent l’utilisation de l’écriture calligraphique pour décorer les édifices, de même qu’ils développèrent les divers aspects de l’art pictural.

6- L’époque des Ayyoubides (1174-1260) :

Salâh al-dîn al-Ayyûbî (Saladin) mit fin au califat fatimide d’Egypte et combattit les Croisés. Ce grand chef musulman prêta tout au long de son règne une attention particulière à l’architecture militaire, notons à ce propos que l’architecture militaire ayyoubide est considérée comme le prolongement de l’architecture militaire des Seldjoukides, et ce, que ce soit en Egypte ou en Syrie. C’est ainsi que Salâh al-dîn procéda à l’agrandissement des cités, à la rénovation des murailles, à l’édification de forteresses (comme celle de Damas) et de bâtiments civils et religieux comme des mosquées ou des écoles (comme l’école al-Âdaliyya à Damas) ainsi qu’à la construction de sorte de couvents pour les mystiques. Les Ayyoubides utilisèrent pour l’édification des forteresses des grosses pierres bombées ; par ailleurs, leurs constructions se caractérisaient par un style épuré et simple. C’est ainsi que les ornementations dans les édifices ayyoubides étaient limités à des endroits bien précis comme par exemple au-dessus des entrées ou autour des fenêtres ; toutefois, cette époque vit l’apparition d’éléments ornementaux nouveaux que l’ont trouvait au-dessus des entrées principales des divers édifices (comme des devises ou des symboles), et justement ces entrées principales gagnèrent encore en hauteur.

7- L’époque des Mamelouks (1260-1516) :

Les Mamelouks régnèrent sur l’Egypte, le Châm, la péninsule arabe, le Yémen et la Libye, et durant leur période de domination tous ces pays et régions sous domination mamelouke connurent des mélanges d’influences et des échanges mutuels dans le domaine de l’architecture. Il est à noter que la première période de leur règne est considérée comme une époque florissante et prospère et cela se voit dans les châteaux, les écoles, les marchés ou encore les hammams édifiés à cette époque. L’architecture mamelouke se caractérisait par la diversité de ses ornementations, et notamment les Ranûks (devises et symboles) dont l’utilisation de répandit largement. Il est remarquable que la cour intérieure n’était plus alors considérée comme un élément essentiel dans la plupart des édifices mamelouks, c’est ainsi que ces derniers ne possédaient en général aucune cour intérieure ouverte ou couverte comme c’était déjà le cas dans la mosquée al-Tirûzî ou l’école al-Djamaqiyya à Damas.
L’architecture mamelouke était basée sur l’utilisation de pierres extrêmement bien taillées ainsi que sur l’alternance des couleurs noire et blanche pour les pierres des arasement (dernière assise d’un mur) ou parfois des couleurs jeune et rouge, notons que cette alternance des couleurs pouvait être utilisée sur toute la façade des murs ou bien sur une partie seulement. Il apparut à l’époque mamelouke des formes d’arc nouvelles, de même que se développa l’utilisation des coupoles soutenues par des fûts qui étaient des sortes de colonnes de formes géométriques diverses. Enfin, on vit pour la première apparaître des minarets à forme cylindrique.

8- L’époque des Ottomans :

Les Ottomans mirent à bas l’empire byzantin en 1453, il est donc à noter que du point de vue architectural les édifices ottomans furent très influencés par le style de l’église Sainte-Sophie qui fut bâtie par l’empereur Justinien au VIe siècle. De plus on peut dire que de manière plus générale l’architecture islamique de cette époque fut influencée par les styles architecturaux présents dans la ville de Constantinople ainsi que par l’art architectural des Seldjoukides. Et après la conquête du Châm par les Ottomans en 1516, les traditions architecturales de l’époque des Mamelouks se mélangèrent aux influences ottomanes. Dans le domaine de l’architecture religieuse, le harem à forme carrée s’est vu recouvert par un dôme à une seule retombée (assise qui forme la naissance d’un arc, d’une voûte) percé par des fenêtres pour l’éclairage, et à partir de cette époque le harem ne fut plus séparé en ailes distinctes et en corridors. Notons que pour accéder à la salle de prière il fallait franchir un corridor couvert de dômes et qui surplombait une cour. Quant aux minarets, ils se distinguaient par leur beauté et leur hauteur, ces derniers avaient subi l’influence du style architectural de Constantinople comme c’est le cas pour les minarets des mosquées al-Sulaymâniyya et al-Sanâniyya à Damas.
Dans le domaine de l’architecture civile, les Ottomans bâtirent des palais et des quartiers d’habitation, et à ce propos il est notable que les maisons possédaient deux étages, le premier pour l’accueil des hommes (le salamalec) et le second pour les femmes (le haremalek), les étages supérieurs des maisons surplombaient les rues ; par ailleurs, il faut savoir que les Turcs empruntèrent aux Syriens la pièce comportant des murs ornés et au milieu de laquelle se trouve une fontaine.
Pour ce qui concerne les palais, autrement appelés sérails, on peut dire que ceux qui se trouvaient à Istanbul étaient divisés en trois parties ou trois ailes et se caractérisaient par l’excellence de leurs ornementations. Dans le Châm les palais et les grandes maisons étaient aussi divisés en trois parties, il y avait une aile pour la famille, une aile pour les invités et une aile pour les gens de maison, et chacune de ses ailes possédait une grande salle (l’iwan) surplombant une cour découverte au milieu de laquelle se trouvaient des fontaines, des bassins, des plantes ou encore un petit hammam. Les palais possédaient des dômes et deux étages, ils comportaient en outre une grande salle au toit très élevé et dont la hauteur correspondait à deux étages.
Durant l’ère ottomane apparurent des éléments architecturaux nouveaux comme l’arc ottoman qui est un arc concave vers l’extérieur dans sa partie haute alors que sa partie basse est convexe ou comme l’arc en demi-cercle. La faïence était utilisée pour faire des sujets décoratifs végétales, cette dernière était l’élément essentiel de la décoration des murs intérieurs et de certaines parties des façades et notamment les parties se situant au-dessus des portes et des fenêtres, les couleurs dominantes de ces motifs en faïence étaient le bleu et le vert ; par ailleurs, les décorateurs turcs utilisaient des mosaïques en marbre ainsi que du plâtre mêlé à des morceaux de verre.
Il est à noter que se diffua également l’utilisation d’une forme de patchwork (ornementations aux formes géométriques et végétales creusées dans la pierre et remplies de plâtre coloré) pour la décoration des façades, de même que se répandit l’emploi du bois verni et orné de dessins géométriques et à motifs végétaux colorés. C’est là une influence des arts baroque et rococo venus d’Occident, influence qui était évidente dans les palais et maisons du Châm à la fin de la période ottomane.
Une foule d’architectes participèrent au développement de l’architecture islamique, ils marquèrent l’histoire de cette dernière de leurs noms comme par exemple Mu’ammâr Sannân dont les travaux et œuvres se répandirent dans plupart des capitales du monde musulman.

Il ressort de cette courte chronologie de l’art architectural dans le monde musulman à travers les siècles que l’école islamique est une école artistique complète qui a su élaborer des symbioses entre des traditions architecturales diverses pour produire un style orignal, il est manifeste que cette école a contribué et continue de contribuer à l’édification de la civilisation universelle.

 

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