Ces deux minarets sont plus hauts que tous les monuments aux morts que les colons français ont élevés afin d’immortaliser la mémoire du sacrifice des soldats français qui sont tombés pour la France lors de la Seconde Guerre mondiale , c’est avec ce genre de propos que tous ceux qui se sentent en lien avec la ville de Constantine (qui se trouve à l’est de l’Algérie) expriment leur fierté de posséder dans leur cité l’Université des sciences islamiques Emir ‘Abd al-Qâdir. C’est ainsi que ces deux minarets, qui font chacun 120 m de haut, s’élèvent de manière majestueuse à l’entrée de la ville de Constantine tels des phares éclairant le monde de la lumière des sciences et de la prédication islamiques, symbolisant en quelque sorte la résistance à ce qui reste de vestiges culturels et intellectuels de la colonisation française dans le pays.
Ainsi, l’Université des sciences islamiques Emir ‘Abd al-Qâdir de Constantine ressemble beaucoup à l’Université d’al-Azhar en Egypte du point de vue des conditions historiques dans lesquelles elle a vu le jour et de son rôle dans les domaines des sciences et de la prédication islamiques. L’idée de construire cette université est apparue de conserve avec le projet d’édification de la mosquée Emir ‘Abd al-Qâdir, laquelle est considérée avec l’université qui se trouve à ses côtés comme l’une des plus belles réalisations de l’art architectural islamique en Algérie d’abord mais également de manière générale dans toute l’Afrique du Nord. Il faut rappeler que de nombreux architectes et bâtisseurs musulmans spécialisés dans l’architecture islamique et ayant un niveau de compétences international ont participé à la réalisation de cet édifice.
L’Emir ‘Abd al-Qâdir est le fondateur de l’Etat algérien moderne, il est l’un des plus grands résistants algériens à la colonisation française. C’est ainsi que l’Etat algérien choisit de donner son nom illustre à la mosquée et à l’université islamique de la ville de Constantine qui est la capitale de l’est algérien, de même que cette dernière est célèbre pour les sciences qu’on y enseigne et pour ses oulémas mais aussi et surtout pour son grand nombre de mosquées et d’universités ainsi que pour son rôle historique dans la production d’oulémas qui furent des précurseurs dans le mouvement de renaissance de la science islamique en Algérie et dans tout le Maghreb, parmi ces savants pionniers il y a évidemment le grand rénovateur ‘Abd al-Hamîd ibn Bâdîs ou encore le grand penseur et philosophe Mâlik ibn Nabî.
Notons en outre que les habitants de Constantine appellent leur ville La Mecque de l’Algérie car elle est connue pour le grand rôle qu’elle a tenu dans la défense de la religion islamique face aux attaques intellectuelles et culturelles menées par le régime colonial français.
Du fait que l’Université Emir ‘Abd al-Qâdir est à la fois un lieu d’enseignement et de prédication, elle est considérée comme un phare de science s’élevant dans l’est algérien. Notons que ce lieu de savoir est, dans le cadre de sa mission éducative, en relation avec les autres institutions et organisations scientifiques et religieuses se trouvant en Afrique du Nord qui ont fait de la mosquée à la fois un lieu de savoir et de prédication religieuse ; de plus, l’Université Emir ‘Abd al-Qâdir entretient des liens étroits avec les autres mosquées-universités du Maghreb comme celle d’al-Quaraouiyine située à Fès au Maroc, celle de Zaitouna se trouvant dans la capitale tunisienne Tunis ou bien encore celle d’al-Azhar se trouvant en Egypte.
Les différentes spécialisations de l’Université :
Du point de vue administratif, l’Université Emir ‘Abd al-Qâdir est considérée comme un établissement universitaire public jouissant d’une personne morale propre et d’une indépendance financière mais se trouvant sous la tutelle du ministère de l’enseignement et de la recherche de la République démocratique algérienne.
Bien que l’université de Constantine fût inaugurée par l’ancien président algérien Chadli Bendjedid, celle-ci prit son véritable essor relativement récemment, et notamment à partir de 2011, date à laquelle fut promulgué un décret présidentiel redéfinissant sa mission et créant de nouveaux départements et de nouvelles spécialisations, on passa donc d’un département à trois qui sont celui des fondements de la religion (Usûl al-dîn), celui de la Charia et de l’économie et enfin celui de la littérature et de la civilisation islamique.
Les départements de l’université rassemblent quasiment toutes les spécialisations ayant un lien avec les études islamiques, la dernière de ces spécialisations à voir le jour fut celle des langues et de la traduction, celle-ci fut créée seulement en 2013 et prit place au sein du département de la littérature et de la civilisation islamiques, c’est ainsi par exemple que débutèrent l’enseignement de la langue turque.
Parmi les spécialisations proposées par l’université on trouve celles ayant trait aux sciences légales comme le hadith, le fiqh, les sciences du Coran, les religions comparées, l’économie, le droit, la prédication et les médias ou les moyens de communication, etc. Et en plus de cela l’université comporte un certain nombre de laboratoires de recherches spécialisés, comme le laboratoire dédié aux études de la prédication à travers les divers moyens de communication, le laboratoire de recherches consacré aux études du dogme islamique et des religions comparées, le laboratoire s’occupant des études littéraires et ayant trait aux sciences humaines, le laboratoire de recherches s’attachant à étudier les sciences légales ou encore le laboratoire chargé des études du Coran et de la Sunna prophétique.
Des bibliothèques extrêmement bien fournies :
Il y a au sein de l’Université Emir ‘Abd al-Qâdir de Constantine une bibliothèque comportant environ 25 000 ouvrages consacrés à de multiples domaines et spécialités, de plus on y trouve deux grandes salles de lecture, l’une pour les hommes et l’autre pour les femmes. Outre ces deux salles, il y a également une salle dédiée aux périodiques, aux thèses universitaires, aux rencontres et aux colloques, on y trouve de nombreuses revues arabes et algériennes en langue arabe ainsi que des revues en français et en anglais ou des thèses de master et de doctorat, par ailleurs, il y fut intégré très récemment une partie consacrée spécialement aux documents et compte-rendu de recherches produits lors des rencontres et colloques scientifiques.
De même que cette université abrite une autre bibliothèque appelée la bibliothèque des cheikhs , celle-ci est destinée à n’accueillir uniquement que les professeurs ou les étudiants en doctorat, elle a été nommée ainsi car elle accueille en son sein des bibliothèques privées qui ont appartenu à de grands savants et que ces derniers ont gracieusement offert à l’université. Et à ce propos il nous faut rappeler que de nombreux grands oulémas reconnus dans tout le monde islamique ont enseigné dans cette université, parmi les plus connus nous pouvons citer cheikh Muhammad al-Ghazâlî et cheikh al-Bûtî, qu’Allah, exalté soit-Il, les accueille dans Sa miséricorde.
Des revues scientifiques :
L’Université Emir ‘Abd al-Qâdir publie un certain nombre de revues et de périodiques de qualité et contenant de nombreuses recherches et études scientifiques de grande valeur dans les différents champs et spécialités des études islamiques. Et parmi les revues les plus importantes on trouve celle de l’Université Emir ‘Abd al-Qâdir, laquelle est un périodique scientifique de qualité qui a pour principale mission de diffuser des recherches et des études dans les domaines liés à l’Islam de manière générale, on trouve également la revue du département de littérature et de civilisation islamique qui paraît deux fois par an, celle-ci, qui est publiée par le département éponyme, s’attache à traiter des questions de littérature, de linguistique, d’histoire ou en rapport avec les idées, son but étant d’encourager la recherche scientifique et de proposer un espace de liberté intellectuelle à l’université.
Par ailleurs, l’université publie aussi la revue al-Mi’yâr qui est un périodique scientifique s’occupant des sciences islamiques et humaines, elle est éditée par le département des fondements de la religion, elle publie également une revue dédiée aux études du dogme et des religions comparées, éditées par le laboratoire éponyme, cette revue a pour principale ligne éditoriale les études concernant le dogme et la philosophie islamiques ainsi que les études liées à la comparaison des religions.
Colloques nationaux et internationaux :
Le grand intérêt porté par l’Université Emir ‘Abd al-Qâdir de Constantine pour les sciences islamiques apparaît clairement dans sa volonté d’organiser de nombreux colloques nationaux et internationaux, l’ensemble de ces derniers ont pour cadre les études islamiques, l’université vise à travers ceux-ci à dynamiser le travail de recherche scientifique en son sein.
A titre d’exemple, cette année l’université a organisé une rencontre internationale en avril consacrée à l’architecture et aux arts islamiques en Algérie ; par ailleurs, un second colloque international se tiendra au sein de cette université au mois de novembre prochain, il aura pour thème le fiqh et la doctrine islamiques.
Quant aux colloques nationaux, nous pouvons dire que l’un d’entre eux s’est déroulé en mai dernier, son thème était la méthodologie de la vérification et l’analyse des manuscrits dans le domaine des sciences islamiques, et un second colloque s’est tenu en novembre et a eu pour principal sujet les contributions des oulémas et hommes de lettres algériens dans la rédaction de la biographie prophétique (al-Sîra) aux Moyen-âge et à l’époque moderne.
Ce court aperçu de l’Université Emir ‘Abd al-Qâdir de Constantine nous montre que les sciences islamiques suscitent toujours un intérêt grandissant dans la société algérienne. On voit en outre que l’Etat algérien ne ménage pas ses efforts, et notamment financiers, afin de permettre un grand dynamisme dans le domaine des sciences islamiques, tout est vraisemblablement mis en œuvre pour faciliter l’accès aux plus grand nombre et dans d’excellentes conditions à ces dernières.
En guise de conclusion, nous voudrions dire qu’il nous semble que ce qu’est devenu cette université est en parfaite adéquation avec l’esprit du personnage dont elle avait pris le nom ; en effet, cette université est à l’image de ‘Abd al-Qâdir, qui était à la fois un grand connaisseur des sciences islamiques mais aussi un homme de lettres cultivé, sage ainsi qu’un humaniste ouvert sur le monde et ayant une grande vision.