J’ai toujours été très intéressé par la recherche concernant l’histoire de l’Islam et des musulmans du Brésil, il m’importe beaucoup d’essayer de comprendre la réalité enfouie de ce pan de l’histoire humaine et notamment les causes qui provoquèrent la disparition de la première génération de musulmans de ce pays qui se trouve fort éloigné du monde musulman, de même que mes recherches historiques ont pour but principal de trouver des solutions pour préserver au mieux les musulmans brésiliens contemporains ainsi que de profiter des expériences du passé.
Je vais donc traiter dans cette recherche l’histoire des musulmans du passé et celle des musulmans actuels, je vais en outre essayer de dessiner une vision ayant trait au futur de ces populations en m’appuyant sur ce que les gens d’expérience et de bonne volonté de ce pays peuvent offrir afin de proposer un avenir meilleur pour les musulmans brésiliens.
Ainsi, le Brésil fut découvert en 1500 par le navigateur Pedro Alvarez Cabral. Notons que ce pays magnifique est la somme de nombreuses contradictions et mélanges de diverses cultures, lesquelles amenèrent le sociologue Joberto Fariri à écrire un ouvrage sur ce pays intitulé Un nouveau monde dans les Tropiques. En fait, ce mélange d’origines et de cultures dans la formation sociale et civilisationnelle du peuple brésilien a eu une grande influence dans tous les aspects de la vie de ce pays et même dans la détermination du nom qui fut donné à ce pays, à ce propos on dit notamment que le mot Brésil vient du mot barasil qui renvoie à une sorte d’arbre duquel était tiré la peinture rouge ; selon un autre avis le nom de ce pays viendrait de hy brasil qui veut dire dans une langue indigène la terre de la puissance, de la force et de la beauté ; et, enfin, selon un troisième avis le mot Brésil viendrait du mot Bress qui veut dire dans certaines langues de l’Europe occidentale ce qui est béni . Il nous faut dire que selon la plupart des sources historiques l’avis le plus juste sur l’origine de ce nom est le premier.
Les récits concernant les relations entre les musulmans et le Brésil divergent, c’est ainsi que certains historiens estiment que ces derniers sont arrivés sur cette terre d’Amérique latine avant qu’elle ne fusse découverte par certains navigateurs occidentaux, cette théorie se fonde notamment sur le fait que les musulmans furent très tôt à la pointe des connaissances dans le domaine maritime, de même que ces historiens se basent sur certaines inscriptions en arabe très anciennes retrouvées sur certaines pierres se trouvant dans la ville de Rio de Janeiro ainsi que dans d’autres lieux de la côte brésilienne ou d’Amérique latine plus généralement ; par ailleurs, il existe des récits se trouvant dans certains livres d’histoire rédigés par des savants musulmans versés également dans la géographie qui vont dans ce sens, mais ces récits ont encore besoin d’être étudiés en profondeur et avec une grande rigueur scientifique.
Selon d’autres récits les découvreurs occidentaux de l’Amérique et du Brésil étaient accompagnés par des guides musulmans experts dans les sciences maritimes, il semblerait que ces guides avaient feint de ce convertir au catholicisme afin d’échapper aux tribunaux de l’inquisition qui sévissaient alors en Espagne, et c’est lorsqu’ils arrivèrent enfin au Brésil que ces derniers recommencèrent à adopter discrètement les signes extérieurs de leur Islam, cependant il ne s’écoula pas beaucoup de temps avant qu’ils ne soient confondus et donc amenés devant les tribunaux d’inquisition locaux dans la ville de Baya en 1594. Lors de ces procès il fut déterminé des attitudes permettant de confondre ceux qui étaient secrètement musulmans et ouvertement chrétiens comme les grandes ablutions, le levé matinal, le jeûne ou encore la propreté des vêtements. Cette dernière théorie fut notamment défendue par le docteur ‘Alî al-Kinânî qui était un grand spécialiste des minorités musulmanes à travers le monde, selon lui : Lorsque les Portugais découvrirent le Brésil, ils interdirent aux musulmans d’émigrer là-bas ; toutefois, cette interdiction ne put rien contre l’émigration des mauresques (musulmans convertis au catholicisme) qui étaient alors fort nombreux, une fois arrivés au Brésil et durant tout le XVIe siècle ces derniers révélèrent leur Islam, et c’est donc en réaction à ce mouvement que le tribunal de Baya décida de mettre en place des tribunaux d’inquisition à partir de 1594. Ces tribunaux prononcèrent contre eux des jugements très durs comme la mise à mort, le bûcher ou encore la mise en esclavage pour des milliers d’entre eux .
Il faut souligner que l’expérience des colons portugais dans le travail de la terre était très faible alors qu’au fur et à mesure de leurs avancées ils prenaient possession de surfaces cultivables immenses sur ces terres qui deviendront plus tard le Brésil. Par conséquent, les Portugais commencèrent à faire venir des esclaves venus d’Afrique à partir de 1538, et après quarante années de ce commerce ignoble c’est près de 600 000 esclaves africains qui se retrouvèrent au Brésil.
La recherche qui est la notre dans ce présent article nous amène à apprendre à connaître la situation des musulmans d’Afrique au début du XVIe siècle qui est la période durant laquelle commença la mise en esclavage d’un nombre invraisemblable d’Africains, nombre qui se compte en dizaines de millions, c’est ainsi que le Bénin seul fut saigné d’environ trois millions de ses enfants.
Il faut savoir qu’à cette époque l’Afrique jouissait encore des conséquences positives de la domination des puissants royaumes musulmans qui étaient porteurs d’une civilisation florissante dans les domaines des diverses sciences, de l’agriculture, de l’architecture, de la culture, des arts ou des diverses industries, par conséquent les Africains capturés par les esclavagistes étaient à n’en pas douter imprégnés de cette culture qu’ils apportèrent donc avec eux au Brésil où celle-ci, via les esclaves, marqua une emprunte claire dans la fondation du jeune Etat brésilien.
La période allant de 1000 à 1500 est considérée comme l’âge d’or en termes de civilisation de l’Afrique de l’Ouest, car ce fut une période florissante et d’échanges dynamiques entre les diverses cités, Etats et empires ; notons en sus qu’il y avait dans le sud-est du Soudan l’Etat Haoussa et l’empire Kanim-Bourno qui étaient considérés alors comme les entités politiques les plus puissantes d’Afrique.
Ainsi, ces esclaves furent arrachés de force à leur terre natale, puis ils furent traités d’une manière inhumaine et emmenés à l’autre bout du monde dans des terres inconnues, ils furent nombreux à mourir pendant un voyage extrêmement éprouvant, quant à ceux qui arrivaient vivants au Brésil ils étaient contraints d’adopter la foi chrétienne, ce qui n’empêchaient pas leurs maîtres, également chrétiens, de les traiter comme des animaux. Selon ‘Ayyâch Darrâdjî : Au Bénin, la route des esclaves faisaient 150 km et dans les derniers kilomètres se trouvait un arbre sacré appelé l’arbre de l’oubli où les esclaves s’arrêtaient pour y faire des circumambulations, neuf pour les hommes et sept pour les femmes ; ces rites animistes avaient pour but d’amener l’esclave à oublier son passé et à effacer sa mémoire, puis après ces derniers l’esclave était amené à l’ultime étape près de la côte où il était emprisonné dans un lieu spécial jusqu’à ce qu’arrivent les navires, l’attente pouvait durer de très longs mois dans un endroit sans lumière, ils étaient entassés par groupes dans des cellules obscures afin de les habituer à patienter dans des conditions qui seraient celles des cales des bateaux négriers .
Et lorsque que ces esclaves arrivaient au Brésil, ils étaient baptisés dans la foi chrétienne ; cependant, nombreux étaient ceux qui conservaient secrètement leur foi musulmane, pratiquaient secrètement les rites de l’Islam et apprenez par cœur des pages du Noble Coran, il faut savoir qu’il y avait parmi eux des cheikhs, lesquels appelaient leurs coreligionnaires à s’accrocher à leur religion, de même qu’ils organisaient dans leurs cabanes des cercles d’apprentissage du Coran et des sciences islamiques. Cette volonté de ces esclaves de s’accrocher de toutes leurs forces à l’Islam eut pour conséquence le fait que leurs maîtres portugais leur octroyèrent une certaine liberté de pratiquer leur culte.
Certains livres d’histoire rappellent que ces esclaves avaient été en Afrique les prisonniers du roi animiste Dahoumi, ce dernier les avait capturés lors des guerres qui l’opposèrent aux Etats musulmans, et c’est donc lui qui les vendit aux Portugais, il se trouve que parmi ces prisonniers de guerre devenus esclaves il y avait des savants musulmans. Ces derniers, malgré de rudes conditions, réussirent à préserver leur religion et purent donc fonder une génération musulmane solide et organisée d’esclaves dans les provinces de Baya, de Rio de Janeiro et de San Luis de Maranhão ; par ailleurs, ces savants réussirent à faire entrer dans l’Islam de nombreux autres esclaves sans lien avec cette religion, ils réussirent à fonder des écoles islamiques ainsi que des mosquées, ils jouissaient donc d’une certaine liberté religieuse, les Portugais les appelés les professeurs .
L’historien Nina Rogers est d’accord avec cette vision des choses et il montre cela clairement dans l’un de ses articles intitulés Les musulmans noirs au Brésil, il s’appuie dans ce texte sur les archives de la police, des correspondances échangées entre les gouverneurs des diverses provinces ainsi que sur les aveux écrits d’individus ayant participé aux révolte que menèrent les musulmans noirs contre le système esclavagiste à cause duquel ils avaient été déportés jusqu’au Brésil. Cet historien visita certains imams noirs de Baya et de Rio de Janeiro, il évoqua notamment leurs activités, leurs tenues vestimentaires, les justifications de leurs participation à ces révoltes ou encore leurs relations avec les noirs non musulmans. Notons en outre que l’ethnographe français Roger Bastide confirme que les musulmans noirs avaient des mosquées dans diverses villes du Brésil comme Baya.
Toute cette étude nous démontre notamment que l’Islam est bel et bien une religion qui incite à avoir le sens de l’honneur et pousse ses adeptes à résister à toutes les tentatives de conversion au christianisme ; par ailleurs, il faut savoir que ceux qui aujourd’hui pratiquent cette religion au Brésil sont décrits dans cette société comme étant des personnes tolérantes et ayant un grand sens de l’honneur.
(A suivre)
Source : Khâlid Rizq Taqî al-dîn, Les musulmans à travers le monde, traduction Islamweb.