Les conquêtes islamiques (1)
Par : Prof. Dr. 'Umar ibn 'Abdil-'Azîz Quraïchi
Les conquêtes islamiques et cette vaste expansion territoriale n’ont pas eu pour origine la suprématie des musulmans en effectif, en munitions ou en expérience militaire, puisque cet avantage revenait aux ennemis ! Elles ont eu pour origine la Vérité à laquelle cette communauté a cru, et l’importance de la base à partir de laquelle elle a pris son élan pour mettre fin à la transgression dans toutes ses formes. Les premiers musulmans parvinrent à éradiquer l’ignorance préislamique et à l’effacer complètement d’une grande partie du globe, en battant en brèche des États, des gouvernements et des armées, mais aussi des confessions, des systèmes et des traditions.
Ils ne se limitèrent pas à cette œuvre car cela peut être réalisé par des forces humaines ordinaires, si elles possèdent la suprématie militaire, comme s’était le cas d’Hannibal Barca, de Gengis Khan, de Napoléon et d’Hitler pendant des périodes bien définies, mais ont répandu aussi le credo de la Vérité aux quatre coins du monde sans recourir à la force, ainsi que la langue de ce crédo qui n’est autre que la langue arabe. Les musulmans anéantirent l’Empire perse en entier, en dépit de sa puissance extraordinaire, et une grande partie de l’Empire byzantin, superpuissance de l’époque, mais ils n’obligèrent personne à embrasser l’Islam, en obtempération à l’ordre d’Allah, exalté soit-Il, Qui commande l’extermination des faux dieux, mais pas de contraindre les gens à adopter le credo sain après avoir évincé les forces qui empêchaient les gens d’accéder à la Vérité : systèmes, gouvernements et armées. Allah, exalté soit-Il, dit (sens des versets) :
• Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’associatrie subsiste plus de polythéisme, et que le culte soit exclusivement voué à Allah (Coran 8/39) ;
• Nulle contrainte en religion, car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu’il croit en Allah saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah entend tout et sait tout (Coran 2/256).
Dans leurs conquêtes et leur lutte, les musulmans ne servaient pas une race particulière, ni n’étaient les envoyés d’un peuple ou d’une nation donnés, dont ils recherchaient le bien-être et la prospérité, et dont ils avaient foi en la supériorité par rapport aux autres. Ils ne croyaient pas qu’ils étaient créés pour gouverner autrui, et que les autres nations avaient été créées pour être soumises à eux. Ils n’étaient pas partis pour se rendre maîtres des empires byzantins et perses et les soumettre à la souveraineté des Arabes.
Certes non, mais leur but était de faire passer les gens de l’adoration des créatures, quelles qu’elles soient, à l’adoration d’Allah, exalté soit-Il, Seul, comme le dit Rib'i ibn 'Âmir, l’envoyé des musulmans, en présence de Yazdgard III : Allah, exalté soit-Il, nous a envoyés pour faire passer les gens de l’adoration des créatures à l’adoration du Seigneur des créatures, de la gêne de ce bas monde à son bien-être et à celui de l’au-delà, et de l’injustice des confessions à la justice de l’Islam .
Donc pour eux, toutes les nations et tous les peuples sont égaux. Pour eux, les gens sont tous les enfants d’Adam, et Adam a été créé à partir d’argile, et aucun Arabe ne se prévaut d’une supériorité par rapport à un non Arabe, et réciproquement, si ce n’est par la piété. Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) :
Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand Connaisseur (Coran 49/13).
Les musulmans dispensèrent généreusement à tous leur savoir religieux indépendamment de la lignée, de la couleur, ou de l’ethnie. Ils étaient comparables à des nuages porteurs de pluie bénéfique profitant aux contrées et aux peuples, faisant déverser leur eau sur les plaines comme sur les chemins escarpés, et dont les gens tirent profit dans la mesure de leur vertu.
Sous le règne de ces musulmans pionniers, les nations et les peuples opprimés obtinrent leur liberté, et accédèrent à la foi, au savoir, à l’éducation et au gouvernement.
En dehors des frontières de la Péninsule arabique, les musulmans ne conclurent pas de traité de paix ni avec les Sassanides, ni avec les Byzantins ; les premiers ayant lâché pied, les seconds étant des étrangers. Par ailleurs, puisque l’Islam était venu débarrasser ces territoires de leurs usurpateurs et de leurs colonisateurs, ces deux camps étaient donc disqualifiés pour conclure une paix avec eux, l’important étant les peuples autochtones. Voilà pourquoi les musulmans conclurent des traités avec les habitants des villes conquises dans la Grande Syrie, et avec les coptes – chrétiens d’Egypte – représentés par leur souverain (Muqawqis). En revanche, les musulmans ne conclurent aucun traité avec les Byzantins qui occupaient alors ces territoires. C’est une autre raison pour laquelle les peuples indigènes acceptèrent l’Islam et sa diffusion dans leurs pays.
La relation entre les musulmans, vainqueurs ou vaincus, et ceux qui les combattaient ou qui étaient restés neutres lors du combat marqua l’après-guerre. En fait, il fut interdit aux musulmans de porter le moindre préjudice à ces deux groupes. De crainte de causer du tort à des gens parmi les Dhimmis ou parmi les signataires d’un traité de paix avec les musulmans, si leurs demeures se trouvaient sur le passage de l’armée, 'Umar, qu’Allah soit satisfait de lui, ordonna aux commandants de l’armée musulmane de ne permettre l’accès de ces territoires qu’à ceux dont ils connaissaient la probité et l’attachement aux préceptes de la religion, afin de ne pas provoquer haines et rancœurs.
Par ailleurs, si les musulmans l’emportaient sur leurs ennemis, ils leur donnaient le choix entre payer la capitation ou embrasser l’Islam. Et si les musulmans subissaient une défaite, ils respectaient bon gré mal gré les clauses du traité de paix. La Trêve de Hudaïbyah en est le premier exemple : les musulmans avaient respecté ses clauses, bien qu’injustes, s’armant de patience jusqu’à son terme qui survint peu après.
Dès que l’ennemi embrassait l’Islam, il avait immédiatement les mêmes droits que tout musulman, fournissant ainsi un exemple d’égalité entre le vainqueur et le vaincu, à ceux qui connaissent parfaitement l’intransigeance de la persécution religieuse exercée en tout temps par les adeptes des autres religions. Or, dans le système islamique, si l’ennemi refuse de se convertir à l’Islam, il ne doit que payer la capitation et l’impôt foncier, à moins qu’il ne soit un apostat ou un idolâtre ; le cas échéant, il n’est ni fait prisonnier, ni enjoint à payer la capitation, car il doit embrasser l’Islam ou être exécuté.
Selon les témoignages, le bon voisinage entre les musulmans et les Dhimmis dans les pays conquis par la force ou avec lesquels un traité de paix avait été signé, l’indulgence des musulmans et le mariage que ces derniers conclurent avec des femmes Dhimmies furent des catalyseurs puissants amenant le Dhimmi à s’élever du statut du payeur de la capitation à celui de musulman. Par conséquent, ils se convertirent à l’Islam en masses. La loi de la gravitation – qui régit la matière – exerça le même effet sur l’âme et l’attitude, si bien que le comportement de certains Dhimmis fut influencé par celui des musulmans et qu’ils apprirent d’eux le bien. Et ils gardèrent ce noble comportement voire le partagèrent avec d’autres lors de voyages d’études ou de commerce. Ils ressentirent la tolérance islamique ; Ernest Renan confirma qu’aucun conquérant ne fut jamais aussi tolérant et indulgent envers les vaincus que les Arabes.
Cette réalité ne peut pas être mise en cause par l’ordre coranique commandant aux musulmans d’enchaîner solidement les mécréants après les avoir dominés, car il ne s’agit pas de les maltraiter, mais de consolider les clauses du traité de paix et il ne faut pas imposer à un ennemi vaincu une charge supérieure à sa capacité.
Cela peut paraître inadmissible de prime abord, mais rappelons que l’Islam donne la priorité à l’appel à se convertir ou à payer la capitation par rapport au combat, incite à calmer les troubles et à ne porter aucune atteinte à ceux qui restent neutres, prescrit à maintes reprises dans le Coran la fidélité aux engagements, ordonne de choisir la paix si l’ennemi y est lui-même enclin, recommande fréquemment la modération et l’atténuation des conditions du traité de paix. Quiconque se rend compte de tout cela se convaincra qu’il n’y a pas plus soucieux de la paix que l’Islam. Le Prophète (Salla Allahu Alaihi wa Sallam) a rendu sacrée et sûre Médine comme l’a fait Ibrâhîm (Abraham, ) avec la Mecque : ainsi, il est interdit d’y couper l’herbe et les arbres, et il est interdit d’y porter les armes pour faire la guerre. La conquête de Médine fut la meilleure conquête, car elle fut conquise par la prédication, sans l’effusion d’une seule goutte de sang.