Les rangs des amis

1694 244

 

Les rangs des amis

Prenez un stylo et un papier et essayez d'écrire les noms de tous vos amis. Puis, classez-les en catégories. Vous découvrirez que certains d'entre eux ne sont pas vraiment des amis, mais plutôt des compagnons occasionnels.

L'un d'eux est peut-être le compagnon de trajet que vous rencontrez tous les jours dans le bus ou le tramway. Il vous salue et vous le saluez en retour. Il vous pose une question et vous lui répondez. Il vous demande de fermer la fenêtre et si vous le faites, il vous remercie. Ou bien s’il réalise qu’il vient de marcher sur votre pied, il s'excuse. Un mot provoque un sourire et un sourire conduit à une conversation. Au fil des jours, vous vous retrouvez à échanger des salutations et à vous parler, comme si vous étiez des amis proches, même si vous ne connaissez peut-être même pas son nom ni n'avez la moindre idée de qui il est vraiment !

Un autre, sur votre liste, est un collègue de travail. Vous pouvez être un employé et son bureau étant en face du vôtre fait que vous le voyez toute la journée. Vous êtes peut-être un ouvrier et sa machine est juste à côté de la vôtre. Peut-être aussi qu’il travaille avec vous dans le même magasin, ou bien son magasin est à côté du vôtre dans le marché. Vous passez plus de temps avec lui qu'avec votre propre famille et vous le rencontrez plus souvent que vous ne rencontrez vos amis et vos proches ! Vous pouvez partager des moments de sérieux, d'humour, de contentement et de colère avec lui, alors que vous avez tous les deux des apparences, des esprits et des antécédents totalement différents.

Sur votre liste, vous pouvez également trouver un compagnon de voyage que vous avez rencontré dans un train et avec qui vous conversez pour conjurer votre ennui mutuel. Vous échangez des salutations et de petites conversations ou faites quelques observations sur ce que vous voyez et entendez pendant le voyage. En quelques heures, vous partagez de la nourriture et vous vous endormez dans le même espace. Les barrières entre vous commencent à tomber. Vous vous côtoyez et vous vous informez  les uns sur les autres et apprenez ce que seuls la famille ou les proches verraient ou sauraient, bien que vous n'ayez aucun lien de parenté et que vous n'ayez aucune affection fraternelle l'un pour l'autre.

Il y a aussi le compagnon au café, le compagnon de sports et de nombreuses autres catégories de compagnons. Votre relation avec certains d'entre eux peut durer longtemps jusqu'à ce que vous commenciez à les appeler  amis  sans qu’ils le soient vraiment. Vous ne les avez ni choisis volontairement pour être vos amis, ni n'avez choisi leur compagnie, mais la vie les a mis sur votre chemin et vous en a chargé. Si vous n'en faites pas l'inventaire, comme un marchand fait l'inventaire de ses marchandises, (c’est-à-dire que vous en faites le tri), ne gardant que les bonnes relations et rejetant les mauvaises, vous ne sauriez pas dans quel abime de telles amitiés vous mènent. Un compagnon entraine ses compagnons sur le chemin qu'il suit et ils ont tendance à suivre son exemple.

Vous pouvez accompagner une personne sur un trajet ou un voyage ou la connaitre au travail et interagir avec elle amicalement aussi courtoisement qu'une personne bien élevée devrait interagir avec les autres, tout en ignorant sa vie. Il deviendra alors associé à vous et il sera connu comme étant votre  ami  et ses maux vous affecteront en conséquence. Vous pouvez subir un tort, en raison d’une telle association et il peut devenir une source de disgrâce pour vous. Il peut également vous influencer d'une manière dont vous n'êtes pas conscient. Chaque mot que vous entendez peut être comparé à une graine, jetée dans une terre fertile. Il peut s'agir d'une bonne graine qui génère du bien en vous ou d'une mauvaise graine qui engendre le mal en vous. De nombreuses personnes pieuses ont été corrompues, parce qu'elles ont gardé la compagnie d'une mauvaise personne qui a radicalement changé leur état et leur a rendu la vie misérable. Inversement, de nombreuses personnes ont été rectifiées et sont devenues pieuses parce qu'elles ont gardé la compagnie des pieux. Une personne peut être à l'abri de ses pulsions pécheresses par elle-même et s'en distraire par la connaissance ou l'art, ou en pratiquant des exercices spirituels ou physiques, mais un mauvais compagnon peut arriver à l'improviste et déclencher de telles pulsions pécheresses en lui et lui faire goûter leur amertume.

Un autre, à l’inverse, peut vivre une vie de péché qui le mène ultimement à l’Enfer, mais il sera béni avec un ami pieux qui l'éloignera de ceux-ci et le conduirait plutôt vers le Paradis. Un ami qui vous rappelle Allah n'est pas comme celui qui vous fait oublier Son évocation. Un ami qui vous conduit à la mosquée pour le culte n'est pas comme celui qui vous conduit au bordel pour commettre le péché. Un ami qui vous parle d'un livre (islamique) qu'il a lu et vous encourage à le lire également n'est pas comme celui qui décrit la beauté d'une danseuse qu'il a regardée pour vous inciter à la regarder aussi.

Si vous recherchez une amitié qui favorise votre droiture et une action qui rectifie tous les actes, écrivez alors les noms de vos amis, compagnons et connaissances avec lesquels vous êtes en bons termes et enquêtez sur l'état de chacun d'entre eux : est-il bon ou mauvais ? Est-il fidèle à ses amis, ou se soucie-t-il seulement de ce qui lui procure un bénéfice et lui plait ? Est-il une source de compagnie réconfortante, ou est-il brutal et ennuyeux ? Si vous le faites, vous constaterez que vos compagnons sont en effet différents. Vous trouverez, parmi eux, celui qui se consacre au jeûne et à la prière et qui a l’apparence d'un pieux, mais qui utilise en réalité cette  piété extérieure  comme un moyen de s'élever socialement et comme un piège pour obtenir de l'argent. Vous découvrirez que son vrai caractère dément son faux semblant de piété. Si vous faites alliance avec lui, il vous trahira et si vous faites affaire avec lui, il vous trompera.

Vous trouverez également celui qui est honnête et digne de confiance, mais qui n'observe ni le jeûne ni la prière et n'est musulman que de nom. Un tel compagnon ruinera votre religiosité.

Vous trouverez parmi eux celui qui est un adorateur pieux et dévot, qui est digne de confiance et honnête, mais qui possède un désir insatiable et des pulsions débridées et ne parle de rien d'autre. Il s'abstient de commettre des péchés, mais il ne cesse d'en parler ! Une telle personne vous fait du mal en réveillant vos désirs dormants et en réveillant les pulsions latentes en vous.

Il y a aussi celui qui est pieux et digne de confiance et garde sa langue, mais il n’est le véritable ami de personne et n’est pas un compagnon agréable. S'il était au bord de l'Euphrate pendant que vous mourez de soif, il ne vous tendrait même pas un verre d'eau !

Un autre est celui qui est prêt à aider et à plaire à ses amis, mais qui ne verrait pas d'inconvénient à compromettre sa propre religion dans le processus. Il peut trahir ses engagements et saper son honneur pour le bien de ses amis, les aidant à commettre des péchés, à usurper les droits des gens et à voler leurs richesses. Il perçoit un tel compromis (avec la religion) comme acceptable et permis au nom de l'amitié ! Un tel compagnon vous prend par la main jusqu'à ce qu'il vous mène en Enfer avec lui !

Un autre compagnon peut être pieux, utile à ses amis et se conformer aux limites d'Allah. Il ne commet pas de péchés ni ne s'engage dans des actes interdits, mais il ignore les bonnes étiquettes des interactions sociales, les manières de table et toutes les normes communes du décorum. Une telle personne vous dégoûterait et vous énerverait.

Il y a aussi l'insensé et le vulgaire, l'insouciant et le grossier, ou celui qui se lie d'amitié avec vous pour votre prestige ou votre position sociale élevée. Il vous utilise comme une parure pour aujourd'hui et un atout pour demain. Pour lui, vous êtes un trophée accroché au mur !

En bref, on peut dire qu'il existe cinq catégories différentes de compagnons :

1) Un compagnon qui est comme l'air. Vous ne pouvez pas vous passer de lui.

2) Un compagnon qui est comme la nourriture. Vous ne pouvez pas vivre sans lui, mais il peut avoir mauvais goût ou être difficile à digérer.

3) Un compagnon qui ressemble à un médicament au goût amer, mais parfois nécessaire.

4) Un compagnon qui ressemble au vin. Il ravit celui qui le boit, mais ruine sa santé et son honneur.

5) Enfin, un compagnon qui est comme une calamité qui s'abat sur vous.

Quant au compagnon qui est comme l'air, c'est celui qui vous profite en ce qui concerne votre religion et votre vie de ce monde. Vous appréciez son amitié et vous vous délectez de sa compagnie.

Le compagnon qui est comme la nourriture est celui qui vous profite en ce qui concerne votre vie de ce monde et votre religion, mais qui vous agace parfois, en raison de sa rudesse, de son manque d'humour et de sa nature dure.

Quant au compagnon qui est comme un médicament au goût amer, c'est celui dont vous pouvez avoir besoin et dont vous pouvez bénéficier, mais vous n'approuvez pas sa religiosité et n'appréciez pas sa compagnie.

Celui qui est comme le vin est celui qui vous aide à satisfaire vos plaisirs et à satisfaire vos désirs, mais il corrompt votre caractère moral et vous fait subir une perte dans l'au-delà.

Enfin, le compagnon qui ressemble à une calamité est celui qui ne vous profite pas en ce qui concerne votre vie de ce monde ou votre religion. Vous n'appréciez pas non plus sa compagnie ou sa conversation, mais vous devez inévitablement lui tenir compagnie.

Vous devriez prendre la religion comme critère et l'agrément d'Allah comme barème. Celui qui vous profite en ce qui concerne votre religion, accrochez-vous à lui, à moins que vous ne puissiez supporter sa compagnie. Celui qui vous fait du mal à cet égard, coupez les relations avec lui et quittez-le, à moins que vous ne soyez obligé de lui tenir compagnie. Dans ce cas, une telle compagnie est considérée comme une nécessité et les nécessités l'emportent sur les interdictions (c'est-à-dire qu'elles permettent ce qui est normalement interdit), à condition qu'on ne lui tienne pas compagnie plus que nécessaire.

Quant à celui qui ne vous fait pas de mal en ce qui concerne votre religion ni ne vous profite en ce qui concerne votre vie de ce monde, tout en étant une personne agréable et plaisante à côtoyer, vous devriez vous contenter de profiter de sa personnalité agréable, à condition qu'une telle compagnie ne vous empêche pas d'accomplir vos devoirs ou qu’elle ne conduise pas à la futilité ou au péché.

Quant aux compagnons qui ne peuvent être classés dans aucune de ces catégories, ce sont ceux dont un poète arabe a dit (selon la traduction du sens) :

 Si vous n'avez pas de connaissances pour nous être utiles ni n’êtes religieux pour que nous puissions vous tenir compagnie en raison de cela, et que l’on ne compte pas sur vous pour nous aider en cas de catastrophe, il serait préférable que nous façonnions une figure d'argile pour vous remplacer ! 

Articles en relation