Apaiser les cœurs dans la sunna prophétique

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Apaiser les cœurs dans la sunna prophétique

 

 

Allah a créé l’homme d’un corps et d’une âme. Il l’a honoré par toutes ses composantes. Et tout comme Allah a honoré le corps de l’homme, Il a également enjoint à respecter ses sentiments et son émotivité. Et tout comme il est interdit de porter physiquement atteinte à un homme, il est également interdit de porter atteinte à sa partie intangible représentée par son âme et ses émotions. C’est pourquoi la Sunna prophétique nous permet de nous pencher sur un certain nombre d’épisodes au cours desquels les sentiments et les émotions des hommes sont hautement considérés. En effet, le Prophète () s’efforçait de restituer à chacun son droit pour ce qui est de ménager les sentiments des gens et les consoler au besoin.

Le premier épisode :

Dans le recueil de Boukhari, selon Al-Barâ ibn 'Âzib, qu'Allah l'agrée : Alors que le Messager d'Allah () quittait la Mecque, la fille de Hamza sortit et le suivit en l'appelant : Ô mon oncle ! Ô mon oncle ! Ali la prit par la main et dit à Fâtima: Prends-la, c'est la fille de ton oncle paternel! Ce qu'elle fit. Plus tard, 'Ali, Zayd et Ja'far se disputèrent à son sujet. 'Ali dit : C'est moi qui ai le plus de droits sur elle, c'est la fille de mon oncle paternel. Ja'far répliqua : C'est la fille de mon oncle paternel et je suis marié avec sa tante maternelle. Quant à Zayd, il dit : C'est la fille de mon frère. Le Messager d'Allah rendit le jugement en faveur de sa tante maternelle et dit : La tante maternelle est comme la mère de par sa tendresse. Puis il dit à 'Ali : Tu es de moi et je suis de toi. Il dit à Ja'far: Tu es celui qui me ressemble le plus physiquement et moralement. Et il dit à Zayd : Tu es notre frère et notre allié . Ali lui dit alors : ‘’Pourquoi tu ne prends pas la fille de Hamza pour épouse ?’’ Il lui dit :  C’est ma nièce de lait. 

Dans son ouvrage Ihkâm Al-Ahkâm, Ibn Daqîq Al-‘Îd a dit : Les propos que le Prophète () a adressés à ces trois hommes ont attendri leurs cœurs, et cela fait partie de son noble comportement.

Observe cette attitude éminente qui, en confiant la garde de cette fille à sa tante maternelle, n’en a pas moins ménagé les cœurs de ces hommes en quelques mots qui leur furent plus chers que s’il leur avait donné ce qu’ils réclamaient initialement. Quel bonheur ces mots ont-ils pu leur procurer en les consolant. Des paroles agréables sont parfois plus chères que d’obtenir gain de cause ou prendre possession d’un élément matériel, quel qu’en soit le prix. Ces médailles qu’il a accrochées à leurs cous sont inestimables.

Le deuxième épisode :

Dans le recueil de Boukhari, selon Abou Horayra, le Prophète () a dit :  Les biens que je décide de vous donner ou de vous priver ne sont pas de ma décision, mais celle d’Allah. Je ne fais que les distribuer comme Il me l’a ordonné. 

Dans son Sharh Mouslim, Al-Nawawi reproduit les propos du cadi ‘Iyâd :  Le sens de son propos est qu’il n’accapare pas les biens du butin sans leur en donner. Il a dit cela pour apaiser leurs cœurs après avoir donné plus de butin à certains qu’à d’autres. Ceci en expliquant que c’est Allah qui le leur donne et que lui ne fait que les distribuer. Ainsi, celui qui en reçoit une part n’a fait que recevoir celle qui lui a été attribuée, qu’elle soit grande ou petite.

Le troisième épisode :

Dans le recueil de Mouslim, Aisha rapporte :  Une nuit, le Prophète () a prié dans la mosquée. Les gens se sont mis derrière lui pour prier. Le lendemain, il se présenta également à la mosquée pour prier et les gens, plus nombreux cette fois-ci, se mirent derrière lui pour prier. Puis, la troisième ou la quatrième nuit, les gens s’étaient regroupés à la mosquée, mais le Prophète () ne se présenta pas pour y prier. Au matin, il dit :  J’ai bien vu ce que vous avez fait hier. La seule raison qui m’a empêché de venir prier est que j’ai craint que cette prière vous soit imposée.  Cela eut lieu durant le Ramadan.

 Dans son Sharh Mouslim, Al-Nawawi a dit : Ce hadith nous apprend que l’imam ou le chef d’un groupe, s’il lui arrive de faire ce à quoi ses adeptes ne s’attendaient pas, et qu’il a une excuse pour avoir agi ainsi, alors il doit la leur dire pour ménager leurs sentiments et les concilier de façon à ce qu’ils n’aient pas une mauvaise opinion à son sujet. Et Allah sait mieux.

Le quatrième épisode :

Dans le recueil de Mouslim, selon Qatâda : Nous sommes sortis avec le Prophète () jusqu’à arriver à Al-Qâha. Certains d’entre nous étaient en état de sacralisation et d’autres non. Je constatais que certains de mes compagnons étaient en train d’observer au loin. En regardant, je constatais qu’il s’agissait d’un onagre (âne sauvage vivant en Arabie). Je saisis ma monture et mon arc, me mis en selle, et mon bâton tomba par terre. Je demandais à mes amis de me le remettre, mais eux, alors en état de sacralisation, refusèrent en disant : ‘’’Nous ne t’aiderons même pas à le ramasser.’’ Je suis donc descendu de selle pour le ramasser avant de remonter sur ma monture. J’ai pu arriver à hauteur de la bête, de derrière, alors qu’elle se trouvait derrière une colline. J’ai pu la tuer d’un coup de lance. Je revenais avec la bête auprès de mes compagnons. Certains dirent aux autres d’en manger alors que d’autres l’interdisaient. Le Prophète () se trouvait devant nous, je lançais ma monture et le rejoignais. Il dit alors :  Cette bête est licite, mangez-en. 

Et dans la version de Ibn Abbâs, As-Sa'b ibn Jouthâma al-Laythy, qu'Allah l'agrée, rapporte avoir offert un onagre au Messager d'Allah alors qu'il se trouvait à al Abwâ ou à Waddân (deux endroits entre la Mecque et Médine), mais il le refusa. Lorsque le Prophète vit la tristesse sur son visage, il dit : Nous ne l'acceptons pas de toi uniquement parce que nous sommes en état de sacralisation.

Dans son Sharh Mouslim, Al-Nawawi a dit : ce hadith nous apprend qu’il est recommandé à toute personne qui refuse un cadeau de lui expliquer la raison de son refus et de s’en excuser pour apaiser son cœur.

Dans son Sharh Al-Boukhari, Ibn Battâl a dit : ce hadith nous apprend qu’il convient de s’excuser auprès d’un ami et d’éradiquer tout ce qu’on peut craindre comme ressentiment ou animosité ou autre mauvaise opinion.

Le cinquième épisode :

Dans le recueil de Mouslim, selon Jâbir : Aisha entama une Omra jusqu’à être à Sarf où elle eut ses règles. Le Prophète () lui indiqua alors de se préparer plutôt pour les rites du Hajj et qu’une fois son état de pureté rituelle retrouvé, elle pourrait tourner autour de la Ka’ba et faire les allers-retours entre les monts Safa et Marwa. Une fois cela fait, il lui demanda si elle avait bien achevé ses rites en disant : Tu as fini les rites du Hajj et de la Omra.  Mais elle de répondre :  Messager d’Allah, j’ai l’impression de ne pas avoir tourné autour de la Ka’ba avant les rites du Hajj.  Il lui fit refaire une Omra à partir du lieudit Al-Tan’îm.

Dans son ouvrage Fath Al-Bârî, Ibn Hajar a dit : Il lui a fait faire une Omra à partir du Tan’îm pour lui donner du baume au cœur parce qu’elle n’avait pas tourné autour de la Ka’ba en arrivant pour une Omra.

Le sixième épisode :

Dans le recueil de Boukhari, selon Aisha : nous sommes partis en ayant l’objectif d’accomplir le Hajj. Le Prophète () dit alors :  Que celui qui veut annoncer à voix haute son entrée en Omra qu’il le fasse. Je l’aurais fait si je n’avais pas avec moi des offrandes. 

Dans certaines versions de ce hadith, il est explicitement énoncé que cela a pesé pour des compagnons. Dans le Musnad de Shâfi’i, selon Jâbir : Nous avons prononcé à voix haute notre entrée en pèlerinage et une fois arrivés à la Mecque, il nous a ordonné de sortir de notre état de sacralisation et d’annoncer que nous entrions en Omra. Cela nous a pesé énormément et nous en ressentions de la gêne. Le Prophète () fut mis au courant de nos sentiments, je ne sais s’il l’a su par le biais de la révélation ou par les gens. Il dit :  Les gens, mettez fin à votre état de sacralisation. Si je n’avais pas d’offrandes avec moi, je l’aurais fait.  Nous nous sommes donc exécutés.

Dans une autre version, dans le Musnad :  Faites ce que je vous ordonne. Si je n’avais pas amené avec moi des offrandes, j’aurais fait ce que je viens de vous ordonner. 

Dans son livre Omdat Al-Qârî, Al-‘Aynî a dit : il a dit cela pour apaiser les cœurs de ses compagnons parce qu’ils n’aspiraient pas à interrompre leur Hajj.

Dans son Sharh Mouslim, Al-Nawawi a dit : c’est un des hadiths sur lequel s’appuient ceux qui soutiennent que le Hajj selon le rite nommé Tamattu’ a plus de mérite que les autres.

Les compagnons ne pouvaient que s’exécuter, mais le Prophète () a tout de même apaisé leurs cœurs avec ces mots. Il a même souhaité agir comme il le leur a demandé s’il n’avait pas amené des offrandes avec lui. Son attitude les a aidés à se conformer sur le champ. Ils ont tous mis fin à leur état de sacralisation après avoir entendu ces mots qui ont trouvé leur place dans leurs cœurs et ils les ont acceptés avec sérénité et soumission.

Le septième épisode :

Dans le recueil de Mouslim, Aisha rapporte :  Le Prophète () a fait la prière dans un épais vêtement de laine décoré d’insignes [khamîsa]. Celle-ci l’ayant distrait durant sa prière, Il la donna à Abu Jahm et prit une [inbijânia] (ou épais vêtement de laine).

Dans son ouvrage Fath Al-Bârî, Ibn Rajab a dit : Il l’a rendu à Abu Jahm parce que c’est lui qui lui avait offerte. Il lui a donc rendu et lui a demandé en échange un autre de ses vêtements qui était plus épais pour le ménager et apaiser son cœur de façon à ce qu’il ne soit pas blessé en constatant qu’il lui rendait son cadeau. C’est aussi pour cela qu’il lui expliqua la raison pour laquelle il le lui rendait.

Le huitième épisode :

Dans les recueils de Boukhari et Mouslim, selon Abd Al-Rahmân ibn ‘Awf : Alors que je me tenais debout, dans les rangs, le jour de la bataille de Badr, je regardais à droite et à gauche. Je me trouvais entre deux garçons des Ansars encore bien jeunes. J’avais espéré me retrouver entre deux hommes plus costauds qu’eux. L’un d’eux me fit un signe et me dit : ‘’ ô mon oncle, tu connais Abu Jahl ?’’ Je lui dis : ‘’Oui, et pourquoi tu veux le savoir mon neveu ?’’ Il s’expliqua : ‘’ J’ai entendu qu’il a insulté le Messager d’Allah (). Par Celui qui tient mon âme dans Sa main, si je l’aperçois, je ne le lâcherais pas jusqu’à ce que l'un d’entre nous ne meurt.’’ J’étais bien étonné de sa réponse. Et le deuxième me fit un signe à son tour et me dit la même chose que son voisin. Je ne tardai pas à apercevoir Abu Jahl en train de circuler au sein de ses troupes. J’interpelais les deux jeunes hommes : ‘’Vous ne voyez cet homme ! C’est l'homme que vous venez de me demander de vous montrer.’’ Ils se précipitèrent dans sa direction et lui assénèrent tous les deux un coup d’épée et le tuèrent. Tous les deux allaient trouver le Prophète () et l’informèrent de leur haut fait. Il demanda :  Lequel d’entre vous deux l’a tué ?  Chacun des deux dit :  C’est moi qui l’ai tué.  Il demanda :  Avez-vous essuyé vos épées ?  ‘’Non’’ dirent-ils. Il les scruta et dit :  Vous l’avez tué tous les deux.  Mais il jugea que c’était à Mu’âdh ibn ’Amr ibn Al-Jamûh que devait revenir les effets du défunt. Les deux jeunes hommes se nommaient Mu’âdh ibn ’Amr ibn Al-Jamûh et Mu’âdh ibn ‘Afrâ.

Dans son Sharh Mouslim, Al-Nawawi a dit : Les savants ont divergé au sujet du sens de ce hadith. Les tenants de notre école ont dit : Les deux compagnons l’ont blessé, mais c’est Mu’âdh ibn ’Amr ibn Al-Jamûh qui l’a effectivement tué en premier, raison pour laquelle c’est lui qui méritait de prendre les effets du défunt. Aussi, en affirmant que tous les deux l’avaient tué, le Prophète () voulait réconforter le cœur de l’autre compagnon puisqu’il avait aussi participé à le tuer. Il n’en reste pas moins que le meurtre tel qu’il est considéré sur le plan religieux impliquant de posséder les biens de la victime est attribué à celui qui a mis l’ennemi hors d’état de nuire et c’est Mu’âdh ibn ’Amr ibn Al-Jamûh qui l’a fait. C’est pourquoi il a jugé que les biens du défunt lui revenaient.

Celui qui lit minutieusement la sunna prophétique pourra collecter des épisodes bien plus nombreux que ceux qui viennent d’être cités. Et ceci atteste que le Prophète () accordait une attention toute particulière aux émotions de ses compagnons. Il se souciait des sentiments de dépit et de faiblesse qu’ils pouvaient ressentir. Et il choisissait avec soin les mots à même de les réconforter et de susciter de l’espoir. Des mots qui répandent l’amour et la paix, compensent les manquements, apaisent les âmes et engendrent de la motivation

 

 

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