Le critère qui distingue ce qui est blâmable de ce qui ne l’est pas concernant la modification apportée au corps humain Fatwa No: 117820
- Fatwa Date:2-9-2024
Ma question est : comment savoir si les retouches esthétiques que nous faisons sont considérées comme des modifications de la création d’Allah. Par exemple, Allah a interdit le tatouage, mais pas les motifs avec le henné sur les paumes. Il a interdit de se poser des faux cheveux, mais pas de se les teindre. Ceci alors que tout ce qui vient d’être évoqué correspond à un changement de la création. D’ailleurs, le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) a autorisé à un homme dont le nez avait été coupé de se faire poser un nez en or alors qu’il n’a pas autorisé à la femme qui avait perdu ses cheveux de s’en faire poser de faux. Je demande donc ce qu'on entend par l’expression modifier la création d’Allah, qui est interdite ?
Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :
La problématique de l’auteur de la question est effectivement une des questions qui nécessitent de définir des critères bien précis. Et ce, au point où le grand savant Al-Qurrâfî a dit : Je n’ai pas compris ce qu’on a voulu signifier dans le hadith par l’expression modifier la création d’Allah. Modifier pour s’embellir n’est pas blâmable dans la religion comme le fait de se circoncire, de se couper les ongles, les cheveux, de se teindre avec du henné, se teindre les cheveux et autre. Al-‘Adawî a reproduit ces propos sans les commenter.
Les savants se sont efforcés de définir des critères pour déterminer ce qui était blâmable et non blâmable concernant la modification physique. Nous avons déjà expliqué que pour les opérations de chirurgie esthétique, certaines ne sont pas permises, ce sont celles qui visent à obtenir davantage de beauté. Cela fait partie de la modification de la création d’Allah.
Certaines sont permises, il s’agit des cas où un homme a besoin d’éradiquer un mal, une douleur ou un aspect disgracieux, que l’homme soit né avec ou que cela résulte d’un accident ou d’une maladie, comme il est dit dans le hadith suivant :
Selon ‘Arfaja ibn As’ad : Son nez fut coupé le jour de Al-Kulâb. Il se fit donc poser un nez en argent, mais celui-ci dégageait une mauvaise odeur. Le Prophète () lui ordonna d’y remédier et il se fit poser un nez en or. Rapporté par Abou Daoud Tirmidhi Ahmad. Jugé bon par Al-Albânî.
Parmi les savants qui se sont efforcés de définir un critère à ce sujet, Al-Tha’alâbî. Il a dit : Les savants ont interprété ce verset relatif à la modification de la création d’Allah de différentes façons. En somme, l’exégèse de ce verset est que toute modification néfaste est interdite et entre donc dans le cadre de ce verset et toute modification utile est permise.
Al-Qortobî s’est également exprimé à ce sujet. Il a dit : Certains ont avancé que ce qui est interdit est toute modification qui subsiste puisque c’est effectivement une modification. Mais ce qui ne subsiste pas comme le Khôl utilisé par les femmes pour s’embellir, les savants, comme Malik et d’autres, l’ont autorisé.
Ibn ‘Ashûr a dit : Faire ce qui a été autorisé par Allah ne peut pas faire partie de la modification de la création d’Allah. Tout comme ce qui contribue à la beauté. La circoncision est en soi une modification de la création d’Allah, mais cela est requis pour des intérêts sanitaires. De même que se couper les cheveux, on le fait pour se prémunir de certains méfaits. Se couper les ongles pour mieux user de nos mains. Quand les femmes se percent les oreilles, c’est pour porter leurs boucles d’oreilles et donc s’embellir. Quant à ce qui a été rapporté dans la sunna concernant la malédiction des femmes qui se font poser de faux cheveux, celles qui se font épiler les sourcils et les poils du visage, celles qui espacent leurs dents pour s’embellir, ces points sont problématiques. Selon moi, cette interdiction a pour but d’interdire toute caractéristique qui était considérée à l’époque comme celle des femmes dévergondées ou celles des femmes polythéistes. Sinon, en supposant que cela est interdit, ça n’aurait pas atteint le degré de maudire celles qui le font. En somme, on peut parler de modification de la création d’Allah quand l’acte en question comprend en soi une obéissance au diable, quand cette modification est un signe d’appartenance à un groupe satanique, comme c’est le contexte du verset et en lien avec le hadith. Nous avons déjà expliqué cela dans notre livre Al-Nadfhar Al-Fasîh Fî Mushkil Al-Jâmi’ Al-Sahîh.
D’après les exemples donnés dans les textes de la sunna, il nous est possible d’affirmer que le critère relatif à la modification de la création d’Allah qui rend l’acte interdit se caractérise dans les points suivants :
1 – Tous les textes scripturaires qui indiquent que l’acte est interdit alors cela est effectivement interdit et on ne doit pas chercher de justificatif de l’interdiction ou de cause au-delà du texte en question. C’est le cas de l’épilation des sourcils, du tatouage et autres. Tout ce qui est autorisé dans les textes scripturaires, même s’il s’agit d’une modification physique alors cela est autorisé en fonction de ce qui est dit dans le texte en question. C’est le cas de la circoncision, se couper les cheveux, se raser les parties intimes ou autre.
2 – Toute modification physique qui n’est pas mentionnée spécifiquement dans les textes scripturaires ne sort pas de ces deux cas : soit cette modification est réelle ou alors elle est apparente seulement. Si la modification est réelle alors elle est interdite en raison de la portée générale des textes qui jugent clairement de l’interdiction de la modification de la création d’Allah, comme se raser la barbe. Si la modification n’est qu’apparente et que le cas est ambigu au point où on pourrait penser que c’est une modification réelle alors elle prend le même statut qu’une modification réelle, comme celui qui se teint les cheveux en noir…
3 – La modification résulte d’une intervention extérieure au corps de l’homme. Si on souhaite donner plus de dynamisme à certaines glandes du corps humain en recourant à des médicaments qui vont aider certaines cellules à jouer leur rôle habituel, alors cela n’est pas considéré comme une modification de la création d’Allah interdite par la religion.
Enfin, en appliquant ces règles religieuses sur les cas d’espèce mentionnés dans la question, la problématique est résolue. Allah soit loué.
Nous avons déjà expliqué les caractéristiques du tatouage qui est interdit, le statut de la femme qui se fait poser de faux cheveux, et que se teindre les cheveux n’entre pas dans le cadre de la modification de la création d’Allah qui est blâmable.
Pour ce qui est du hadith mentionné de celle qui perd ses cheveux, le voici :
D’après Asmâ’, qu’Allah l’agrée, une femme interrogea le Prophète () en ces termes : Messager d’Allah ! Ma fille a eu la rougeole ce qui lui a fait perdre ses cheveux. Or, je l’ai donnée en mariage, est-ce que je peux lui appliquer de faux cheveux ? Le Messager d’Allah () blâma la femme qui applique de faux cheveux et celle à qui on les applique. Rapporté par Boukhari et Mouslim.
Et Allah sait mieux.