Faire un testament en faveur d’un héritier en déshéritant d'autres
Fatwa No: 285766

Question

Assalam alaykum, Question : quelle est la situation juridique d'un homme musulman qui a eu 9 enfants, machaAllah, avec sa femme musulmane, mariée selon les règles de l'art, puis ayant divorcé...puis étant remarié avec une nouvelle femme musulmane, de cette union est né un enfant, Allah Taala, lui donne-t-il le droit de déshériter ses 9 enfants eus avec la 1ère femme (8 enfants exactement car l'un est mort) en s'étant opposé à toute demande de partage des biens immenses en Tunisie pour ne pas la citer, et ayant publiquement mis l'héritage au nom de sa nouvelle femme et son nouvel enfant de son vivant en ne laissant ABSOLUMENT RIEN à ces derniers. Quelle est la législation musulmane sur l'héritage et le partage entre les enfants d'une 1ère et ceux de la 2ème femme et quel est le qualificatif juridique d'une telle action et que réserve Allah Taala à celui qui se comporte comme ainsi ?

Réponse

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :

Concernant le qualificatif juridique d’une telle action, il faut pour cela demander aux juristes. Quant à nous, notre mission est d’expliquer le verdict de la Charia et d’après nous, ce qu’a fait cet homme en mettant tous ses biens au nom de l’un de ses enfants, qu’il a eu avec l’une de ses femmes, est considéré comme contraire à la Charia, car si en faisant cela, il a en fait voulu rédiger son testament – comme cela semble être le cas – c’est-à-dire qu’il a voulu que ses biens soient à lui après sa mort et n’avait pas l’intention de faire un don de son vivant, alors cela est considéré comme un testament en faveur d’un héritier. Or, cela est interdit en vertu de la parole du Prophète () : Allah a donné à tout ayant droit ce qui lui est dû, un testament en faveur d'un héritier ne peut donc avoir lieu. (Abû Dâwûd, al-Tirmidhî)

Par ailleurs, si la personne vient à décéder, celui au nom duquel les biens du défunt ont été mis n’a pas le droit de jouir de ces biens sans l’accord des autres héritiers. Au contraire, il est obligatoire de partager l’héritage entre tous les héritiers selon les règles de la Charia dans ce domaine. En effet, l’héritage est un ordre qu’Allah nous a enjoints avec équité. Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) : Voici ce qu'Allah vous enjoint au sujet de vos enfants : au fils, une part équivalente à celle de deux filles. […] (Coran 4/11) Or, ce qu’Allah nous a enjoint mérite plus d’être suivi que le testament injuste d’un homme. Les oulémas ont déclaré l’interdiction de rédiger un testament en faveur d’un héritier s’il existe d’autres héritiers. Le livre intitulé Charh Muntahâ al-Irâdât mentionne : Pour celui qui a un héritier en dehors d’un des deux époux, il est interdit de faire un testament :

1. pour une valeur de plus d’un tiers des biens en faveur d’une personne non héritière.

2. d’un bien quelconque en faveur d’un héritier, comme l’a affirmé l’imam Ahmad, que ce soit en état de bonne santé ou de maladie.

Concernant l’interdiction de faire un testament en faveur d’un héritier, nous pouvons citer le hadith dans lequel ‘Amr ibn Khâridja et Abû Umâma al-Bâhilî ont rapporté que le Prophète () a dit : "Allah a donné à tout ayant droit ce qui lui est dû. On ne peut donc pas faire un testament en faveur d'un héritier." (Abû Dâwûd, al-Tirmidhî, Ibn Mâdja). Toutefois, ce type de testament interdit est valide, à condition que les autres héritiers l’acceptent, car Ibn ‘Abbâs, qu'Allah soit satisfait de lui, a rapporté que le Prophète () a dit : "Il n’est pas permis d’exécuter un testament en faveur d'un héritier sauf avec l'accord des (autres) héritiers." ‘Amr ibn Chu’ayb a rapporté d’après son père d’après son grand-père que le Prophète () a dit : "Pas de testament en faveur d’un héritier sans l’accord des autres héritiers." (al-Dâraqutnî)

Les oulémas ont également mentionné que faire preuve d’injustice dans un testament ainsi que le fait de déshériter un héritier sont deux choses considérées comme des grands péchés. Cheikh al-Islâm ibn Taymiyya a dit : Faire preuve d’injustice dans un testament fait partie des grands péchés. Le Prophète () a dit : "Celui qui déshérite un héritier verra Allah le priver de sa part du Paradis." Allah, exalté soit-Il, dit (sens des versets) :

• "Tels sont les ordres d'Allah. Et quiconque obéit à Allah et à Son messager, Il le fera entrer dans les Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, pour y demeurer éternellement. Et voilà la grande réussite." (Coran 4/13)

• "Et quiconque désobéit à Allah et à Son messager, et transgresse Ses ordres, Il le fera entrer au Feu pour y demeurer éternellement. Et celui-là aura un châtiment avilissant." (Coran 4/14)

Le Prophète () a dit :

"Un homme peut accomplir des œuvres d’obéissance à Allah pendant soixante ans puis faire un testament injuste, mourir en clôturant ses œuvres par une mauvaise action et entrer en Enfer. Un homme peut aussi désobéir à Allah pendant soixante ans puis faire preuve de justice dans son testament, mourir en clôturant ses œuvres par une bonne action et entrer au Paradis."

Puis, il récita le verset (sens du verset) :

"Tels sont les ordres d'Allah (…)" (Coran 4/13) (Madjmû’ al-Fatâwâ)

Si en rédigeant ce papier, l’homme a l’intention que ces personnes prennent ces biens de son vivant et non après sa mort, cela est alors considéré comme un don. Toutefois, ce don est également injuste si la personne donne des biens à certains de ses enfants au détriment d’autres, car il a l’obligation du point de vue du droit musulman de faire preuve d’équité entre ses enfants, garçons et filles et il ne lui est pas permis de donner à certains et pas aux autres. En effet, al-Nu’mân ibn Bachîr, qu'Allah soit satisfait de lui, a rapporté : Mon père me donna un bien et ‘Umra bint Rawâha, ma mère, lui dit : "Je n’accepterai cette donation que lorsque le Messager d’Allah aura témoigné de sa validité." Mon père se rendit alors auprès du Messager d’Allah () et lui dit :

- "J’ai donné un bien au fils que j’ai eu avec ‘Umra bint Rawâha, mais cette dernière exige que tu témoignes de la validité de cette donation, ô Messager d’Allah."

- "As-tu donné la même chose à tes autres enfants ?", demanda le Prophète ().

- "Non.", répondit-il.

- "Craignez Allah et soyez équitables envers vos enfants.", dit alors le Prophète ().

Il revint alors sur sa décision et reprit le bien qu’il avait donné (Boukhari et Mouslim)

Nous conseillons donc à cet homme de craindre Allah, de prendre conscience que ce qu’il a fait était une erreur et de s’en remettre à ce qu’Allah veut en ne déshéritant pas certains de ses héritiers. En effet, cet argent est celui d’Allah et c’est Lui qui lui en a fait don. Or, Allah a prescrit de partager cet argent entre les héritiers après la mort. Il n’a donc pas le droit de s’opposer à ce partage de l’héritage selon la volonté d’Allah.

Et Allah sait mieux.

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