Aïcha ne s’est pas fait capturer lors de la bataille du Chameau
Fatwa No: 35527

Question

Pouvez-vous me résumer brièvement la bataille du Chameau ? Est-ce que l’épouse du Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) a été faite prisonnière après son décès ?

Réponse

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons : 

Suite à l’assassinat de ‘Uthman (qu’Allah soit satisfait de lui) une  discorde ("fitna") a vu le jour entre les Compagnons quant à l'attitude à adopter face aux meurtriers de Uthmân. C'est un droit des parents de la victime que de réclamer aux autorités que les meurtriers de leur parent soient jugés et exécutés. Malheureusement Alî n'a pour le moment pas les moyens de juger les insurgés et de leur appliquer le talion. En effet, il sent bien qu'appliquer le talion en pareilles circonstances risque de provoquer un embrasement généralisé ; il pense donc laisser les choses se calmer et juger plus tard les meurtriers ; quelques mois passent ainsi.

C'est cette absence d'application du talion qui va être mal interprétée par d'illustres Compagnons : Aïcha, Tal'ha, al-Zubayr, Mu'âwiya et 'Amr ibn al-'As, lesquels vont d'autant plus se méprendre sur les intentions de Alî que les insurgés lui ont massivement fait allégeance, le soutiennent et évoluent dans son entourage.

Dans la ville de La Mecque, où ils se sont rendus, Talha et al-Zubayr vont rencontrèrent Aïcha, qui y était allée pour le pèlerinage. Ils ne comprennent pas les intentions de Alî et – en toute bonne foi – croient que c'est parce que les insurgés le soutiennent qu'il refuse de leur appliquer la loi du talion.
A la tête de tout un groupe, ils partent donc de La Mecque pour l'Irak – pour la ville de Bassora précisément –, pensant y appeler les gens à soutenir leur demande de l'application de la loi du talion sur les assassins du calife ‘Uthman.

Quand il apprend la nouvelle du départ de ces trois personnages pour l'Irak, Alî craint que cela soit le point de départ d'une division de la communauté. Il décide alors, avec l'objectif de clarifier les choses, d'aller, à la tête lui aussi d'un groupe, trouver les trois Compagnons partis pour Bassora. Son fils al-Hassan l'implore de ne pas quitter Médine et d'attendre que les choses se calment d'elles-mêmes (Voir Ibn al-Athîr), mais Alî part quand même ; al-Hassan n'aura d'autre choix que celui de se joindre à son père à cœur défendant.

Questionné au sujet de cette marche qu'il a entreprise, avait-elle comme source un dire du Prophète () ou bien un avis personnel, Alî répondra : "Le Prophète ne m'a rien recommandé à ce sujet, ce n'est qu'un avis personnel" (Abû Dâwûd).
Si les deux groupes sont sortis avec des effectifs, nul n'a l'intention d'en découdre avec l'autre : Kulayb al-Jarmî raconte que les gens de Alî disaient : "Nous ne sommes pas sortis pour les combattre – car nous ne combattrons que si eux nous attaquent en premier –, mais pour apaiser". Alî lui-même lui a dit des propos allant dans le même sens. Abû Mûssa al-Ash'arî (qui était gouverneur de la ville de Kufa avant l'accession de Alî au poste de calife, et que Alî a gardé à ce poste) pense pour sa part que la situation est délicate et, bien que Alî lui demande de mobiliser des gens de Kufa pour venir grossir ses effectifs, il n'est pas décidé à le faire. Alî respecte son choix et envoie alors à Kufa son fils al-Hassan ainsi que 'Ammâr ibn Yâssir pour mobiliser des gens.

Arrivés face à face, Alî parle en aparté avec al-Zubayr et lui demande : "N'avais-tu pas entendu le Prophète () dire, alors que tu pliais ma main : "Tu le combattras alors qu'il sera dans son droit, puis il aura le dessus ?" – J'avais effectivement entendu cela ; je ne te combattrai donc pas" répond al-Zubayr, qui quitte alors les lieux et prend le chemin de Médine. La situation est en bonne voie d'être résolue pacifiquement.

Malheureusement, pendant la nuit, des insurgés parmi les fauteurs de trouble contre ‘Uthmân, présents dans le camp de Alî, attaquent le camp de Aïcha. Pensant être attaqué par Alî, le groupe de Aïcha prend les armes pour se défendre. Voyant le groupe de Aïcha l'attaquer sans raison apparente, Alî appelle son groupe à prendre à son tour les armes pour se défendre. Et c'est le début de la bataille dite du Chameau (parce que Aïcha sera, au cours du combat, dans un palanquin sur un chameau). Ceci se passe en Djumâdâ al-âkhira 36 H.

La bataille ne dure qu'une journée et se termine en faveur du groupe de Alî. Alî proclame :"N'achevez aucun blessé, ne tuez aucun fuyard et n'entrez dans aucune demeure".

Pendant le combat, hélas, Tal'ha a été tué par une flèche (FB 12/354, 7/105).

Al-Zubayr (dont nous avons vu qu'il avait pris le chemin de Médine avant que les combats débutent) a été tué pendant son sommeil par 'Amr ibn Jurmûz, un homme qui était dans le groupe de Alî, qui avait retrouvé al-Zubayr et qui croyait bien faire en l'assassinant. Quand Amr ibn Jurmûz apporte la nouvelle à Alî, celui-ci lui annonce que le Prophète () lui avait dit un jour : "Celui qui tuera le fils de Safiyya (al-Zubayr), fais-lui l'annonce de la géhenne".

Aïcha est traitée par Alî avec tous les égards qui lui sont dus. Il demande à Muhammad ibn Abî Bakr, frère de Aïcha, de la conduire à Médine.

Le Prophète () avait dit un jour à Alî : "Quelque chose surviendra entre toi et Aïcha. – Je serai alors le plus malchanceux des humains ! s'était exclamé Alî. – Non, mais quand cela arrivera, fais-la retourner à son lieu de sécurité".

D'ailleurs, alors qu'elle était en chemin vers Bassora, bivouaquant près d'un point d'eau une nuit, Aïcha, entendant les chiens aboyer, demanda : "Quel est ce point d'eau ?" Quand on lui eut dit qu'il s'agissait de Haw'ab, elle s'était exclamée : "Je ne pense pas que je vais faire autre chose que retourner." Questionnée, elle dit qu'elle avait entendu le Prophète ()  un jour dire à ses épouses : ”Qu'en sera-t-il de l'une d'entre vous, les chiens de Haw'ab aboyant contre elle ?". Mais al-Zubayr avait insisté pour qu'elle continue.

Nous signalons au passage que la bataille du Chameau n'a été menées par ces Compagnons ni à cause d'une faiblesse de leur foi (wa-l-'iyâdhu bil-llâh) ni à cause d'une recherche du pouvoir, mais à cause d'interprétations différentes (ijtihâd) de certains textes et de ce que le contexte rendait nécessaire ; ces Compagnons ont été de toute bonne foi ; nous les aimons tous et ne dénigrons aucun d'entre eux.

Ceci étant un bref  résumé de la bataille du Chameau.

Aïcha (qu’Allah soit satisfait d’elle) n’a donc pas été faite prisonnière durant cette bataille. Car dans ses combats 'Alî avait pris et parmi des engagements parmi lesquels figure le fait qu’il devait combattre sans faire de prisonnier ni prendre le butin. Les biographes et les historiens ont mentionné que dans la discussion qui a eu lieu entre Ibn 'Abbâs et les Khawâridj sur cette question qu’ils reprochaient tant à 'Alî, ces derniers ont rapporté à propos de 'Alî ce qui suit :  Il combat mais ne fait pas de prisonniers et ne prend pas de butin. S’il est licite de verser leur sang alors il est licite de prendre leurs biens et s’il interdit de prendre leurs biens, alors il est interdit de verser leur sang.  Ibn 'Abbâs leur dit :  Allez-vous capturer votre mère (Aïcha) ou déclarer licite avec elle ce qui est licite avec une autre femme ? Si vous dites qu’elle n’est pas votre mère alors vous êtes mécréants et si vous dites qu’elle est votre mère et que vous déclarez permis le fait de la capturer alors vous êtes également mécréants… 

 

Et Allah sait mieux.

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