La mère peut-elle enregistrer sa part de la maison au nom d’un de ses enfants ? Fatwa No: 410992
- Fatwa Date:9-2-2020
Est-il permis religieusement que ma mère inscrive sa part de la maison en mon nom sans que mes frères et sœurs ne le sachent ? Sachant que la moitié de la maison est au nom de mon père qui est décédé et l’autre moitié au nom de ma mère. Qu’Allah vous récompense par un bien.
Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons : En principe, il est obligatoire de répartir ses dons de façon équitable entre les enfants selon l’avis le plus juste émis sur cette question. Il n’est donc pas permis de faire un don à l’un d’entre eux en particulier sans un justificatif religieux. Ibn Al-Qudâma a dit dans son livre al-Mughnî : ‘ Il est obligatoire d’être équitable dans les dons faits aux enfants si aucun d’eux n’est doté d’une particularité qui permettrait de recevoir plus que les autres. S’il fait un don à l’un d’entre eux en particulier et non aux autres, ou qu’il en donne plus à certains et moins à d’autres, il aura commis un péché. Il devra rectifier cela pour que son don soit équitable entre eux d’une de ces deux façons : soit en récupérant le surplus qui a été donné à certains. Soit en complétant la part de ceux qui en ont moins reçu pour qu’elle soit équivalente aux autres. Tâous a dit : Agir ainsi n’est pas permis ne serait-ce qu’en le préférant avec du pain dur brûlé. C’est également l’avis d’Ibn al-Mubârak. Un avis de même teneur est aussi rapporté de Mujâhid et ‘Urwa. Al-Hasan répugnait à agir ainsi mais le permettait dans des cas de jugements. Il est permis, pour d’autres savants, de donner plus à un de ses enfants. C’est l’avis de Malik, Layth, al Thawri, al Shafi’i et les tenants de l’école s’attachant à fournir leur propre effort de réflexion. On a rapporté un avis similaire de Shurayh, Jâbir ibn Zayd, al-Hasan ibn Sâlih, et ce, en raison de Abu Bakr, qu’Allah soit satisfait de lui, qui avait donné à sa fille ‘Aïsha vingt dattiers alors qu’il n’en avait pas donné à ses autres enfants. Shafi’i se réfère au hadith de Nu’mân ibn Bashîr dans lequel le Prophète, , a dit : Prend quelqu’un d’autre que moi comme témoin pour cette affaire. Pour lui, c’est un argument qui prouve que le Prophète a dit cela pour confirmer que ce don était valable et qu’il n’avait pas à le récupérer, et parce que c’est un don qui est effectif à la mort du père et sur lequel on ne peut revenir, cela est donc permis, comme s’il avait partagé ses biens entre ses enfants équitablement. Quant au hadith de Nu’mân ibn Bashîr, il dit : Mon père m’a fait aumône d’une part de ses biens. Ma mère – ‘Umra bint Ruwâha – n’était pas d’accord jusqu’à ce qu’on porte cette affaire devant le Prophète, , auquel on demandait de témoigner. C’est ce que fit mon père mais le Prophète, , lui dit : As-tu donné la même chose à tous tes enfants ? Non dit mon père. Il dit alors : Craignez Allah et soyez juste envers vos enfants. Mon père revint et reprit cette aumône. Selon une version il dit : Reprends ce que tu lui as donné. Et selon une autre : Récupère ce que tu lui as donné. Et selon une autre : Ne me prends pas comme témoin d’une injustice. Et selon une autre : Prend quelqu’un d’autre que moi comme témoin pour cette affaire. Et selon une autre : Donne leur à chacun dans les mêmes proportions. Ce hadith est authentique, rapporté par Boukhari et Mouslim. Ce hadith est une preuve qu’agir ainsi est interdit puisqu’il a nommé une telle pratique ‘injustice’ et lui a ordonné de reprendre cette aumône, il n’a pas voulu se porter témoin pour un tel don. En outre, l’injustice est interdite. Et un ordre implique qu’il est obligatoire de s’y conformer. De même, accorder plus de biens à l’un de ses enfants fait naître entre eux de l’animosité, de la haine et mène à une rupture des liens familiaux. C’est pour cela que cette pratique fut interdite. De même qu’il a été interdit de marier une femme à un homme déjà marié avec sa tante maternelle ou paternelle. Pour ce qui est du hadith d’Abu Bakr, qu’Allah soit satisfait de lui, il ne s’oppose pas au hadith. De même qu’on ne peut se référer à ce qu’il a fait pour justifier une compréhension du hadith qui ne convient pas. En effet, il est possible de comprendre qu’Abu Bakr ait agi ainsi pour plusieurs raisons : Il se peut qu’il l’ait fait parce que sa fille en avait réellement besoin, qu’elle n’était pas capable de gagner sa vie, ou de mettre en œuvre les moyens pour se faire, parce qu’elle a des mérites bien particuliers, parce qu’elle est la mère des croyants, l’épouse du Prophète, , ou pour tout autre mérite qu’on peut lui reconnaitre. Il est également possible qu’il lui ait fait un don mais aussi à un autre de ses enfants, ou qu’il souhaitait faire un don à ses autres enfants mais qu’il n’a pas pu le faire avant de mourir. Dans tous les cas, il est obligatoire de comprendre son geste à l’aune de l’une de ces interprétations parce qu’il est interdit de le mettre en opposition avec une interdiction prophétique. D’ailleurs, le moins qu’on puisse dire est qu’agir ainsi est détestable. Or, on sait bien qu’Abu Bakr se tient à l’écart de ce qui est détestable. Le hadith : Prend quelqu’un d’autre que moi comme témoin pour cette affaire. n’est pas un ordre. Un ordre implique au moins que son objet soit recommandé. Or, il n’y aucune divergence sur le fait que ce soit réprimandable. Comment pourrait-il donc demander à une autre personne de témoigner de cette affaire et également lui demander de récupérer ce don qu’il a nommé ‘injustice’ !!? Comprendre ce hadith de la sorte revient à considérer qu’ils sont contradictoires. Et s’il lui avait donné un ordre, Bashir se serait exécuté et n’aurait pas repris ce qu’il avait donné à son fils. En réalité, cette interdiction est une menace du Prophète pour que Bashir ne mène pas son action à terme.’ Fin de citation. L’équité entre les enfants incombe autant au père qu’à la mère. Ibn Qudâma a dit : ‘ Il est interdit à la mère, au même titre qu’au père, de donner des biens à certains enfants plus qu’à d’autres. En raison du hadith : Craignez Allah et soyez juste envers vos enfants. Et la mère est un des deux parents. Elle est donc concernée par le hadith. Par ailleurs, la jalousie et l’animosité qui résultent des dons du père à un de ses enfants en particulier est une conséquence également présente quand c’est la mère qui est à l’origine de ce type de dons. Le jugement est donc le même.’ Fin de citation extraite du Mughnî. En fonction de ce qui précède, il n’est pas permis à votre mère de vous donner sa part de la maison sans une raison qui le justifie sur le plan religieux. Nous attirons également l’attention sur le fait qu’inscrire un bien immobilier au nom d’une personne pour qu’il puisse en prendre possession après la mort du donateur sans le détenir pour autant dans l’immédiat, mais pour qu’il puisse le gérer du vivant du donateur, ceci n’est pas considéré comme un véritable don sur le plan religieux mais a le statut d’un testament. Or, le testament ne peut être mis en application en faveur d’un héritier légal sans l’accord des autres héritiers. Et Allah sait mieux.