Estimant qu’il fallait immédiatement régler le problème de la succession du Prophète, les Ansâr se rendirent à l’assemblée (Saqîfah) de Béni Sâ`id pour débattre de cette question. Il s’agissait de savoir à qui serait attribué l’honneur de succéder au Prophète — — : aux Ansâr ou aux Mouhâjirûn. Avant l’arrivée des Mouhâjirûn dans l’assemblée, les débats avaient abouti à la désignation de Sa`d Ibn Oubâdah en tant que Calife sans pour autant qu’il n’y ait de consensus autour de ce choix.
Les discussions ne s’étaient pas terminées lorsqu’Abou Bakr, `Omar et certains Mouhâjirûn se rendirent à l’assemblée. À leur arrivée, certains Compagnons proposèrent la désignation de deux Califes, l’un appartiendrait aux Ansâr et l’autre aux Mouhâjirûn ; proposition refusée car synonyme de division.
Rappelant qu’il ne se portait pas comme candidat, Abû Bakr dit : « Vous savez que les Arabes n’accepteront de confier cette affaire qu’à un homme qourayshite car Qouraysh est considérée comme la tribu la plus éminente parmi les tribus arabes. » Abou Bakr proposa alors comme candidats Omar et Abou Obaydah Ibn Al-Jarrâh. Ces derniers refusèrent la proposition, rappelant qu’Abou Bakr était le meilleur des Mouhâjirûn, le seul à avoir été en compagnie du Prophète dans la grotte, et enfin qu’il avait été nommé par lui pour diriger la prière des Musulmans à sa place. Le consensus réalisé, Abou Bakr fut désigné Calife.
Quelques jours après le serment d’allégeance prononcé par les grands Compagnons dans l’assemblée de Bani Sâ`idah, les habitants de Médine se réunirent à la mosquée et firent allégeance à Abou Bakr. Celui-ci prononça alors un discours dans lequel il dit : « Ô gens ! J’ai été élu comme chef sans être le meilleur parmi vous. Si vous trouvez que j’agis avec justesse, assistez-moi et si vous trouvez que je m’abuse, corrigez-moi. Le faible parmi vous est fort à mes yeux, jusqu’à ce que j’obtienne pour lui son droit ; et le fort parmi vous est faible à mes yeux, jusqu’à ce que je lui arrache ce qui n’est pas son droit. Ô gens, sachez qu’aucun peuple n’a abandonné la lutte dans le sentier d’Allah sans qu’il soit humilié. Sachez aussi que l’immoralité ne se répand au sein d’un peuple sans que Dieu ne l’afflige d’une calamité. Obéissez-moi, tant que j’obéis à Allah, et à Son Messager. Si je désobéis à Allah et à Son Messager, vous ne me devez aucune obéissance. Levez-vous pour la prière ; que Dieu vous fasse miséricorde ! »
Avant sa désignation, Abou Bakr avait l’habitude de prendre soin personnellement des familles des martyrs et d’aider la veuve et l’orphelin. On rapporte à cet effet que quand les enfants voyaient Abou Bakr dans la rue, ils se précipitaient vers lui, montaient sur ses épaules et jouaient avec lui. Les gens pensèrent qu’après son investiture, Abou Bakr cesserait de faire cela. Mais il veilla à préserver cette habitude si bien que Omar alla un jour proposer son aide à une vielle femme de Médine qui déclina poliment expliquant que quelqu’un venait habituellement l’aider. Se renseignant sur l’identité de cette personne, la vielle femme répondit : « Je ne sais pas qui c’est. C’est un homme qui vient d’habitude m’aider à nettoyer la maison et à traire les chèvres. » N’ayant pas eu de réponse, Omar décida de découvrir l’identité de celui qui l’avait devancé auprès de cette dame ; voyant un jour Abou Bakr sortir de chez elle, il dit : « Qu’Allah te fasse miséricorde Abû Bakr, tu auras tenu la dragée haute à tes successeurs ! »