Le Kharijisme fut la première secte musulmane à voir le jour ; en effet, leurs origines remontent à l’époque du Prophète (). Voici un hadith les concernant, rapporté dans les deux Sahîh-s, où il est question de l’histoire de Dhul-Khuwaysira al-Tamîmî, considéré comme le premier des Kharijites de l’histoire, ce dernier eut l’impudence de dire au Prophète () : « Ô Muhammad, fait preuve d’équité, car certes tu as été injuste ! », le Prophète () entra en colère et le réprimanda en lui disant : « Malheur à toi, ne suis-je pas la personne qui craint le plus Allah sur cette terre ? ». L’homme s’en alla alors et Khâlid ibn al-Walîd dit : « Ô Messager d’Allah, puis-je lui trancher la tête ? ». Mais le Prophète () lui répondit : « Peut-être accomplit-il la prière ». Khâlid dit alors : « Combien de gens qui accomplissent la prière disent avec leur langue ce qui n’est pas dans leur cœur ?! ». Le Prophète () répondit : « Il ne m’a pas été ordonné de percer au jour ce qu’il y a dans le cœur des gens ou de fendre leur ventre ». Puis il jeta un coup d’œil sur l’homme qui s’en allait et dit : « Il surgira de la progéniture de cet homme un peuple qui récitera le Livre d’Allah, mais cette récitation n’ira pas au-delà de leur gorge ; ils sortiront de la religion comme la flèche sort de l’arc, si je suis encore vivant au moment de leur venue, alors je leur infligerai la mort qui fut infligée au peuple de Thamoud ». Il est évident que lorsque le Prophète () parle de « progéniture de cet homme » (Dhul-Khuwaysira), il désigne ceux qui après lui penserons et agirons comme lui.
L’apparition des Kharijites à l’époque de ‘Alî (Radhia Allahou Anhou) :
Les Kharijites sont apparus pour la première fois en tant que groupe lors de la Bataille de Sifîn qui opposa ‘Alî et Mu’âwiyya (qu’Allah soit satisfait d’eux) ou plus exactement au moment où les deux parties se sont mises d’accord pour cesser les hostilités et ont choisi la solution de l’arbitrage, cela provoqua la colère des Kharijites, car ils considérèrent cet arbitrage comme étant un jugement ne puisant pas sa source dans ce qu’Allah a révélé. Ils tournèrent donc le dos à ‘Alî, le désavouèrent et allèrent même jusqu’à le sortir de l’Islam. Les Kharijites, qui étaient à ce moment-là environ 8000, se réunirent dans un endroit appelé Harûrâ`, ils furent d’ailleurs surnommés les Harûriyya, ‘Alî leur envoya Ibn ‘Abbâs qui discuta avec eux et réussit à en convaincre un grand nombre de revenir avec lui, puis ce fut au tour de ‘Alî d’aller à leur rencontre, ces derniers finirent par lui obéir et rentrèrent donc avec lui à Koufa.
Puis les Kharijites diffusèrent l’idée que ‘Alî s’était repenti du fait d’avoir eu recours à l’arbitrage, c’est d’ailleurs ce qui les convainquit de revenir avec lui, ‘Alî eut vent de cette rumeur et répliqua que cela était faux. En réaction, les Kharijites se réunirent aux abords de la mosquée et scandèrent : « Il n’y a pas de jugement si ce n’est celui d’Allah », ‘Alî rétorqua : « Une parole vraie pour atteindre un but erroné ». Puis ‘Alî leur dit également : « Nous vous devons trois choses : nous ne vous empêcherons pas de prier dans les mosquées, vous continuerez à recevoir votre part du butin de guerre (al-fay`) et tant que vous ne commettez pas d’exactions nous ne vous attaquerons pas ». Toutefois, les Kharijites n’acceptèrent pas cette proposition, ce qui aboutit bien évidemment à des conflits violents.
L’événement d’al-Nahrwân et le massacre des Kharijites :
Après la proposition que le Prince des croyants ‘Alî (Radhia Allahou Anhou) eut faite aux Kharijites, proposition qu’ils refusèrent, ces derniers quittèrent Koufa et se regroupèrent dans d’autres localités. ‘Alî (Radhia Allahou Anhou) leur fit parvenir un message dans lequel il leur demandait de réintégrer la communauté des musulmans, mais les Kharijites répondirent qu’ils ne reviendraient pas tant que ‘Alî ne reconnaîtra pas être tombé dans la mécréance à cause du fait qu’il ait accepté l’arbitrage et qu’il ne se repentira pas de cette grave erreur. En conséquence, ‘Alî leur envoya son messager qu’ils essayèrent de tuer, puis ils décidèrent que tous ceux qui n’embrasseraient pas leurs préceptes et croyances seraient considérés comme des mécréants ; ainsi, il devient alors possible de les tuer, de les voler et de capturer leurs femmes et leurs enfants. Par ailleurs, les Kharijites décidèrent de donner foi aux paroles d’autrui seulement si ces dernières entraînent des actes en accord avec elles, de plus ils choisirent une manière radicale pour diffuser leur vision de l’Islam : ceux qui l’acceptent et les suivent sont épargnés tandis que ceux qui la refusent sont tués sans aucune autre forme de procès. Ainsi, une fois ‘Abdallah ibn Khabbâb ibn al-Arat, qui était un gouverneur de ‘Alî dans une des provinces de l’Etat musulman et qui voyageait avec son esclave – laquelle était enceinte –, rencontra les Kharijites, ces derniers le tuèrent et éventrèrent son esclave ; la nouvelle de cet acte ignoble arriva aux oreilles de ‘Alî, lequel décida de marcher contre eux avec l’armée qu’il avait préparée pour mener une expédition dans le Châm, l’armée musulmane et les Kharijites se rencontrèrent donc dans un endroit appelé al-Nahrawân, la victoire de ‘Alî fut totale, seuls quelques Kharijites y réchappèrent.
La situation des Kharijites après l’épisode d’al-Nahrawân :
Malgré cet affrontement béni durant lequel périrent une majorité de Kharijites, la racine du mal n’a pas été totalement anéantie, car en effet quelques-uns d’entre eux survécurent au massacre. Les narrateurs ont rapporté que les survivants Kharijites n’étaient qu’une petite dizaine et qu’ils se dispersèrent dans les différents pays musulmans où ils s’efforcèrent de diffuser leur doctrine en appelant les gens à y adhérer.
La division des Kharijites et leur éclatement en diverses sectes :
La doctrine des Kharijites contient en elle-même les germes de sa division et de son éclatement. En effet, il est à noter que les Kharijites sont connus pour avoir une compréhension des choses superficielles ainsi que pour une certaine véhémence dans leurs rapports aux autres, d’ailleurs les relations intra-kharijites n’échappèrent pas aux effets de cette véhémence caractéristique ; ainsi, des oppositions internes âpres virent le jour, les divergences d’idées et de croyances aboutirent à la prolifération des sectes. Par conséquent, chaque fois qu’un Kharijite trouvait une idée nouvelle ou se distinguait du groupe principal par une opinion divergente alors il en était exclu et devenait pour les autres Kharijites un mécréant ; toutefois, il ne fallait pas beaucoup de temps pour qu’un petit groupe d’individus suive le Kharijite dissident afin de créer une secte séparée du groupe principal.
Ce type de dissidence fut très fréquente, ce qui mena les Kharijites à se diviser en de nombreuses sectes et groupes ; cependant, les savants spécialistes des sectes estiment qu’il y a six sectes kharijites principales, lesquelles ont chacune diverses petites sectes qui y sont affiliées.
Voici donc un bref aperçu de l’histoire des Kharijites, une histoire ensanglantée par le sang des musulmans et qui montre jusqu’à quels extrêmes dangereux peuvent mener les déviances idéologiques ; ainsi, les Kharijites en sont arrivés à souiller les choses sacrées et à suivre une voie totalement fausse tout en pensant qu’ils étaient dans le vrai.