Les méthodes de motivation dans la Sunna prophétique

Parmi les termes répandus dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, celui de la motivation. On entend par ce terme tout acte ou parole qui pousse une personne à adopter une attitude meilleure et l’encourage à poursuivre ou à améliorer sa production. Ainsi, acquérir cette méthode d’éducation et d’enseignement nécessite de soumette les enseignants et les éducateurs à des séminaires de mise à niveau pour prendre connaissance des méthodes de motivation et maitriser la mise en pratique de cette méthode.

En méditant la Sunna prophétique, on se rend compte qu’elle comprend différentes méthodes de motivation. Nous allons en mentionner certaines à titre d’exemple. Le Prophète () stimulait ses compagnons à agir par le biais de méthodes efficaces qui faisaient jaillir en eux l’envie et suscitait leur dynamisme jusqu’à ce que leur motivation atteigne les plus hauts degrés que puisse connaitre celle d’un homme.

Parmi les méthodes de motivation dans la Sunna prophétique : Motiver par le biais des éloges et des compliments : le Prophète () adressait des compliments en ne disant que la vérité. Et il ne complimentait que ceux qui le méritaient. Les compliments, il en a adressé à Abou Bakr, Omar, Uthman, Ali et au reste des dix compagnons promis au Paradis. Ce qu’on peut lire en parcourant les livres de la Sunna, les chapitres relatifs aux mérites des compagnons dans lesquels on retrouve de nombreux propos du Prophète () qui les comble d’éloge. Et ceci ne fit qu’accroitre leur vigilance, les raffermir, et les motiver davantage à s’élever en degré de servitude, en don de soi et en œuvres.

Je mentionne ici un seul exemple par souci de concision, bien que les mérites des compagnons soient très nombreux : selon Anas ibn Malik Prophète () a dit : « L’homme le plus clément et le plus miséricordieux de ma communauté envers les membres de ma communauté est Abou Bakr. Celui qui est plus acharné d’entre eux concernant l’ordre d’Allah (dans l’application) est Omar. Le plus pudique est Uthman. Le meilleur récitateur (du Coran) parmi eux est Ubayy ibn Ka’b. Le plus informé d’entre eux concernant (les lois de) l’héritage est Zayd ibn Thâbit. Celui qui sait parfaitement distinguer le licite de l’illicite est Mu’âdh ibn Jabal. Et dans toute communauté il y a un homme qui se caractérise par sa loyauté, et le plus loyal de ma communauté est Abou ‘Ubayda ibn Al-Jarrâh. » Rapporté par Tirmidhi qui précise : c’est un hadith bon et authentique.

Avec ceci, l’enseignant ou l’éducateur doit être clairvoyant et peser en fonction des critères prophétiques l’utilisation des méthodes de motivation. Il doit prendre en compte les finalités et les répercussions des compliments sur l’apprenant de sorte à être sûr que ces compliments ne soient pas une cause de vanité et qu’il se sente imbu de sa personne.

D’après Abou Bakrah (qu’Allah soit satisfait de lui) quelqu’un vanta les mérites d’un homme devant le Prophète () qui lui dit : « Malheureux ! Tu as tranché la nuque de ton compagnon. » Il répéta ces mots à plusieurs reprises avant d’ajouter : « Si l’un de vous doit absolument faire l’éloge d’un autre, qu’il dise : “Je le considère ainsi - s’il l’estime vraiment ainsi -, mais c’est Allah qui est son seul juge”, car Allah seul sait qui est digne d’être loué. » Rapporté par Boukhari et Mouslim.

Parmi les méthodes de motivation dans la Sunna prophétique : donner des exemples par les modèles et les cas qui ont existé par le passé. Et surtout dans les circonstances où les épreuves se font difficiles. Rappeler les récits des hommes qui ont su faire preuve de fermeté est à même d’inspirer de la patience et de la certitude. Médite avec moi ce hadith :

Abou ‘Abdillah Khabbâb ibn Al-Aratt (qu’Allah soit satisfait de lui) relate ce qui suit : Alors que le Messager d’Allah () était allongé à l’ombre de la Ka’bah, se servant de son manteau en guise d’oreiller, nous sommes venus nous plaindre des persécutions que nous faisaient subir les polythéistes : « Ne vas-tu pas implorer Allah en notre faveur et Lui demander de nous apporter Son secours ? » Il répondit : « Il arrivait aux croyants qui ont vécu avant vous d’être saisis, puis précipités dans un trou que l’on avait préalablement creusé à cet effet. Leur tête était alors sciée en deux et leur chair lacérée jusqu’à l’os à l’aide de peignes en fer, sans que cela suffise pour les détourner de leur religion. Je jure qu’Allah fera triompher cette religion si bien qu’un cavalier pourra voyager de Sanaa à Hadramawt, ne craignant qu’Allah et le loup pour ses moutons. Mais vous êtes impatients. » Rapporté par Boukhari.

C’est comme si les compagnons qui écoutaient ce récit ressentaient que les persécutions qu’ils subissaient et la situation qui était la leur étaient moins pénibles que ce qu’ils pensaient. A travers le récit qu’ils venaient d’entendre et qui faisait référence à ces modèles extraordinaires, ils étaient motivés à faire preuve davantage de patience et de fermeté. Et c’est bien cet objectif que visait le Messager d’Allah (), l’ancrer dans les âmes des compagnons. Ainsi, nous constatons qu’il avait recours à des récits pour motiver ses interlocuteurs. Et ces procédés de motivation sont nombreux, il n’est pas possible de tous les recenser. Une fois il leur a raconté l’histoire du jeune homme avec le sorcier, une autre, le récit des trois hommes qui sont restés coincés dans la grotte après qu’un rocher se soit refermé sur eux. Une autre, il leur rappelle la situation des prophètes avec leurs peuples et la patience dont ils firent preuve devant leurs méfaits.

Parmi les méthodes de motivation dans la Sunna prophétique : motiver les gens en leur rappelant les bienfaits du Paradis. Ce procédé est une spécificité du discours islamique. Motiver le musulman pour aller à la rencontre de son Seigneur par le biais du rappel de l’au-delà et plus particulièrement les bienfaits du Paradis est la méthode de motivation qui a le plus d’impact sur l’âme du croyant. C’est aussi pour cela que les discours de motivation des athées échouent même s’ils jouent leurs rôles momentanément. Alors que le musulman qui a pour foi que le Paradis est son plus grand objectif pour lequel les prophètes, les vertueux et les martyrs ont œuvré, rien n’aura plus d’impact et motivera un homme à déployer ses capacités et ses compétences comme pourra le faire le rappel du Paradis.

Dès le début de sa prédication à la Mecque, le Prophète () promettait le Paradis à ses compagnons. Il les motivait avec ses promesses pour qu’ils adhèrent à l’Islam. Il leur présentait des horizons qui allaient bien au-delà que le simple fait de croire que la mort était la fin définitive de l’existence d’un homme. Dans les Sunan de Al-Bayhaqî, selon Jâbir ibn Abdillah, le Prophète () était resté dix ans à suivre les pèlerins campement par campement durant les saisons du pèlerinage à Mijna et ‘Ukkâdh et aussi à Mina. Il leur disait : « Qui m’accorde un refuge et un soutien afin que je puisse transmettre le message de mon Seigneur et il aura en échange le Paradis ? »

Lors d’un épisode dangereux, au cours d’une bataille avec des ennemis, le Prophète () n’a pas trouvé mieux pour motiver ses troupes que de leur promettre le Paradis. Dans le recueil de Mouslim, selon Anas ibn Malik : « Le Prophète () se retrouva seul le jour de la bataille de Uhud avec sept hommes des Ansars et deux hommes de Quraysh. Alors que les ennemis étaient sur le point de le cerner, il dit : « Qui peut les repousser et il aura le Paradis. Ou il sera en ma compagnie au Paradis. » Un homme des Ansars s’avança et se mit à les combattre jusqu’à ce qu’il fut tué. Derechef, les ennemis revenaient à la charge. Il dit à nouveau : « Qui peut les repousser et il aura le Paradis. Ou il sera en ma compagnie au Paradis. » Un homme des Ansars s’avança et se mit à les combattre jusqu’à ce qu’il fut tué. Et la même scène se répéta jusqu’à ce que sept compagnons furent tués. »

Dans le Sahih de Ibn Mâjah, Usâma ibn Zayd rapporte que le Prophète () a dit : « Y a-t-il des gens qui veulent aller au Paradis ? Personne ne peut s’imaginer à quoi il ressemble. Par le Seigneur de la Ka’ba, c’est une lumière jaillissante, une réjouissance à vous saisir, des palais somptueux, des rivières ruisselantes, des fruits mûrs et abondants, des femmes belles et magnifiques, des parures en nombre pour un séjour éternel où l’on entendra et verra que ce qui est beau. C’est une demeure qui sera élevée, exempte de toute nuisance et agréable à souhait. » Les compagnons dirent : « Nous y accéderons ô Messager d’Allah. » Il leur répondit : « Dites in sha Allah. » Puis il mentionna la guerre et les encouragea à y participer.

Dans la version de Al-Nassâ’î, le Prophète () a dit : « Qui peut me garantir une seule chose et il aura le Paradis ? Ne rien demander aux gens. »

Dans un hadith de Jâbir qui figure dans le Musnad et d’autres recueils, il est dit : « Soixante-dix d’entre nous sont allés rejoindre le Prophète () à la Mecque durant la saison du pèlerinage et lui ont promis de lui faire allégeance à Al-‘Aqaba. Nous nous sommes réunis là-bas pour prendre engagement auprès de lui en disant : ‘’ Ô Messager d’Allah, sur quoi allons-nous te prêter allégeance ?’’ Il dit : ‘’ à écouter et obéir à ceux qui exercent l’autorité, dans l’adversité comme dans la prospérité, bon gré mal gré, à prescrire le bien et proscrire le mal, à dire la vérité où que vous soyons et sans craindre les reproches de personne, dans le seul but de plaire à Allah. Et aussi, à me soutenir et à me protéger si je me rends dans votre contrée comme vous protégez vous épouses et vos enfants. Et vous aurez le Paradis.’’ Nous nous sommes levés lui avons fait serment d’allégeance. As’ad ibn Zurâra a pris sa main, il était le plus jeune d’entre nous. Il dit : ‘’Doucement ô gens de Yathrib (autre nom de la ville de Médine) nous ne sommes pas venus ici à dos de chameau si ce n’est parce que nous savons que cet homme est le messager d’Allah (). Le sortir de cette ville aujourd’hui revient à nous mettre à dos toutes les tribus arabes. Ce qui signifie que les meilleurs d’entre vous seront tués et que les épées seront dégainées. Alors soit vous êtes prêts à patienter face à cette situation et la récompense d’Allah vous sera due. Mais si vous avez peur pour vous et faites preuve de lâcheté, alors dites-le de suite et vous êtes excusés.’’ Ils dirent : ‘’ Dégage de notre chemin, par Allah, nous ne délaisserons jamais cette allégeance.’’ Ils se levèrent et lui prêtèrent allégeance qu’il reçut, à condition qu’ils aient en contrepartie le Paradis. »

Parmi les méthodes de motivation dans la Sunna prophétique : motiver ses pairs en participant à leurs tâches. Chaque fois qu’il ordonnait quelque chose à ses compagnons, le Messager d’Allah () participait aux tâches qu’il leur confiait. Lors de la bataille de la tranchée, il creusa avec eux et porta la terre. Il brisa une roche énorme. Les compagnons l’entouraient avec beaucoup de cœur à l’ouvrage. De même durant les guerres et les combats, le Messager d’Allah () était le plus courageux des hommes au point où les gens se protégeaient derrière lui. Ce qui met le plus en exergue ce fait, est le récit de la bataille de Hunayn où les musulmans furent à découvert face à leurs ennemis. Dans le Sunan Al-Kubrâ de Al-Nassâ’î, selon Al-Abbâs : « Lorsque les musulmans et les mécréants se firent face, les musulmans retournaient sur leurs pas. Le Messager d’Allah () activait sa mule en direction des mécréants. Al-Abbâs dit : je me saisis alors des brides de sa monture pour ne pas qu’elle accélère trop. Abou sofian se saisit de la monture également. Le Messager d’Allah () dit : « Ô Abbâs appelle les gens de Samra. » Abbâs dit : « Ma voie portait et je m’écriais le plus fort possible : où êtes-vous les gens de Samra ? » Par Allah, c’est comme si en m’écriant ainsi j’avais suscité leur émotion encore plus que peut en avoir une vache avec ses petits. » Ces derniers répondirent à l’appel : « Nous arrivons, nous arrivons » ils menèrent de durs combats contre les mécréants et appelèrent les Ansars : « Ô les Ansars » puis l’appel se limitait à Al-Hârith ibn Al-Khazraj. Le Messager d’Allah () les regardait de sa monture comme s’il s’apprêtait à mener combat. Il dit : « Ça c’est quand la guerre fait rage. » Puis il se saisit d’une poignée de sable et la jeta sur les visages des mécréants et dit : « Subissez votre défaite par le Seigneur de Mohammed. » Je me rendais de plus près sur le lieu des combats et je constatais, par Allah, que le sable qu’il leur avait jeté avaient faits ses effets et l’ennemi rebroussait chemin jusqu’à ce qu’ils perdent définitivement la bataille. »

C’est ainsi que les méthodes de motivation sont diverses. Et nous venons d’en présenter quelques exemples. Mais le Messager d’Allah () pouvait aussi motiver ses compagnons en leur rappelant le Paradis ou l’Enfer ou le châtiment. C’est une méthodologie équilibrée entre l’annonce de bonnes nouvelles et la mise en garde de châtiments, comme cela a été décrit dans le verset :

« Nous ne t’avons envoyé que pour annoncer la bonne nouvelle et mettre en garde l’humanité. » (Coran 17/105).

En méditant ces méthodes de motivation, on peut découvrir d’autres méthodes et peuvent apparaitre les répercussions de ces méthodes prophétiques sur l’attitude des compagnons. Il est alors possible de définir une méthodologie équilibrée à partir de laquelle plusieurs catégories de gens pourront profiter : les enseignants, les éducateurs, les pères et les mères. Les uns pourront motiver leurs élèves et les autres leurs enfants vers des attitudes et des comportements meilleurs et pour acquérir plus de connaissances. L’efficacité de cette méthode subsistera dans leurs âmes. Les méthodes qui consistent à blâmer et à faire des reproches n’ont pour effet que du désespoir. Or, nous avons besoin plus que tout de faire jaillir les capacités et les compétences des âmes de chaque individu par le biais de paroles adéquates, de compliment, de reconnaissance, d’incitation au bien, de récompenses mondaines et de récompenses relatives à l’au-delà.