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Mon cœur a failli s'envoler

Mon cœur a failli s

Mon cœur a failli s'envoler

Je crois avoir lu des centaines, voire des milliers, de paroles éloquentes sur le Coran, son essence et son influence. Pourtant, une seule phrase dense est restée ancrée en moi pendant des années, vivant dans mon âme, gravée dans ma mémoire. Plus le temps passe, plus elle résonne dans mon esprit. Chaque fois que je plonge dans la lecture du Texte divin, elle semble m’interpeller, m’incitant à pénétrer les mondes de l’émerveillement, à percer le secret caché, à entrevoir les lumières de la stupéfaction dans les replis du Texte immortel. Ce sont des mots qui te lisent avant que tu ne les lises, prononcés pour habiter les consciences, énoncés par leur auteur comme une preuve que l’auditeur explore pour découvrir les motivations du discours, s’efforçant de révéler l’implicite de sa structure.


Une soirée mémorable
Par une soirée marquante, Jubayr ibn Muṭ‘im se rendit auprès du Prophète (
) et l’entendit réciter le Coran. Il tendit l’oreille à la Voix céleste, stupéfait, plongé dans la perplexité. La puissance du Texte l’attira, le figeant sur place, écoutant sans relâche. Le noble Prophète () commença sa récitation par la sourate At-Tûr :

« Par le Mont !
Et par un Livre écrit
Sur un parchemin déployé !
Par la Maison peuplée !

Par le toit élevé !
Par la mer embrasée !
Le châtiment de ton Seigneur aura lieu inévitablement.
Nul ne pourra l’écarter.
Ce jour-là, le ciel tremblera d’un tremblement,
Et les montagnes se déplaceront.

Malheur, ce jour-là, aux dénégateurs
Qui s’adonnent à des discours futiles !
Ce jour-là, ils seront poussés vers le feu de l’Enfer.
“Voici le feu que vous traitiez de mensonge !” » (At-Tûr : 1-14)

Jubayr tenta de se ressaisir, mais la terre semblait tourbillonner sous ses pieds, comme si elle s’effondrait dans un vide sans fond. Son cœur bondit dans sa poitrine, tel un captif entendant l’appel de la liberté après une longue oppression. Le Prophète () poursuivait sa lecture d’une voix si pure que le temps n’en avait jamais entendu de plus mélodieuse, humble et belle.

Puis, lorsqu’il atteignit ces versets :

« Ont-ils été créés à partir de rien ? Ou sont-ils eux les créateurs ?
Ont-ils créé les cieux et la terre ? En réalité, ils ne sont pas convaincus.
Détiennent-ils les trésors de ton Seigneur ? Ou en sont-ils les maîtres ? » (At-Tûr : 35-37)

Les forces de Jubayr le trahirent, et il prononça ces mots emplis de la magie de l’instant :
« Mon cœur a failli s’envoler. » (Rapporté par Al-Bukhârî)
C’est-à-dire : Mon cœur a failli sortir de ma poitrine devant l’éloquence des versets.

Cette parole me rappelle celle de l’orientaliste Arthur Arberry (d. 1969) :
« Lorsque j’écoute le Coran en arabe, c’est comme si j’entendais les battements de mon propre cœur. »


L’interrogation inévitable
Chaque fois que je médite sur les mots de Jubayr, je me demande :
Qu’a-t-il entendu pour être saisi d’une telle crainte ?
Qu’a-t-il ressenti pour que son cœur, pourtant solide comme celui d’un Qurayshite, soit sur le point d’être arraché ?
Quelle révélation a frappé son esprit pour qu’il prononce ces mots ?

Il n’avait pas entendu de simples paroles échangées dans les rues de La Mecque ou dans les assemblées poétiques arabes. Non, il avait reçu des éclairs de certitude, déferlant comme un torrent, conduisant la raison vers ses conclusions inévitables et chassant la négligence dans ses recoins les plus lointains.


La puissance des questions rhétoriques
La sourate At-Tûr utilise la particule interrogative « Am » (
Ãóãú) quinze fois, chacune étant une confrontation logique implacable. Ces questions sont des réquisitoires qui encerclent l’esprit, plaçant l’homme face aux vérités ultimes dont il fuit la réalité.

  1. « Ont-ils été créés à partir de rien ? »
    Une gifle retentissante qui abat les illusions. L’esprit, habituellement voilé par la routine, se retrouve libre pour la première fois, voyant l’univers tel qu’il est, sans filtres.
  2. « Ont-ils créé les cieux et la terre ? »
    Ici, l’homme se tient entre le ciel et la terre, réalisant son insignifiance. Comment pourrait-il prétendre créer quoi que ce soit ?
  3. « Détiennent-ils les trésors de ton Seigneur ? »
    Ce verset pulvérise toute prétention humaine à la domination. L’homme n’est qu’un passager impuissant, incapable de contrôler son propre destin.

L’effet final : Un cœur sur le point de s’envoler
L’autorité du Coran se manifeste lorsqu’il pénètre la fitra (la nature primordiale) et la secoue, arrachant le cœur de ses doutes. Jubayr, sous l’emprise de cette éloquence divine, ne put que s’exclamer :
« Mon cœur a failli s’envoler. »

Comme un oiseau captif entendant l’appel de la liberté, son cœur se débattit, prêt à s’élancer vers le royaume de la Lumière.

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