L’Imam Mohammed ibn Sîrîn
Ibn Sîrîn est un homme de la génération des successeurs des compagnons (Tâbi’î). C’est un grand imam connu pour son ascétisme et son scrupule. C’était l’imam de son époque dans les sciences religieuses. Il était juriste, exégète, savant du hadith et un imam dans bien des disciplines du savoir religieux. Il a acquis une grande notoriété dans le domaine de l’interprétation des rêves et l’explication des songes, ce qu’il parvenait à faire en se basant sur le Coran, la sunna, accompagnés d’une sagacité qui lui permettait de s’adonner à cette tâche avec une grande habileté.
Sa vie regorge d’épisodes éminents mettant en scène sa loyauté, son ascétisme, sa bonté et son humilité. Au cours de sa vie, il aura montré un comportement exemplaire et représenté le modèle du prédicateur conscient de son rôle, du dévot sincère, du véridique conseiller, du fils vertueux, du savant actif et du commerçant honnête.
Naissance et éducation
Abu Bakr Mohammed ibn Sîrîn de la ville de Bassora, de la tribu des Ansars, est né durant le califat de Uthman ibn ‘Affân en l’an 33 de l’Hégire. Son père, Sîrîn, était de condition servile, il appartenait au grand compagnon Anas ibn Malik. Ce dernier l’affranchit en lui permettant de racheter sa condition d’homme libre. Ce fut après la bataille de ‘Ayn Tamr, un village à l’ouest de Kuffah qui avait été conquis par Khalid ibn Al-Walîd durant le califat d’Abu Bakr.
Sa mère, Safiyya, était une servante appartenant à Abu Bakr le véridique. Lui aussi l’avait affranchi. Ses deux parents étaient connus pour leur vertu et leur bon comportement.
L’imam Ibn Sîrîn est né et a grandi à Bassora. Il a évolué dans son environnement scientifique. Il a appris la religion auprès des savants de cette ville. Il a rapporté des hadiths d’un grand nombre de compagnons et de leurs successeurs. Et de nombreux savants ont rapporté de lui les hadiths qu’il leur a transmis.
Mohammed ibn Sîrîn est un éminent savant du hadith
Ibn Sîrîn est considéré comme l’un des plus grands savants du hadith de Bassora, un de ceux qui en ont le plus mémorisé et compris. Il comptait parmi ceux qui avaient rapporté plus de mille hadiths du Prophète (). Raison pour laquelle il fut un des plus célèbres savants duquel étaient rapportés les hadiths de Bassora. Il est suffisant de mentionner que les auteurs de deux recueils de hadiths authentiques, Boukhari et Muslim, mais aussi les quatre auteurs des Sunans, ont rapporté ses hadiths.
Dans les neuf livres de référence du hadith, 874 de ses hadiths ont été rapportés.
Ces neuf livres sont ceux des savants que nous citons ici : Boukhari, Muslim, Abou Daoud, Tirmidhî, An-Nassâ’î, Ibn Mâjah, le Musnad de l’imam Ahmad, le Muwatta de l’imam Malik, et Al-Dârimî.
Ibn Sîrîn aura pu rencontrer 33 compagnons. Il a pu rapporter des hadiths de certains d’entre eux et aussi de certains de leurs successeurs. Il a rapporté les hadiths des compagnons suivants : Abu Horayra, Anas ibn Malik, Abdullah ibn ‘Amr, ‘Adî ibn Hâtim, ‘Imrân ibn Husayn, et d’autres.
Les Tâbi’în desquels il a rapporté des hadiths sont : ‘Ubayda Al-Salmânî, Muslim ibn Yasâr, Qays ibn ‘Abbâd et d’autres.
Les Tâbi’în qui ont rapporté ses hadiths sont : Qatâda ibn Da’âma, Ayyûb Al-Sikhtiânî, Yûnus ibn ‘Ubayd, Khalid Al-Hidhâ, Jarîr ibn Hâzim et d’autres.
Parmi ses actes d’adoration
Ibn Sîrîn jeûnait un jour sur deux. C’est le jeûne préféré d’Allah, et c’est celui auquel s’adonnait le Prophète Daoud. Ibn Sîrîn évoquait constamment Allah, il L’invoquait aussi tout le temps. Il lisait quotidiennement, la nuit, sept parties du Coran. S’il lui arrivait de ne pas en lire une, il la lisait la journée. Durant le Ramadan, il veillait la nuit en prière.
Ibn Sîrîn s’était imposé de donner un dinar en aumône chaque fois qu’il médisait d’une personne. Quand il louait les mérites d’une personne il disait : il est comme Allah veut qu’il soit. Et quand il en blâmait une autre, il disait : il est comme Allah le connait.
Les éloges des savants le concernant
Ibn Sîrîn a été comblé d’éloges par bien des savants. Ils l’aimaient et lui accordaient toute la considération qu’il méritait. Il s’agit autant des savants de son époque que ceux qui lui ont succédé. Nombreux sont ceux qui ont témoigné de ses mérites, de son ascétisme, de son scrupule, de son savoir et de sa bonne compréhension de la religion.
Dans ses chroniques, Al-Khatîb Al-Baghdâdî a dit : « Ibn Sîrîn était un des savants mentionnés pour son scrupule à son époque. »
Mawriq Al-‘Ajlî a dit : « Je n’ai jamais vu un homme qui a une aussi bonne compréhension dans la façon dont il fait preuve de scrupule ni qui fait preuve d’autant de scrupule dans sa compréhension de la religion que Mohammed Ibn Sîrîn. »
Ibn ‘Awn a dit : « Ibn Sîrîn était l’un des hommes qui nourrissaient le plus d’espoir envers sa communauté et celui qui méprisait le plus sa personne. »
Uthman Al-Battî a dit : « Personne dans cette ville n’a été plus savant du rôle de cadi que Mohammed ibn Sîrîn. »
Khalaf a dit : « Il avait été donné à Mohammed ibn Sîrîn une conduite, une attitude, un recueillement ce qui amenait toute personne qui le voyait à évoquer Allah. »
Yûnûs ibn Ubayd a dit : « Quant à Mohammed ibn Sîrîn, il n’y avait pas deux choix qui se proposaient à lui sans qu’il n’opte pour le plus sûr des deux. »
Mohammed ibn Jarîr Al-Tabarî a dit : « ibn Sîrîn était un juriste, un savant scrupuleux, lettré, qui connaissait de nombreux hadiths. C’était un homme véridique. Les hommes de savoir et de mérites en ont témoigné et c’est un homme qui fait autorité. »
Selon Hishâm ibn Hassân : « L’homme le plus véridique que j’ai rencontré m’a rapporté, Mohammed ibn Sîrîn… »
Mohammed ibn Sa’d a dit : “C’était un homme sûr, loyal, savant, de haut vol, un juriste et un imam dans de nombreuses disciplines du savoir religieux. Il était scrupuleux. Il avait des difficultés d’audition. »
Son comportement exemplaire envers sa mère
L’histoire regorge de personnalités qui ont eu un comportement exemplaire avec leurs mères, qu’il s’agisse des compagnons, de leurs successeurs ou d’hommes vertueux. Parmi ces hommes, Mohammed ibn Sîrîn, qu’Allah lui fasse miséricorde. Comment donc agissait-il avec sa mère ? Et comment il se comportait avec elle ?
Il était d’une grande bonté envers sa mère, très doux et humble. Il faisait preuve d’humilité et de miséricorde au point où on ne l’entendait pas en sa présence. Et il ne lui adressait la parole qu’à voix basse et en se faisant petit.
Sa mère se prénommait Safiyya. C’était une servante d’Abu Bakr le véridique, qu’Allah soit satisfait de lui. Trois des femmes du Prophète () l’ont préparé pour son mariage. Elles invoquaient aussi le seigneur en sa faveur. Dix-huit compagnons ayant participé à la bataille de Badr ont assisté à son mariage. Et notamment, Ubayy ibn Ka’b. Ce dernier invoquait Allah et les autres disaient Amîn.
Selon Hishâm ibn Hassân : un homme de la famille d’Ibn Sîrîn m’a raconté : je n’ai jamais vu Ibn Sîrîn s’adresser à sa mère si ce n’est avec la plus grande humilité.
Selon ibn ‘Awn : un homme est entré chez Mohammed ibn Sîrîn alors que sa mère se trouvait chez lui. L’homme demanda : qu’a donc Mohammed ibn Sîrîn ? Se plaint-il de quelque chose ? On lui répondit : Non, mais il est ainsi quand sa mère est chez lui.
Au sujet de sa bonté envers sa mère, on rapporte qu’il lui achetait les vêtements les plus doux. Et quand arrivait le jour du Aïd, il faisait faire des teintures sur ses vêtements. Hafsa, la fille de Sîrîn, comme le mentionne Al-Dhahabî dans son ouvrage Siyar A’lâm Al-Nubala : la mère de Mohammed ibn Sîrîn était de la région du Hijâz. Elle appréciait particulièrement les vêtements qui étaient teints. Et quand son fils lui achetait des vêtements, il lui achetait les plus doux qu’il trouvait. Quand arrivait le Aïd, il les faisait teindre. Par ailleurs, je ne l’ai jamais vu lever la tête devant elle ou lever la voix sur elle. Quand il lui parlait, on avait l’impression qu’il l’écoutait.
Et puisque toute personne est rétribuée selon la nature même de ses œuvres, Allah fit don à Ibn Sîrîn d’un fils qui était bon envers lui. Il se prénommait Abdullah. Ce dernier rapporte : lorsque je me suis porté garant de la dette de mon père, il me dit : tu tiendras ton engagement et régleras cette dette ? Oui je la réglerai, le rassurais-je.
Son fils lui avait donc promis de régler sa dette et cela fait partie des actes de piété filiale les plus éloquents. Son père invoqua en sa faveur. Abdullah remboursa la dette de son père qui s’élevait à 30000 dirhams. Sa subsistance fut bénie en raison de sa bonté envers son père et parce qu’il avait réglé sa dette.
L’imam Ibn Sîrîn et son aptitude à interpréter des rêves
L’interprétation des rêves est un don qu’Allah octroie à qui Il veut parmi Ses serviteurs. Ce savoir repose sur la sagacité, l’intelligence, l’observation de la situation de la personne qui a fait le rêve. Les hommes qui donnent l’interprétation des rêves ont recours à différents procédés pour ce faire. Entrent en ligne de compte la connaissance de celui qui l’interprète, sa maitrise du sujet, sa religiosité, la propension dans laquelle on lui a permis de comprendre cette discipline. Et Allah guide qui Il veut vers le droit chemin.
L’interprétation d’un même rêve peut varier d’une personne à une autre, en fonction de qui en donne l’interprétation, en fonction des circonstances qui accompagnent ce rêve, de la situation de la personne et de sa conduite. C’est pourquoi il n’est pas possible de le faire en se basant sur les livres d’interprétation des rêves.
Aussi, il avait été donné à Mohammed ibn Sîrîn, qu’Allah lui fasse miséricorde, le savoir et la compréhension de cette discipline qu’est l’interprétation des rêves. Al-Dhahabî, qu’Allah lui fasse miséricorde, a dit : « On a rapporté d’ibn Sîrîn des récits merveilleux qui allongeraient la taille de ce livre si on devait les citer. Mais il est sûr que dans ce domaine, il a bénéficié de l’assistance divine. »
Exemples d’interprétation des rêves :
Un homme est venu lui demander la signification de son rêve et lui dit : « je me suis vu en rêve comme si je faisais l’appel à la prière. » Il lui dit : « tu as l’intention de commettre un vol. »
Un autre homme arriva et lui demanda la signification de son rêve. Or, il avait fait exactement le même rêve que le premier homme qui se tenait d’ailleurs toujours présent devant Ibn Sîrîn. Ce dernier donna au deuxième homme une interprétation de son rêve différente de celle qu’il vient de donner au premier, il lui dit : « Tu vas faire le Hajj. »
Les hommes alors présents lui demandèrent : « quelle est la différence entre les deux alors qu’ils ont fait le même rêve ? » Il dit : « J’ai vu sur le premier homme des signes du mal alors j’ai interprété son rêve selon le verset : « Puis un homme les appela (le verbe employé étant ici le même que celui de l’appel à la prière) : « Caravaniers ! Vous êtes des voleurs ! » » Alors que pour le deuxième homme, j’ai vu en lui des signes du bien alors j’ai interprété son rêve en fonction de cet autre verset : « Nous lui avons ordonné d’appeler les hommes à venir y accomplir le pèlerinage. »
Un homme est venu le voir et lui dit : « Je me suis vu en rêve comme si je labourais une terre sur laquelle rien ne pousse. » Il lui dit : « Quand tu as un rapport avec ton épouse, tu te retires avant d’éjaculer. »
Un autre lui dit : « Je me suis vu en rêve comme si je volais entre ciel et terre. » Il lui dit : « Tu es un homme qui est plein d’espoirs. »
Un autre dit : « J’ai vu comme si une planète passait devant la pléiade » Il dit : « Il s’agit de Al-Hasan (Al-Basrî) qui mourra avant moi puis je le rejoindrai et il aura un rang plus élevé que le mien. »
Sa mort :
Ibn Sîrîn est mort à Bassora le neuvième jour de Chawwâl de l’an 110 de l’Hégire. Il avait 77 ans. Ceci, cent jours après le décès de Al-Hassan Al-Basrî. Sa tombe est d’ailleurs à côté de la sienne à Bassora.