Il y a aujourd’hui en Colombie environ 44 millions d’habitants et les musulmans colombiens sont à peu près 80 000, évidemment le christianisme est considéré comme la première religion du pays, c’est-à-dire que 90 % des Colombiens sont chrétiens et la plupart d’entre eux sont d’obédience catholique romaine apostolique, les musulmans font partie des 10 % restants, ces derniers représentent environ 0,1 % de la population totale. Par ailleurs, il faut savoir que la langue officielle en Colombie est l’espagnol. Pour ce qu’il s’agit des groupes ethniques signalons que 58 % des Colombiens sont d’origines espagnole et portugaise, 20 % sont de race blanche (allemands, français, etc.), 14 % sont des mulâtres (c’est-à-dire des métis), 4 % sont de race noire, 3 % sont issus d’un mélange entre la race noire et la race indienne autochtone et seulement 1 % des Colombiens sont de purs indiens.
Les mosquées et les institutions et écoles islamiques :
Le premier centre islamique de Colombie fut créé en 1993 par le docteur Julian Abou Tourousa Abata qui en devint en outre le directeur, il est à noter que ce dernier mena à bien ce projet seulement trois ans après sa conversion à l’Islam. On trouve aujourd’hui en Colombie un grand nombre d’institutions charitables et d’organisations islamiques ainsi que des mosquées comme la mosquée Bilal, la mosquée de l’association de la bienfaisance islamique de Bogota, la mosquée de ‘Uthmân ibn ‘Affân, l’association charitable de Bidobar ou encore la mosquée de Mayago. Parmi les écoles islamiques colombiennes on trouve : l’école Dâr al-Arqâm, l’école arabe de Colombie et l’école de Mayago.
L’histoire de la présence musulmane en Colombie :
Les livres d’histoire rappellent que les premiers musulmans à avoir posé les pieds en Colombie le firent il y a longtemps, c’est-à-dire à l’époque où des musulmans de Cordoue traversèrent l’Océan atlantique sur des caravelles pour rejoindre ces terres lointaines, d’ailleurs il semblerait qu’un certain Christophe Colomb profita de leur expertise dans le domaine maritime par la suite. Il est à noter que l’historien al-Masa’ûdî évoqua dans son livre Murûdj al-Dhahab, rédigé en 956, les périples transatlantiques de ces musulmans cordouans. Par ailleurs, d’autres livres d’histoire affirment que l’Islam arriva en Amérique latine, et notamment en Colombie, depuis la découverte de ce nouveau continent au XVe siècle par les Espagnols, lesquels avaient amené avec eux des esclaves qu’ils avaient pris en Afrique du Nord. La plupart de ces esclaves musulmans arabo-berbères prirent racine au Brésil, puis ils se répandirent par la suite aux quatre coins des deux Amériques, celle du nord et celle du sud. L’écrasante majorité de ces esclaves musulmans furent contraints sous la menace et la torture d’abandonner leur religion d’origine, et donc ils furent nombreux à se fondre complètement parmi les autres habitants de ce continent, la plupart d’entre eux devinrent chrétiens sous la contrainte physique et psychologique ; c’est ainsi que la foi musulmane que portaient en eux ces premiers musulmans « américains » recula peu à peu sur le continent et finit par quasiment disparaître.
Cependant, cette disparition de l’Islam dans ces contrées ne fut pas inéluctable ni définitive car il y eut une seconde vague d’immigration d’esclaves musulmans au XVIe siècle, mais après leur affranchissement beaucoup rentrèrent dans leurs pays d’origine, ce fut donc surtout les vagues migratoires qui eurent lieu dans les années 50 du siècle dernier qui ramenèrent en Amérique latine des personnes de confession musulmane. La plupart de ces dernières venaient principalement d’Inde, du Pakistan, du Liban et de Syrie ; en fait, il faut savoir que la grande majorité des immigrants à être entrés en Amérique latine venaient de ces deux derniers pays mais ils comptaient dans leurs rangs autant de chrétiens que de musulmans, ces derniers ne connaissaient évidemment pas la langue espagnole, ce qui fut un grand problème pour eux car ils trouvèrent dans les premiers temps d’immenses difficultés pour communiquer et interagir avec le peuple colombien. Notons que la majorité des immigrants musulmans se concentrèrent surtout dans des pays comme le Brésil, l’Argentine, le Venezuela et la Colombie. C’est ainsi que l’Islam surgit dans le Nouveau monde il y a très longtemps comme le confirme d’ailleurs bon nombre d’historiens.
Les musulmans de Colombie aujourd’hui :
La majorité des membres de la communauté musulmane de Colombie vivent aujourd’hui dans la capitale Bogota bien sûr mais aussi dans les villes de Brangilia ou de Kali ; toutefois, il est avéré que la ville qui rassemble le plus grande communauté musulmane en Colombie est Mayago, et ce, bien que la vie dans cette dernière ville soit d’un niveau très modeste, on trouve à Mayago 5000 personnes d’origine arabe dont 80 % sont des musulmans sunnites, 15 % sont des chiites et les 5 % restants font partie des communautés chrétiennes orientales et de la communauté druze. La plupart de ces Arabes viennent du Liban et de Syrie, et il est frappant de constater que par endroit, cette ville colombienne ressemble beaucoup à celle d’une petite ville du Proche-Orient.
Lorsqu’on évoque les difficultés rencontrées par la communauté musulmane colombienne, il est impossible d’éviter le sujet du trafic de drogues et notamment celui de la cocaïne (laquelle est considérée comme la principale source de revenu pour de nombreux Colombiens, de même que cette dernière constitue l’un des problèmes quasi-insurmontables auxquels doit faire face le gouvernement de ce pays). Nous devons dire avec tristesse et amertume que ce commerce illégal et islamiquement illicite a attiré et séduit de nombreux musulmans colombiens et ils s’y sont enfoncés complètement par amour de l’argent facile, mais ce commerce maudit les a ravagés eux ainsi que leur famille, il eut en outre des conséquences fort néfastes sur toute la communauté musulmane de Colombie. Il faut savoir que dans ce pays ce commerce est contrôlé par une mafia très puissante possédant des organisations politiques et militaires à sa solde, de même que collaborent avec elle des hauts responsables colombiens qui usent de leurs positions (armée, justice, banque, politique, etc.) pour l’aider, moyennant une commission, à faire encore plus d’argent ; par ailleurs, cette mafia assoie également son pouvoir et son influence sur une grande pauvreté qui pousse de nombreux indigents dans ses filets ainsi que sur une économie colombienne faible car manquant de revenus financiers « légaux » conséquents. A cause de cette domination des organisations criminelles sur la Colombie, qui entraîne fatalement une situation sécuritaire précaire, de la pauvreté endémique ainsi que de l’abandon par les pays arabo-musulmans de la communauté musulmane de Colombie, nous pouvons affirmer que cette dernière vit dans ce pays une existence très difficile et même dangereuse.
Outre ces problèmes socio-économiques graves, la communauté musulmane colombienne doit faire face à une autre douloureuse difficulté, il s’agit du problème de l’assimilation totale destructrice d’identité, cette dernière est notamment causée par des mariages entre des musulmans et des non-musulmans, un manque d’éducation islamique efficace donnant une conscience identitaire et religieuse forte aux musulmans colombiens et aussi les coups de boutoir incessants de certaines organisations extrémistes chrétiennes hostiles à l’Islam et qui font preuve d’un prosélytisme très virulent parmi les adeptes de cette religion.
Même si d’une certaine manière on peut se satisfaire du fait que la Colombie soit un système démocratique ayant permis à de nombreux musulmans d’accéder à des postes importants dans le gouvernement, il est regrettable de constater que de très nombreux musulmans se sont totalement assimilés à cette société au point que plus rien ne les distinguent des Colombiens non-musulmans, d’ailleurs ils sont nombreux à être devenus chrétiens et à ne plus avoir aucun lien avec l’Islam ! Le manque d’écoles enseignant l’Islam et la langue arabe ainsi que la rareté des mosquées, de prédicateurs et de livres islamiques en espagnol sont certainement les principales causes de l’ignorance des musulmans colombiens dans le domaine de la foi et de la religion islamiques, d’autant plus qu’un grand nombre d’entre eux ont hélas suivi les coutumes chrétiennes de leurs mères (car les mariages mixtes se font en général entre un homme d’origine arabe et une femme chrétienne arabe ou non), comme la visite des églises ou la participation dès le plus jeune âge à des fêtes chrétiennes. Le retour à l’Islam ainsi que la cessation des mariages mixtes sont les deux grands défis que doivent relever la communauté musulmane de Colombie, mais également les autres communautés musulmanes vivant dans les autres pays d’Amérique latine.
Les chercheurs spécialisés dans l’étude des minorités musulmanes vivant dans des pays à majorité non-musulmane considèrent que si on veut préserver la communauté musulmane colombienne, il faut absolument : soutenir à tous points de vue ceux qui dans ce pays accomplissent le dur travail de la prédication, aider à répondre aux besoins de cette minorité, mettre en place des projets professionnels afin de donner du travail aux jeunes de la communauté et aux convertis, que soit instaurer un partenariat actif dans le domaine du développement économique et social entre les acteurs musulmans de ces projets et l’Etat et les autorités locales, qu’une partie des bénéfices de ces projets économiques soit dédiée à la prédication ainsi qu’à la construction d’écoles islamiques et de mosquées, que soient organisés des camps de vacances islamiques pour les jeunes ainsi que des cours sur la religion ou encore que soient traduits et édités des livres concernant l’Islam. Ces chercheurs ont également préconisé la fondation d’écoles et d’instituts islamiques dont la principale mission serait d’enseigner la langue arabe et le Noble Coran aux musulmans, faire connaître l’Islam aux non-musulmans ou encore traduire des livres islamiques de l’arabe en espagnol et les éditer. Par ailleurs, ils ont demandé que soient créés des sites internet en espagnol qui faciliteraient la diffusion de la culture islamique ainsi qu’une chaîne télévisée en arabe et en espagnol consacrée à l’Islam et qui émettrait dans toute l’Amérique latine ou bien une tranche horaire précise dédiée aux musulmans sur l’une des nombreuses chaînes colombiennes, l’objectif de l’utilisation de ces moyens de communication moderne est de présenter au public musulman ou non une image authentique de l’Islam dans un style moderne attirant.