Parmi les cas les plus difficiles et les plus complexes de partage successoral, on trouve en bonne place les cas où le grand-père est l’un des héritiers. Il s’agit bien sûr du grand-père paternel, puisque nous savons tous que le grand-père maternel ne fait pas partie des héritiers.
Tous les cas de partage successoral, où l’on compte le grand-père parmi les héritiers ne sont pas du même degré de complexité.
Si par exemple le grand-père est l’unique et seul héritier, le problème est simple. Il héritera du tout en vertu des droits d’agnation (Ta’sîb). Le grand-père n’héritera pas d’autre part en présence du père du défunt. Il est totalement évincé par le père.
Enfin en présence de l’un des descendants du défunt, fils, petit-fils, fille ou petite-fille, le grand-père est héritier réservataire (héritier fard) et sa part est le sixième.
Les cas où le grand-père hérite en l’absence des descendants, des frères et sœurs, et en présence des seuls héritiers réservataires, est aussi simple quoique un peu plus compliqué.
Le grand père est un héritier agnat (‘Asib). Il a à ce titre droit à la totalité de la succession ou à ce qu’il en reste déduction faite de la part des héritiers réservataires.
On ne peut imaginer hériter avec le grand-père, ni les neveux, ni les oncles, ni les cousins, ni les frères utérins ou sœurs utérines. Le grand-père héritant avec l’épouse aura les trois quarts de la succession, la moitié avec le mari, et les deux tiers avec la mère…
Ce n’est qu’en présence des frères germains et/ou consanguins que les choses commencent à se compliquer.
Le problème ainsi cerné nous devons envisager plusieurs cas.
- le cas où le défunt laisse pour seuls héritiers des frères germains ou consanguins et un grand-père.
- le cas où le défunt laisse des frères germains ou consanguins et des héritiers réservataires.
- le cas où le défunt laisse des frères germains et consanguins.
- le cas où le défunt laisse des frères germains et consanguins et des héritiers réservataires.
Le droit musulman traite le grand-père comme un « grand frère ».
La parenté liant le grand-père au défunt est de la même force que celle liant le frère au défunt.
Il n’est pas étonnant donc de voir le grand-père se comporter comme un frère et partager la succession avec les frères du défunt. Mais parce qu’il s’agit d’un « grand frère », sa part ne peut tomber au-dessous du tiers.
Le grand-père partage la succession à parts égales avec les frères, tant que le partage lui donne une part supérieure au tiers. Il en est ainsi dans le cas où le défunt laisse pour seuls héritiers un grand-père et un seul frère. Le grand-père aura la moitié et le frère l’autre moitié. Mais si le nombre des frères est supérieur à deux le grand-père prend le tiers de la succession. Si le nombre de frères est par exemple de trois, le grand-père aura le tiers et le reste soit les deux tiers sera divisé entre les trois frères à raison de 2/9 pour chacun.
En présence des sœurs et frères du défunt, le grand-père se comporte en tant que frère, tout en gardant jalousement ses privilèges de « grand frère ». Il a le droit ainsi, comme tout frère au double de la part de la sœur.
Si le défunt laisse par exemple un frère, une sœur et un grand-père, ce dernier a droit au 2/5, le frère au 2/5 et la sœur à 1/5 seulement.
Mais si le défunt laisse un frère et trois sœurs et un grand-père ce dernier en partageant la succession avec les frères et sœurs ne peut prétendre qu’au 2/7, mais comme sa part ne peut pas tomber au-dessous du tiers, on lui donnera alors le tiers de la succession et les frères et sœurs se partageront le reste à raison de 4/15 pour le frère, 2/15 pour chaque sœur, 5/15 soit le tiers pour le grand-père. Paradoxalement le grand-père perd ses privilèges avec les sœurs en l’absence du frère.
En présence d’une sœur unique, germaine ou consanguine, le grand-père ne peut prétendre qu’à la moitié de la succession l’autre revenant de droit à la sœur.
En présence de plusieurs sœurs, germaines ou consanguines, le grand-père n’aura droit dans tous les cas qu’au tiers de la succession, les sœurs gardant la part leur revenant de droit en tant qu’héritières réservataires soit les deux tiers.
Le problème se complique encore si en plus des frères et sœurs le défunt laisse d’autres héritiers réservataires.
Dans ce dernier cas l’option du grand-père ne s’exécute que sur le reste de la succession déduction faite au préalable de la part des héritiers réservataires.
Si par exemple on est en présence d’un grand père d’une mère et de trois frères. La mère prend sa part qui est le sixième. Les cinq sixièmes restants doivent être partagés entre le grand père et les frères. La part revenant au grand-père par le partage à parts égales avec les frères est de 5/24. Cette part est inférieure au tiers du reste qui est de 5/18. Le grand père prend donc le tiers des cinq sixièmes restants soit 5/18. Les 10/18 restants, après soustraction des 3/18 parts de la mère, seront partagés à parts égales entre les trois frères à raison de 10/54 pour chacun. Le partage se fera sur la base de 54 parts. Le sixième soit 9/54 pour la mère, 15/54 pour le grand-père, et 10/54 pour chacun des trois frères.
Pour ajouter à la complexité de la situation une autre règle veut que la part du grand-père ne doive en aucun cas être inférieure au sixième. Si dans une succession l’on se trouve en présence d’un mari, une mère, et deux frères, le mari aura la moitié, la mère le sixième, le reste est de 2/6. En partageant avec les frères le grand-père aura 2/18. En optant pour le tiers du reste il aura droit à 2/18 également. Cette part est dans tous les cas inférieure à 1/6 ou 3/18. Le grand-père retrouve sa qualité d’héritier réservataire, qualité qu’il possède en présence des descendants du défunt, et hérite du sixième. Nous reprenons Le partage sur 12. Le sixième pour la mère ou 2/12, un sixième pour le grand-père ou 2/12, 6/12 ou la moitié pour le mari, le reste soit 2/12 sera partagé entre les deux frères à raison de 1/12 pour chacun.