Nous allons dans deux articles procéder à une analyse du phénomène des ascensions et chutes de la civilisation islamique à travers l’histoire :
Principes et invariants des ascensions et chutes des civilisations :
La situation des musulmans d’al-Andalus a atteint une phase de faiblesse absolue caractérisée par la division et l’humiliation, période qui avait été précédée d’une longue apogée depuis la conquête de l’Espagne par l’Islam. C’est ainsi qu’il m’a semblé important de présenter un commentaire général et une analyse visant à mettre en évidence l’un des grands principes divins concernant l’ordre des choses en général et la Oumma en particulier, ce grand principe est l’ascension et la chute des civilisations ou leur grandeur et leur décadence, la réalité de ce principe immuable et universel est particulièrement flagrant en ce qui concerne l’Etat musulman.
Il nous faut constater que ce principe est une réalité depuis que les hommes ont commencé à générer des civilisations, et ce, jusqu’à maintenant, et cela sera vrai jusqu’au Jour du Jugement ; ainsi, selon ce grand principe divin, toutes les nations et civilisations sont nécessairement amenées à connaître une phase d’élévation, de progrès et de prospérité, puis une phase de décadence et d’affaiblissement. Il nous faut comprendre qu’il existe des grandes règles sociales et humaines générales instaurées par Allah, exalté-Il, desquelles dépendent la stabilité de la vie des hommes ainsi que l’évolution des nations et des peuples ; et donc si ces derniers se conforment à ces grandes règles universelles, alors ils vivront dans le bonheur et la prospérité, mais à l’inverse s’ils s’en éloignent, alors ils connaîtront la décadence et la chute de leur système, et à ce propos Allah, exalté soit-Il, dit : Ainsi, faisons-Nous alterner les jours (bons et mauvais) parmi les gens […] (Coran 3/140).
Evidemment, la Oumma n’est pas dispensée de connaître ce grand principe universel, c’est ainsi que depuis la descente de la révélation sur le Prophète (), la Oumma s’organise et fait ce qu’il faut ici ou là pour fonder des sociétés et civilisations, puis lorsqu’elle dévie de ce grand principe, alors surviennent l’affaiblissement et la chute.
Les causes de l’établissement d’un Etat musulman sont nombreuses, mais quelques unes de ces causes parmi celles-ci nous semblent les plus importantes et déterminantes : la foi en Allah, exalté soit-Il, et la conviction infaillible qu’Il peut tout et que c’est Lui qui aura la victoire ; la fraternité, l’unité, le rassemblement et le rejet de la division ; l’instauration de la justice par le gouvernant à l’égard des gouvernés ; l’incitation à la science et au savoir ainsi que la diffusion des fondamentaux de la religion parmi les peuples ; ou encore, une préparation minutieuse et sérieuse ainsi que le fait de faire les bonnes causes, et à propos de ce dernier point voici que dit Allah, exalté soit-Il : Et préparez [pour lutter] contre eux tout ce que vous pouvez comme force et comme cavalerie équipée, afin d’effrayer l’ennemi d’Allah et le vôtre, et d’autres encore que vous ne connaissez pas en dehors de ceux-ci mais qu’Allah connaît. Et tout ce que vous dépensez dans le sentier d’Allah vous sera remboursé pleinement et vous ne serez point lésés (Coran 8/60).
Ainsi, quand les musulmans mettent correctement en œuvre ces causes fondamentales, alors automatiquement ils arrivent à établir de bons systèmes d’organisation, même s’il est vrai que ce processus est le plus souvent très lent et se fait progressivement, de plus, afin de mener à bien ce type de projet de société, il faut faire montre de beaucoup de patience, d’esprit de sacrifice et de constance, mais le jeu en vaut la chandelle, car le résultat de ces efforts est l’établissement d’un système solide. Après cette première phase, vient le temps où l’extension et le développement de cet Etat musulman deviennent effectifs à telle enseigne que le monde s’ouvre aux tenants musulmans d’un tel Etat ; toutefois, à partir de cette phase, peu parmi les musulmans résistent aux tentations et attraits de ce bas-monde, alors la plupart des gens sont happés par une vie matérialiste dégradante, et à ce propos le Prophète () a dit : Toutes les nations ont chacune leur tentation dangereuse, et celle de ma communauté est l’argent (al-Tirmidhî).
Et donc, lorsqu’une grande partie des musulmans commencent à se relâcher et à être séduits plus que de raison par la vie d’ici-bas, alors commence la phase descendante de cet Etat, c’est-à-dire celle de son affaiblissement qui mènera à sa chute ; en fait, plus une civilisation ou un Etat a été haut matériellement et plus ses membres se sont laissés submergés par se bien-être matériel, plus la chute est brutale et rude.
La manière de faire de ‘Umar ibn al-Khattâb (Radhia Allahou Anhou) pour résister à cette tentation dangereuse :
‘Umar ibn al-Khattâb (Radhia Allahou Anhou) pris conscience du danger que représentait cette tentation matérialiste, et c’est ce qui le poussa en l’an 17 de l’Hégire (735) à stopper les conquêtes visant les territoires de la Perse, cette décision n’eut pas d’équivalent dans toute l’histoire des musulmans, hormis chez les quelques dirigeants qui étaient de la même trempe que ce grand calife de l’Islam, décision que ce dernier osa prendre au moment où le monde avec ses innombrables richesses matérielles s’ouvrait aux musulmans.
En fait, ‘Umar ibn al-Khattâb (Radhia Allahou Anhou) eut peur que les tentations matérielles de ce bas-monde s’emparent totalement du cœur des musulmans, il craignit pour eux qu’ils soient séduits par les plaisirs de la vie terrestres et soient donc perdants dans l’au-delà mais également dans ce bas-monde par la perte de leur Etat. Ainsi, le but principal de ‘Umar (Radhia Allahou Anhou) était que le peuple dont il avait la charge entre au Paradis et non qu’il pénètre nécessairement en territoire perse, et donc que l’entrée dans ce dernier se fasse au détriment de l’entrée au premier, c’est ainsi qu’il dit : J’aurais aimé qu’il y ait entre nous et la Perse une montagne de flammes afin que jamais nous ne puissions aller jusqu’à chez eux et que jamais ils ne puissent venir jusqu’à chez nous (al-Tabârî). En fait, ‘Umar (Radhia Allahou Anhou) ne reprit les conquêtes qu’après que les Perses eurent décidé d’attaquer les musulmans, il (Radhia Allahou Anhou) eut peur que ces derniers ne soient vaincus et anéantis.
La Oumma se distingue par le fait qu’elle est une nation qui ne mourra pas et qui sera toujours là, et même si à un moment elle connaît une période de décadence et la chute, elle arrive toujours à se relever ; en fait, le fait que la chute ne soit pas suivie d’un relèvement ne fait pas partie du grand principe divin en ce qui concerne les musulmans, cela ne se produit qu’avec les autres nations et pas avec celle de l’Islam, lesquelles nations peuvent être à un moment de leur histoire totalement anéanties et ne jamais se relever, et ce, quand bien même elles ont duré dans le temps et atteint un haut niveau civilisationnel. Parmi les exemples les plus évidents de nations illustres qui ne se sont jamais relevées on trouve sans conteste les civilisations de l’Egypte ancienne, de la Grèce antique, des empires perse et byzantin ou bien encore celle de l’empire de la Couronne d’Angleterre sur lequel le soleil ne se couchait pas. Ce principe universel est bien mis en évidence par des Paroles d’Allah comme par exemple celle-ci : Allah a prescrit : Assurément je triompherai, Moi ainsi que Mes messagers . En vérité Allah est Fort et Puissant (Coran 58/20) ; ou bien encore : Allah a promis à ceux d’entre vous qui ont cru et fait de bonnes œuvres qu’Il leur donnerait la succession sur terre comme Il l’a donnée à ceux qui les ont précédés. Il donnerait force et suprématie à leur religion qu’Il a agréée pour eux. Il leur changerait leur ancienne peur en sécurité. Ils M’adorent et ne M’associent rien et celui qui mécroit par la suite, ce sont ceux-là les pervers (Coran 24/55).
Parmi les autres preuves qui confirment la réalité de ce grand principe divin concernant la Oumma, on trouve cette parole du Prophète () qui a dit : Allah envoie tous les cent ans à cette communauté (la Oumma) quelqu’un qui vient revivifier sa religion (Abû Dâwûd). Le sens de cela est que lorsque la Oumma connaît une période de décadence, celle-ci est toujours suivie d’un relèvement mené par un revivificateur ou bien un groupe qui se chargera de mener à bien cette revivification, et ce, jusqu’à la venue de l’Heure.
(A suivre).