Point de vue religieux sur le fait de donner la Zakât dans un autre pays
Fatwa No: 12533

Question

Est-il permis de donner la Zakât dans un pays musulman où se trouve un proche pauvre qui ne travaille pas ?

Réponse

 Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :
Le principe de base sur cette question qui fait l’unanimité des savants est que la Zakât doit être distribuée dans la contrée où se trouvent les biens objet de la Zakât.
Les savants sont également d’accord sur le fait que, si les gens du pays peuvent se dispenser de la Zakât – de toute la Zakât ou d’une partie seulement – parce qu’il n’y a pas de catégorie d’ayants-droit ou parce qu’ils ne sont pas assez nombreux et que les biens de la Zakât sont importants, alors dans ce cas, il est permis de l’envoyer à des gens dans un autre pays. La plupart des savants considèrent que cela est suffisant pour s’acquitter de la Zakât et que ce n’est plus une obligation pour ceux qui l’ont envoyé dans un autre pays si les gens du pays où il se trouve n’ont pas besoin de cette Zakât. Certains ont affirmé qu’il y a un consensus des savants sur ce point. Al-Qârî a dit dans son Sharh Al-Mishkât, en reproduisant les propos de Al-Tîbî : Les savants sont d’accord pour affirmer que si les biens de la Zakât sont envoyés dans un autre pays et remis à des ayants-droits à la Zakât alors l’obligation de s’acquitter de la Zakât a été accomplie. Sauf Omar ibn Abd Al-Aziz, puisqu’il a renvoyé une aumône venant de Khorâsân pour le pays du Levant. Al-Qârî a dit : De ceci, nous en déduisons que son acte ne s’oppose pas au consensus des savants. Au contraire, en agissant ainsi, il a mis en évidence la parfaite justice, pour couper court à toute convoitise. Fin de citation.
Ce qui est juste est que cette question est objet de divergence. L’avis de référence pour les Shâfi’ites et selon une version des Hanbalites est qu’envoyer les biens de la Zakât dans un autre pays n’est pas suffisant pour considérer que le fidèle qui l’a envoyé dans ce pays alors qu’il existe des ayants-droits à la Zakât là où il se trouve s’est acquitté de la Zakât et dédouaner de son obligation.
Les savants ont divergé pour déterminer si celui qui agissait ainsi sans raison était coupable d’un péché ou non ? Les Shâfi’ites et les Hanbalites considèrent que oui alors que les Hanafites non. Ces derniers affirment :
Il est réprimandable d’envoyer des biens de la Zakât dans un autre pays sauf si on l’envoie à un proche de la famille dans le besoin en raison de ce que cela représente comme entretien de lien de parenté. Ou alors, si ces biens sont envoyés à une personne ou des gens qui en ont encore plus besoin que ceux du pays où il se trouve. Ou alors, que les envoyer dans un autre pays est plus profitable aux musulmans. Ou alors, les envoyer d’une contrée où les autorités sont en guerre avec les musulmans pour les envoyer dans une contrée musulmane. Ceci parce que les pauvres musulmans qui vivent en terre d’Islam sont plus en droit de recevoir de l’aide que les pauvres vivant dans une contrée en guerre avec les musulmans. Ou alors, l’envoyer à un savant ou un étudiant parce que cela l’aide à ce qu’il transmette le message de l’Islam. Ou alors, qu’envoyer ces biens est plus scrupuleux, plus profitable et plus utile aux musulmans. Ou alors que la Zakât est payée avant que l’année révolue ne se soit écoulée. Dans tous ces cas, il n’est pas réprimandable d’envoyer la Zakât dans un autre pays. Fin de citation.
Et c’est cet avis qui est le plus juste. C’est l’avis auquel s’est rangé Ibn Taymiyya. Il a dit : Il n’y a aucune preuve juridique qui puisse interdire d’envoyer des biens de la Zakât dans une contrée lointaine d’une distance permettant de raccourcir les prières. Il est donc permis d’envoyer la Zakât et tout ce qui a le même jugement s’il y a un intérêt à le faire.
Les propos de Cheikh Al-Islam comprennent une réplique à l’avis de référence des Hanbalites et aussi des Malikites. En effet, l’avis de ces deux écoles indique qu’il est obligatoire que les biens de la Zakât soient distribués sur le lieu ou proche du lieu où se trouvent les biens en question, c’est-à-dire à une distance inférieure à celle qui permettrait, si on allait au-delà, de raccourcir les prières. Ceci parce que le statut d’obligation est lié au lieu. En résumé, l’avis de ces deux écoles concernant le fait d’envoyer les biens de la Zakât dans une autre contrée est : Si aucun ayant droit à la Zakât ne se trouve sur les lieux ou proche des lieux où se trouvent les biens en question, alors il est obligatoire de les envoyer là où il y a des ayants-droits, même si la distance dépasse celle qui permet de raccourcir les prières. Mais si des ayants-droits à la Zakât se trouvent là où il y a les biens, ou proche, alors il est obligatoire de remettre ces biens dans cette contrée ou un endroit proche. Et il n’est pas permis de les envoyer à une distance supérieure. Sauf dans le cas où il y aurait dans cette contrée lointaine, des gens qui en ont plus besoin et qui sont plus pauvres. Dans ce cas, il est recommandé de leur envoyer la majeure partie de cette Zakât. Si le fidèle envoie toute la Zakât ou la répartit toute sur le lieu où cela est obligatoire, alors cela est suffisant. Mais s’il l’envoie à des gens qui ne sont pas forcément dans le besoin ou plus pauvre alors deux cas de figure se présentent :
Le premier : que le fidèle envoie sa Zakât dans une autre contrée à une personne qui a le même besoin que celle de la contrée où il se trouve. Dans ce cas, cela n’est pas permis. Mais cela est suffisant pour s’acquitter de la Zakât et il n’aura pas à la donner une seconde fois.
Le deuxième : Le fidèle envoie la Zakât dans une autre contrée à une personne qui en a moins besoin que celle de la contrée où il se trouve. Il y a deux avis ici : 1) Ce qu’a énoncé Khalîl dans son Mukhtasar : cela n’est pas suffisant pour s’acquitter de l’obligation de la Zakât. 2) ce qu’a mentionné Ibn Rushd et l’auteur du livre Al-Kâfî : cela est suffisant parce que la Zakât n’est pas sortie du cadre des personnes ayants droit à la Zakât.
Pour plus d’informations il est possible de revenir au livre Fiqh Al-Zakât de son auteur Cheikh Youssouf Al-Qardâwî, qu’Allah lui accorde sa miséricorde.

Et Allah sait mieux.

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