Donner la Zakat Ă  des association qui l'utilise pour financer des projets en faveur des pauvres
Fatwa No: 210652

Question

As-salamou 'aleykom,
Est-il permis de verser ZakĂąt al-MĂąl Ă  des associations qui utilisent cet argent pour aider les pauvres en leur remettant mais qui utilisent aussi cet argent de Zakat al-MĂąl pour financer des projets en faveur de ces pauvres comme:
- Lutte contre le paludisme
- L'Ă©levage de chĂšvre
- La distribution de colis alimentaires pendant Ramadhan
- Le forage de puits
- RĂ©habilitation d'Ă©coles
- Lutte contre la précarité
- Autres besoins vitaux des pauvres
C'est en fait la répartition de la plupart des associations caritatives dans l'utilisation de Zakat al-Mùl (données tirées de leur site web).
Or, il me semble avoir lu dans une de vos fatawas que la ZakĂąt al-MĂąl devait ĂȘtre remise sous la mĂȘme forme que la nature de son prĂ©lĂšvement (ici le liquide).
Veuillez, s'il vous plait, nous éclaircir en nous détaillant l'avis des ulemas et la meilleure chose à faire.
Puisse Allah vous récompenser de la meilleure des maniÚres

Réponse

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction d'Allah soient sur Son ProphÚte et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons.

Si ces associations caritatives fonctionnent comme vous l'avez dĂ©crit, il n’est alors pas permis de leur donner la ZakĂąt et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ces associations font fructifier l’argent de la ZakĂąt et ne le donnent pas directemment aux bĂ©nĂ©ficiaires. Or, la ZakĂąt doit obligatoirement ĂȘtre payĂ©e aux bĂ©nĂ©ficiaires. Ces derniers doivent en prendre possession. Il n’est pas permis de donner l’argent de la ZakĂąt Ă  une association qui ne le reverse pas aux bĂ©nĂ©ficiaires.
Une autre raison est que ces associations peuvent dĂ©penser l’argent de la ZakĂąt dans un domaine oĂč il n'est pas censĂ© ĂȘtre dĂ©pensĂ© comme celui de la lutte contre le paludisme. En effet, la lutte contre le paludisme concerne aussi bien les riches que les pauvres. Or, la ZakĂąt ne doit pas ĂȘtre dĂ©pensĂ©e au bĂ©nĂ©fice des riches.
L'association dont vous parlez se sert Ă©galement de l’argent de la ZakĂąt pour l'achat et la distribution de provisions pendant le mois de Ramadan. Or, lĂ  aussi les riches sont concernĂ©s. En outre, il est interdit d'utiliser l’argent de la ZakĂąt pour creuser des puits, construire des Ă©coles, faire l'Ă©levage du bĂ©tail ou toute autre chose qui ne permet pas aux pauvres de prendre possession de l'argent. Le cheikh ibn BĂąz, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, a dit : Certains oulĂ©mas contemporains sont d’avis qu’il est permis de dĂ©penser l’argent de la ZakĂąt dans des projets caritatifs, mais ce n’est pas l’avis prĂ©pondĂ©rant, car il est contraire Ă  l'avis des anciens oulĂ©mas et aux preuves fournies par la Charia .

Le Cheikh ibn ‘UthaymĂźn, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, a le mĂȘme avis et c’est Ă©galement ce qui est mentionnĂ© dans les fatwas du ComitĂ© permanent : Le paiement de la ZakĂąt ne doit pas ĂȘtre retardĂ© ni dĂ©pensĂ© dans des projets caritatifs Ă  caractĂšre gĂ©nĂ©ral , affirme le comitĂ©.

Le principe de base veut que la ZakĂąt soit remise aux bĂ©nĂ©ficiaires sous la nature mĂȘme qu'elle a Ă©tĂ© prĂ©levĂ©e et non l’équivalent. Payer la ZakĂąt en donnant l'Ă©quivalent en argent des biens prĂ©levĂ©s prĂȘte Ă  des divergences entre les oulĂ©mas. Il existe Ă  cet Ă©gard trois avis : la permission absolue, l’interdiction absolue et la permission seulement en cas de nĂ©cessitĂ© ou dans un intĂ©rĂȘt spĂ©cifique. Puisque vous avez demandĂ© des dĂ©tails, sachez que le premier avis, en faveur de la permission absolue, est celui de l’école hanafite. C'est Ă©galement l'avis d’al-ThawrĂź et de l’Imam al-BukhĂąrĂź, qu'Allah leur fasse misĂ©ricorde.

Al-HĂąfidh, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, a dit en citant Ibn RachĂźd : Al-BukhĂąrĂź a rejoint l’avis de l’école hanafite sur cette question et bien qu’il soit opposĂ© Ă  d'innombrables avis de cette Ă©cole, les preuves le poussĂšrent Ă  adopter cette position

Al-NawawĂź, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, a dit : Ceux qui ont autorisĂ© le payement de la ZakĂąt en donnant son Ă©quivalent en argent se sont appuyĂ©s sur l'histoire de Mu’ñdh, qu'Allah soit satisfait de lui, que le ProphĂšte () envoya aux habitants du YĂ©men afin de prĂ©lever leur ZakĂąt. Il leur dit : “Apportez-moi des biens en nature, des piĂšces d’étoffe (KhamĂźs) ou des vĂȘtements pour le paiement de l’aumĂŽne lĂ©gale, Ă  la place de l’orge et du millet, car cela est plus facile pour vous et prĂ©fĂ©rable pour les compagnons du ProphĂšte () qui se trouvent Ă  MĂ©dine.” (RapportĂ© par al BukhĂąrĂź)

Ils se sont appuyĂ©s Ă©galement sur un hadith authentique dĂ©crĂ©tant le don d’une chamelle d’un an pour un troupeau de camĂ©lidĂ©s de vingt-cinq tĂȘtes, et Ă  dĂ©faut d'un chamelon de deux ans rĂ©volus. Selon eux, ce hadith montre qu'il est permis de convertir la valeur d’un bien en argent pour le paiement de la ZakĂąt. En effet, tant qu’il s’agit de bien sujets Ă  la ZakĂąt, il est permis de s’en acquitter en payant l’équivalent de leur valeur en argent au mĂȘme titre que les articles destinĂ©s Ă  la vente. Et Ă©tant donnĂ© que la valeur d’un bien est convertible en argent, ce procĂ©dĂ© ressemble Ă  ce qui est mentionnĂ© dans les textes de la charia. Ainsi, s’il est permis de donner l’équivalent d’un type de bĂ©tails Ă  la place d’un autre, sur la base de sa valeur, il doit ĂȘtre Ă©galement permis de donner un type de bien Ă  la place d’un autre en se basant Ă©galement sur la valeur. (Al-Fath)

La majoritĂ© des oulĂ©mas, en la personne des malĂ©kites, des chafĂ©ites et des hanbalites, se sont opposĂ©s Ă  ce principe. Al-NawawĂź, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, mentionne dans son livre Al-Madjmû’ que : La Charia mentionne spĂ©cifiquement la chamelle d’un an, la chamelle de deux ans, la chamelle de trois ans, la chamelle de quatre ans, la vache d’un an, la vache de deux ans, une ou plusieurs chĂšvre (selon les cas) pour la ZakĂąt. Il n’est donc pas permis de donner autre chose que ces bĂȘtes tout comme il n'est pas permis de modifier les caractĂ©ristiques convenues des bĂȘtes dĂ©stinĂ©es aux sacrifices rituels, Ă  faire al-'Aqiqa lors de la naissance d'un enfant, ou Ă  l'expiation (Kafara) ...
L’auteur du livre intitulĂ© Al-HĂąwĂź s’appuie sur la parole du ProphĂšte () qui a ordonnĂ© de verser la ZakĂąt al-Fitr en donnant un boisseau prophĂ©tique de dattes, d’orge etc. Le ProphĂšte () n'a rien mentionnĂ© d'autre. Le ProphĂšte () a dit :

Tout propriĂ©taire d'un troupeau de camĂ©lidĂ©s de vingt-cinq tĂȘtes est redevable d’une ZakĂąt Ă  raison d’une chamelle d’un an et Ă  dĂ©faut de cette derniĂšre, d'un chamelon de deux ans. (Al-BukhĂąrĂź)

S'il avait Ă©tĂ© permis de donner de l'argent Ă  la place de ces bĂȘtes, le prophĂšte (Salla Allaho 'Alaihi wa Sallam) l'aurait sans doute mentionnĂ© au mĂȘme titre qu'il a mentionnĂ© la chamelle de trois ans et deux chĂšvres ou vingt dirhams pour celui qui ne possĂšde pas une chamelle de quatre ans.

Dans le hadith d’Anas, qu'Allah soit satisfait de lui, au dĂ©but du chapitre concernant la ZakĂąt sur les chameaux, le ProphĂšte () a Ă©valuĂ© Ă  vingt dirhams le montant que doit verser celui qui ne possĂšde pas les bĂȘtes requises et donner Ă  leurs places des bĂȘtes moins valeureuses. Or, s’il avait Ă©tĂ© permis de payer la valeur en monnaie de la ZakĂąt, le ProphĂšte () n’aurait pas fixĂ© cette somme et celle-ci aurait alors variĂ© en fonction de la valeur du bĂ©tail et de la monnaie. Al-DjuwaynĂź a dit dans son livre intitulĂ© al-AsĂąlĂźb : Les oulĂ©mas chafĂ©ites se basent sur la preuve que la ZakĂąt est un acte d’adoration envers Allah, exaltĂ© soit-Il, et pour tout acte d’adoration, la rĂšgle veut que l’ordre d’Allah, exaltĂ© soit-Il, soit respectĂ© .

Le troisiĂšme avis sur la question est d'autoriser dans certains cas le paiement de la Zakat en donnant son Ă©quivalent en argent. Il est alors permis de donner la valeur en argent de la ZakĂąt lorsque cela est nĂ©cessaire ou lorsqu’il y a un intĂ©rĂȘt qui l'exige, sinon cela est interdit. C'est l’avis du cheikh al-IslĂąm ibn Taymiyya, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, qui affirme que les avis de l'Imam Ahmad, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, vont dans ce sens. C’est ce que rapporte ibn QĂąsim al-NadjdĂź, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, dans la glose du livre intitulĂ© al-Rawd en disant : Il est permis de donner la valeur en monnaie de la ZakĂąt lorsque cela est nĂ©cessaire ou comporte un intĂ©rĂȘt. C'est le cas par exemple de quelqu’un qui vend les fruits de son verger pour en rĂ©partir la valeur de maniĂšre Ă©quitable entre les pauvres et lui. L’Imam Ahmad, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, mentionne la permission de faire cela. Un autre exemple est celui de quelqu’un qui doit donner une chĂšvre qu’il ne possĂšde pas en guise de ZakĂąt, ou lorsque les bĂ©nĂ©ficiaires de cette chĂšvre en rĂ©clament la valeur sous forme monĂ©taire parce que cela leur est prĂ©fĂ©rable.

Notre avis est qu’il n’y a pas de mal Ă  payer la valeur de la ZakĂąt lorsque cela est nĂ©cessaire et lorsqu’il y a un intĂ©rĂȘt Ă  le faire, surtout pour les pauvres.

Certains oulĂ©mas font une exception pour la ZakĂąt al-Fitr. Ils permettent le paiement de la valeur en monnaie de la ZakĂąt en gĂ©nĂ©ral sauf ZakĂąt al-Fitr. Cette exception a Ă©tĂ© rapportĂ©e par l’Imam Ahmad, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, dont l’avis faisant autoritĂ© dans son Ă©cole est l’interdiction absolue de payer la valeur monĂ©taire de la ZakĂąt, mais dont une version rapporte que cela est permis Ă  l’exception de la ZakĂąt al-Fitr.

Ibn QudĂąma al-MaqdisĂź, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde a dit : L’avis faisant autoritĂ© dans l’école est qu’il est interdit de payer la valeur en argent pour n’importe quelle ZakĂąt. C'est l’avis des Imams MĂąlik et Al-ChĂąfi’ü, qu'Allah leur fasse misĂ©ricorde. Quant Ă  al-ThawrĂź et AbĂ» HanĂźfa, qu'Allah leur fasse misĂ©ricorde, ils disent que c'est permis comme cela a Ă©tĂ© rapportĂ© de ‘Umar ibn ‘Abd Al-‘AzĂźz qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, et d’al-Hasan, qu'Allah soit satisfait de lui. Il a Ă©tĂ© rapportĂ© de l’Imam Ahmad, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, le mĂȘme avis exception faite de la ZakĂąt al-Fitr pour laquelle il affirma qu’il n’ést pas permis de payer sa valeur en argent. AbĂ» DĂąwĂ»d, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, a rapportĂ© que quelqu’un dit Ă  Ahmad, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde : “Je donne des dirhams pour la ZakĂąt al-Fitr”. Ahmad, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, rĂ©pondit : “Je crains que cela ne soit pas valable, car cela va Ă  l’encontre de la Sunna du ProphĂšte ()”. Selon AbĂ» TĂąlib l’imam Ahmad, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, a dit : “Qu’il ne donne pas la valeur en monnaie”. On l’informa alors que les gens disaient que ‘Umar ibn ‘Abd Al-‘AzĂźz, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, en prenait la valeur et il rĂ©pondit : “Les gens dĂ©laissent la parole du ProphĂšte () au profit de la parole d’untel ?” Quant Ă  Ibn ‘Umar, qu'Allah soit satisfait de lui, il dit : “Ainsi ordonna le ProphĂšte () et Allah, exaltĂ© soit-Il, dit (sens du verset) : ‘ObĂ©issez Ă  Allah et obĂ©issez au Messager’ (Coran 64/12)”.
Il a Ă©tĂ© rapportĂ© qu’Ahmad, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, a permis que l’on paye la valeur en monnaie de la ZakĂąt sauf la ZakĂąt al-Fitr. AbĂ» DĂąwĂ»d, qu'Allah lui fasse misĂ©ricorde, a dit : “On questionna Ahmad Ă  propos d’un homme qui avait vendu les fruits de son palmier.
– ‘Il doit donner le dixiĂšme en ZakĂąt’ rĂ©pondit-il.
– ‘Doit-il donner des dattes ou leur valeur en monnaie ?’ demanda-t-on alors.
– ‘Il peut choisir de donner des dattes ou de donner leur valeur en monnaie’ rĂ©pondit-il (Al-Charh al-KabĂźr).

Et Allah sait mieux.

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