Le propriétaire loue un local déjà loué Fatwa No: 492100
- Fatwa Date:13-6-2024
J’ai loué un local pour une durée d’un an. Après trois mois, je l’ai fermé. Suite à cela, le propriétaire du local l’a loué à nouveau à un autre locataire sans me dire combien il l’a loué.
Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :
Vous ne nous avez pas suffisamment clarifié le but de votre question ! Dans tous les cas, ce genre de question relève du tribunal et non de la Fatwa puisqu’il s’agit d’un conflit lié à des questions dont les statuts sont objet de divergence. Un propriétaire a-t-il le droit de louer un local à un nouveau locataire alors qu’un bail de location est en cours avec le premier locataire ? Les savants divergent à ce sujet. Certains sont d’avis que cela est interdit et d’autres que cela est permis. Selon ces derniers, le deuxième locataire prend le statut du propriétaire pour percevoir les loyers du premier locataire.
Dans le livre Al-Insâf, Al-Mardâwî a dit : Ibn ‘Aqîl a dit dans son livre Al-Fusûl, ou Al-Funûn : Si un propriétaire d’un bien immobilier l’a loué, il n’a pas le droit d’en tirer profit comme bon lui semble en le louant à nouveau ou en le prêtant à un tiers qu’après la fin de la période de location de façon que le locataire profite pleinement de l’utilisation du bien loué conformément au bail de location. En effet, tant que la durée du bail n’a pas pris fin, le locataire a le droit de tirer profit du bien loué. Il n’est donc pas permis au propriétaire d’utiliser un bien dont l’occupation revient de droit au locataire, conformément aux clauses du bail. Fin de citation.
Comme cela est mentionné dans Al-Fatâwa Al-Kubrâ, Cheikh Al-Islam ibn Taymiyya a dit : Il est permis au propriétaire d’un bien de louer un bien qu’il a déjà loué à un nouveau locataire pendant la durée même du bail en cours avec le premier locataire. Le deuxième locataire aura le statut de propriétaire par rapport au premier locataire et percevra les loyers qu’il lui doit. Certains juristes se sont mépris en jugeant que le deuxième contrat de location est invalide en pensant que ce cas est similaire au fait de vendre un bien déjà vendu et que cela revient à agir avec un bien qu’on ne possède pas. Mais ce n’est pas le cas. Au contraire, il s’agit ici d’agir de plein droit avec le locataire. Fin de citation.
Et tout comme les savants ont divergé sur le statut de cette première question, ils ont également divergé sur le statut des conséquences de cette question. Certains considèrent que le deuxième contrat de location est invalide. D’autres sont d’avis qu’il incombe au locataire de payer les loyers de toute la durée du bail, mais qu’il a le droit de réclamer au propriétaire tous les loyers qu’il a perçu en louant le bien durant la période du bail.
Dans son ouvrage Al-Mughnî, Ibn Qudâma dit : Le locataire détient le droit de profiter du bien loué en vertu du bail au même titre qu’une personne qui achète un bien détient le droit d’en profiter comme il l’entend. Le propriétaire d’un bien n’a plus le droit d’en profiter une fois loué, au même titre que le propriétaire d’un bien n’a plus le droit d’en profiter une fois qu’il l’a vendu. Le propriétaire d’un bien n’a donc pas le droit d’en profiter au cours du bail puisque ce droit appartient désormais au locataire en vertu du bail, au même titre que celui qui a vendu un bien ne peut plus l’utiliser comme bon lui semble. Aussi, si le propriétaire utilise malgré tout le bien après cela, il nous faut regarder précisément le cas de figure.
Si cela est dû au locataire qui n’utilise plus le bien loué avant la fin du bail, par exemple, il loue une maison pour un an et y habite un mois puis s’en va et le propriétaire vient alors y habiter le reste de l’année ou la loue à un tiers. On peut éventuellement considérer que le bail est annulé durant la période où le propriétaire en a profité puisqu’il a utilisé le bien avant que le locataire puisse le faire. Ce cas est similaire à une personne qui vend de la nourriture à une autre. Or, une partie de cette nourriture a pourri avant de la lui remettre et seul le reste est intact. Ainsi, si le propriétaire tire profit du bien pour une partie de la durée du bail, le bail est caduc au prorata de cette durée. Et il incombera au locataire de payer le reste de la durée. Par exemple, si le locataire habite dans la maison durant un mois et n’y habite pas durant un mois, et que le propriétaire y habite ensuite durant dix mois, le locataire devra payer deux mois de loyer. Et si le locataire y habite un mois et que le propriétaire y habite deux mois, puis la laisse, alors le locataire devra payer dix mois.
Mais aussi, on peut considérer que le locataire doit payer les loyers de toute la durée du bail. Et il a le droit de réclamer au propriétaire le montant des loyers durant les mois où le propriétaire y a habité ou durant lesquels il a utilisé le bien loué. Le locataire devra payer les loyers restants. Ceci parce que le propriétaire a utilisé le bien sans l’autorisation du locataire alors que c’est ce dernier qui détient le droit de tirer profit du bien. Ce cas est donc similaire à celui qui vend un bien à autrui qui en prend possession, puis utilise ce bien comme bon lui semble. Or, en entrant dans la maison, le locataire prend possession du droit d’utilisation qui est le sien d’y habiter ou de le louer ou autre. En conséquence, si les loyers que le propriétaire doit payer au locataire sont de même valeur que ceux indiqués sur le bail, le locataire ne devra rien lui payer. Mais s’il a perçu des loyers d’un montant supérieur, il devra donner ce superflu au locataire. Mais le premier avis semble mieux fondé. C’est d’ailleurs l’avis qui semble être celui de l’école Shâfi’ite. Fin de citation.
Ainsi, vous devez revenir aux institutions spécialisées pour trancher un tel conflit, ou vous entretenir avec des savants qui pourront entendre les plaidoiries des deux parties et trancher ce qui doit l’être.
Et Allah sait mieux.