L'abrogation d'un verset invalide-t-elle son statut juridique ? Autrement dit, pour les versets du Coran dont le jugement a été abrogé mais qui demeurent présents et sont toujours récités, est-il permis de s’y référer comme preuve ou non ?
Louange à Allah et que la paix et bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :
Dans la terminologie juridique islamique, l'abrogation (An-Naskh) désigne la suppression d’un jugement religieux par une preuve légale ultérieure, comme l’indique Ad-Durar Al-Lawāmi‘ fī Charh Jam‘ Al-Jawāmi‘ (2/461).
Le cheikh Mohammed Al-Amîn Ach-Chanqîtî a expliqué dans Mudhakkara Uṣūl Al-Fiqh que l’abrogation se divise en trois catégories :
1. L’abrogation de la récitation du verset (Rasm) tout en maintenant son jugement.
Exemple : Le verset de la lapidation (āyat ar-rajm) :
« Le vieillard et la vieille femme, s’ils commettent l’adultère, lapidez-les sans aucun doute, comme châtiment de la part d’Allah. Allah est Puissant et Sage. »
Ce verset a été mentionné par ‘Omar (qu’Allah soit satisfait de lui) dans un discours rapporté dans les Deux Sahîh (Al-Bukhârî et Muslim), bien qu’il ne figure plus dans le Coran.
2. L’abrogation du jugement du verset tout en maintenant sa récitation.
Exemple : L’abrogation de l’obligation pour la veuve d’observer une période d’attente (‘idda) d’un an (mentionnée dans Sourate Al-Baqara 2: 240), bien que le verset soit toujours présent dans le Coran.
3. L’abrogation à la fois de la récitation et du jugement du verset.
Exemple : Ce qui est rapporté dans Sahîh Muslim d’après ‘Âïcha (qu’Allah soit satisfait d’elle) :
« Parmi les versets révélés figurait : "Dix allaitements bien établis rendent illicite (le mariage)" – puis cela fut abrogé par "cinq allaitements". Le Prophète () est décédé alors que ces versets étaient encore récités dans le Coran. »
Ainsi, il est clair que le jugement abrogé est levé et invalidé, et qu’on ne peut pas invoquer un texte abrogé pour justifier un statut juridique annulé, une fois son abrogation confirmée.
Al-Qurtubî a commenté le verset « Tout verset que Nous abrogeons… » (Sourate Al-Baqara 2:106) en expliquant que cette réponse divine fut révélée lorsque les Juifs, par jalousie, critiquèrent les musulmans pour leur changement de direction de prière (Qibla), prétendant que le Coran se contredisait. Allah a alors clarifié que l’abrogation fait partie de Sa sagesse législative.
Parfois, un jugement obligatoire (wujûb) est abrogé, mais le verset reste indicatif d’un acte recommandé (mustahabb). Ainsi, dans Sahîh Mouslim, ‘Âïcha (qu’Allah soit satisfait d’elle) rapporte que le premier verset de Sourate Al-Muzzammil imposait la prière nocturne, mais après un an, Allah allégea cette obligation dans les derniers versets de cette même sourate, la transformant en acte surérogatoire.
Et Allah sait mieux.
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