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Le contrôle de la médecine dans la civilisation islamique

Le contrôle de la médecine dans la civilisation islamique

L’un des pires fléaux qui frappent la génération actuelle des musulmans est leur grande ignorance de leur histoire et de la civilisation de laquelle ils sont issus et à laquelle ils appartiennent. Nombreux sont ceux qui sont fort surpris lorsqu’ils apprennent que ce sont les musulmans qui ont appris la propreté à l’Europe, que les rues d’al-Andalus étaient pendant le Moyen Âge les seules dans tout l’Occident à être éclairées durant la nuit ou que ce sont les musulmans qui ont découvert le processus du développement des épidémies huit siècles avant l’Europe, nous ne pouvons donner ici une liste exhaustive des choses que doit l’humanité à la civilisation islamique, car elles sont pléthoriques.
Cette dure réalité nous amène à essayer de trouver des remèdes dont les deux plus importants sont les suivants : d’une part, la Oumma devrait essayer de se pencher plus attentivement et profondément sur son identité et sa civilisation, car en effet elle n’a de ces deux éléments qu’une connaissance superficielle ; et, d’autre part, les chercheurs spécialisés dans la civilisation islamique devraient tout faire, car il en va de leur responsabilité, pour mettre en évidence et en valeur des aspects encore méconnus d’une civilisation qui fut très florissante, ainsi ceux qui ignoraient ces aspects s’intéresseront à cette dernière et ceux qui la connaissaient déjà verront leur intérêt pour elle encore augmenter.

Dans les lignes qui vont suivre, nous allons étudier certaines réalisations remarquables faites par la civilisation islamique dans le domaine de la médecine, et plus particulièrement dans le domaine plus précis du contrôle de cette profession, il s’agira notamment de se pencher sur l’organisation de ce contrôle et sur ceux qui en étaient chargés.
Les musulmans inventèrent dès le troisième siècle de l’Hégire le système de diplôme en médecine, lequel diplôme donnait le droit au médecin de pratiquer son métier. Ainsi, le premier à avoir inventé ce système de « permis d’exercer la médecine » fut un certain Sannân ibn Thâbit qui était le chef des médecins à Bagdad au troisième siècle de l’Hégire. Ce dernier fut sollicité par le calife abbasside al-Mu’tadid (mort en 279 de l’Hégire) pour qu’il fasse passer un examen à tous les médecins de Bagdad, lesquels étaient environ 860, de plus le calife ordonna au contrôleur des poids et mesures d’interdire aux médecins qui n’avaient pas passé cet examen de pratiquer leur métier.
Notons tout de même que les origines de ce « permis d’exercer la médecine » remontent à avant ce décret califal ; en effet, il nous faut rappeler qu’un médecin du Châm appelé ‘Ali ibn Ishâq al-Rahâwî avait évoqué dans son livre Adab al-Tabîb, rédigé au troisième siècle de l’Hégire, le fait que le patient devait avoir une confiance absolue dans son médecin, il donne à ce propos les questions que tout patient devrait se demander face un médecin : « Est-ce que le médecin a reçu l’autorisation d’exercer de la part des grands médecins reconnus et qui font autorités ? S’engage-t-il à remplir ses devoirs et à ne pas faire des choses interdites ? ».
Mais revenons à Bagdad. Ainsi, chaque spécialité médicale avait un livre sur lequel était interrogé l’étudiant, si ce dernier maîtrisait parfaitement sa spécialité, alors il obtenait son diplôme. Voici, à titre d’exemple, l’extrait du texte se trouvant sur le diplôme de médecine spécialisé en ophtalmologie décerné par Ibn Nafîs à son élève Abû al-Fadl ibn Abî al-Hasan, l’examen portait sur le livre d’Hippocrate traitant de cette spécialité : « J’ai fait passer l’examen au cheikh sage, savant et vertueux Chams al-Dawla Abû al-Fadl ibn al-Cheikh Abî al-Hasan, qu’Allah prolonge sa félicité, sur l’ensemble de ce livre ; il a donc fait l’explication du livre d’Hippocrate, il s’agit de son fameux livre sur la nature de l’homme, il a montré là la grande lucidité de son esprit ainsi que sa rigueur intellectuelle, qu’Allah, exalté soit-Il, lui permettre de continuer à apprendre et qu’Il fasse de lui une cause de savoir pour les gens ».

Le contrôle des médecins faisait partie des prérogatives et missions de l’institution qui se chargeait du contrôle des poids et mesures. Certains auteurs ont évoqué dans leurs ouvrages le rôle de cette institution et notamment la manière dont le contrôleur des poids et mesures se chargeait du contrôle des médecins, en voici les points essentiels :
- L’examen que passaient les nouveaux médecins se déroulait sous les auspices du contrôleur des poids et mesures, et si ce dernier trouvait qu’un candidat ne jouissait pas du niveau requis, alors il lui ordonnait d’approfondir encore ses études et lui interdisait de continuer à pratiquer la médecine jusqu’à ce que ses compétences soient évaluées lors d’un nouvel examen.
- Ceux dont les compétences étaient évaluées lors de l’examen se devaient de faire un serment médical devant le contrôleur.
- Le médecin était chargé d’écrire sur une feuille le traitement qu’il préconisait pour le malade, feuille que conservait les proches de ce dernier, et si la situation du patient venait à se dégrader ou pire si celui-ci mourait, alors sa famille pouvait amener l’ordonnance écrite par le médecin comportant le traitement au chef des médecins, lequel, après étude, pouvait dire que le traitement était juste et que la mort du patient était due au destin ou bien dire au contraire qu’il s’agissait d’une erreur médicale, et dans ce cas-là la famille pouvait demandait le prix du sang au médecin pour avoir tué leur proche à cause de sa mauvaise pratique de la médecine ou de sa négligence.
- Le contrôleur des poids et mesures était en charge de la surveillance du travail des médecins et des pharmaciens, ils évaluaient notamment leur professionnalisme.
- Le contrôleur vérifiait la qualité et l’état des outils médicaux employés par le médecin.
- Le contrôleur était celui qui réprimait par la loi ceux qui pratiquaient la médecine sans science ni expérience.

Les registres de l’institution chargée du contrôle des poids et mesures nous révèlent que celle-ci contrôlait la pratique médicale et les médecins avec une extrême rigueur et un très grand sérieux. A titre d’exemple, on trouve ce qu’a écrit ‘Abd al-Rahmân ibn Nasr al-Chîzrî dans son ouvrage intitulé Nihâya al-rutba al-tharîfa fî talab al-hisba al-charîfa lorsqu’il présente les choses essentielles que doivent accomplir les chirurgiens, parmi celles-ci il y a le fait que ces praticiens doivent soumettre leur exercice de la médecine au contrôle stricte du contrôleur des poids et mesures. En outre, al-Chizrî expliquent dans son ouvrage les différentes choses auxquelles devaient se conformer un chirurgien pour pouvoir continuer à exercer sans encourir une interdiction de la part du contrôleur : ce dernier vérifiait que le chirurgien était très scrupuleux dans la pratique de son métier, qu’il avait une grande habilité manuelle ainsi qu’une très bonne vue, qu’il demandait l’aval des proches du malade avant d’opérer dans le cas ou celui-ci était mineur, qu’il veillait à ce que l’opération se fasse à un moment idéal du point de vue de l’atmosphère et de l’état corporel du patient ou encore qu’il préparait comme il se devait le lieu de l’opération afin que l’éclairage soit optimum ; par ailleurs, le contrôleur évaluait l’état psychologique du chirurgien, de plus il vérifiait la qualité du bistouri employé lors des interventions, il contrôlait la stérilisation des autres outils utilisés par le praticien lors de l’opération, il connaissait les états de santé qui ne permettaient au patient de subir une intervention chirurgicale ou ceux pour lesquels celle-ci était possible mais en prenant d’extrêmes précautions, il vérifiait la manière dont le chirurgien manipulait le bistouri, c’est-à-dire qu’il s’assurait que ce dernier maîtrisait parfaitement son outil et qu’il l’employait avec une grande précision, etc. On constate donc à travers cet exemple édifiant que rien n’était laissé au hasard, il est évident que seuls les chirurgiens sérieux et d’un grand professionnalisme pouvaient obtenir l’aval du contrôleur pour exercer leur métier, les bouchers et autres charlatans aux diplômes falsifiés étaient, par ce système, maintenus fort loin des patients.

En résumé, nous avons voulu montrer ici le haut niveau atteint par la civilisation islamique au Moyen Âge dans le domaine du contrôle des médecins et de leur pratique médicale. Mais hélas cette belle civilisation et ses contributions exceptionnelles apportées à l’humanité sont maintenant oubliées des musulmans à cause de différents facteurs comme l’occidentalisation du monde arabo-musulman qui est désormais traversé par de multiples mouvements de pensée négatifs, l’influence des médias diffusés dans nos sociétés et qui ne se réclament jamais ou rarement de la Oumma ou de son identité ou bien encore la terrible tyrannie que subissent les musulmans depuis des siècles et qui les ont faits descendre de leur piédestal au point qu’après avoir été les leaders dans tous les domaines ils devinrent, et jusqu’à aujourd’hui, les simples suiveurs de leurs ennemis.
 

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