Le système bancaire islamique a réussi s’imposer ainsi qu’à proposer une vision islamique de l’économie et des transactions financières, et ce, pas simplement au sein des pays musulmans, mais également aux quatre coins du monde. Cette réussite s’est concrétisée par une augmentation significative du nombre des institutions bancaires islamiques, par un intérêt grandissant pour le système financier islamique et par une progression importante du recours au financement islamique. Cette évolution a été confirmée par des études récentes menées par le Centre de recherches du congrès des banques islamiques ; ces études ont en outre montré que les banques islamiques sont plus à même de faire face à la crise financière que les banques traditionnelles.
Ces conclusions concernant le système bancaire islamique ne sont pas étonnantes, si celui-ci est appliqué comme il se doit, il peut résoudre les problèmes et détraquements dont souffre le système financier international. Le spécialiste de l’économie islamique le docteur Sâmî al-Suwailm a affirmé : « L’économie islamique peut en principe participer à une reconstruction d’un système économique global fondé sur la réalisation d’une stabilité qui se ferait à travers un lien entre les dettes et la richesse réelle. Il y a contrat de financement islamique seulement si les dettes, qui lui sont liées grâce à une activité réelle et qui à travers ce contrat créent de la valeur ajoutée, participent à l’édification de l’économie. Il n’existe pas dans ce type de financement de dettes faisant des bénéfices séparées d’une activité économique réelle ; ainsi, il n’est pas possible de mettre en place une pyramide inversée dans l’économie islamique. Malheureusement, si nous observons la réalité du financement islamique, nous constatons que tous les indicateurs nous montrent que cette pyramide inversée existe dans ce système ».
Afin que les institutions financières islamiques s’assurent qu’on ait recours à elles au niveau mondial, elles doivent prendre une série de mesures et disposer d’un environnement correspondant à son activité, et ce, malgré les difficultés et les défis qui l’entourent de tous les côtés ; parmi ces mesures on trouve :
- Une étude des législations, des normes et des règles bancaires internationales ainsi qu’un suivi de leurs évolutions et changements.
- La création d’une académie internationale spécialisée dans l’enseignement et la formation de tout ce qui a trait aux sciences et relations financières contemporaines, et ce, dans différentes langues, le but étant de former une génération ayant la culture et les connaissances lui permettant de diriger des banques islamiques dans un environnement caractérisé par une forte concurrence et par une mondialisation dans laquelle toutes les frontières sont tombées.
- Une orientation des savants spécialistes de la finance islamique et des membres des institutions religieuses vers une compréhension et une assimilation des dernières évolutions de l’économie et de la finance au niveau international.
- La création d’un organisme de coordination entre les diverses institutions de développement de l’industrie (la Direction générale de l’organisme de comptabilité et de vérification, la Direction des services financiers islamiques, etc.) afin de suivre les évolutions de l’extension de l’industrie au niveau mondial et une étude des obstacles rencontrés par ces institutions ou des défis qu’elles doivent relever, des solutions à ces problèmes pourront être trouvées à travers la création d’un système d’alerte très réactif. Il est à noter que la Direction générale des banques islamiques a accompli des efforts importants dans le domaine de l’observation des informations ayant trait à la crise financière et aux erreurs commises par les décideurs au niveau économique et financier en Occident ; à ce propos, cette institution islamique invite ces derniers à s’intéresser au système économique et financier islamique afin qu’ils reconnaissent sa capacité à pouvoir régler les problèmes du système financier international et amoindrir les effets de la crise financière mondiale.
- L’ouverture d’un dialogue universel au niveau des politiques générales entre les institutions financières islamiques, notamment à travers les organismes spécialisés comme la direction des services financiers islamiques et la direction générale des banques, de même qu’un dialogue doit s’installer entre les institutions financières islamiques et les banques centrales et les banques et institutions financières internationales ; le but de ce dialogue étant d’expliquer le message industriel et financier islamique, le défendre lors des réunions internationales et le présenter comme étant un partenaire actif dans la construction d’un nouveau système financier international.
C’est en prenant ces diverses mesures que l’industrie pourra se construire un avenir prometteur qui unira professionnalisme et respect des règles législatives islamiques, sans cela nous obtiendrons quelque chose d’informe ne relevant ni du système islamique ni du système traditionnel, et ainsi au niveau mondial les bases de la finance islamique resteraient très fragiles, quand bien même elle se développerait beaucoup. Malgré ces possibles écueils une chose est plus importante que tout cela, il s’agit de la mise en avant d’un principe économique fondé sur la justice et l’éthique ainsi que la reconnaissance par les Occidentaux que la finance islamique est la meilleure solution pour régler les problèmes dont souffrent l’économie et la finance mondiales, et notamment ceux qui sont liés à la crise systémique qui secoue le monde depuis 2008.
Malgré les réalisations positives accomplies par le système financier islamique, celui-ci rencontre toujours des difficultés et des obstacles auxquels il faut trouver des solutions ; par ailleurs, il doit répondre à des besoins au niveau mondial, parmi ceux-ci on trouve :
1- Unification des normes et des transactions :
Les banques islamiques ont fait des efforts qu’il faut saluer pour unifier les normes de leurs transactions, elles ont donc dans ce domaine réalisé de nombreuses avancées, parmi celles-ci : création de normes islamiquement légales par l’organisme de comptabilité et de vérification des institutions financières islamiques ; l’organisme légale pour la surveillance et la classification, qui coordonne ses travaux avec la Direction générale des banques et institutions financières islamiques, travaille désormais à la classification des produits de l’industrie, de même qu’elle cherche à trouver des normes unifiées qui serviraient à l’industrie dans son ensemble ; les fatwas et décisions religieuses émanant des conseils juridiques et des assemblées se réunissant périodiquement, à l’instar de l’assemblée de la Baraka, ont beaucoup aidé à la création de normes unifiées pour le secteur bancaire islamique.
2- Application des normes internationales :
Il incombe aux institutions financières islamiques d’appliquer les normes internationales qui régissent le système financier et bancaire international, la plus importante de ces normes, et celle qui représente le plus grand défi, est la norme Basil 2, laquelle est liée au fait que le capital doit être suffisamment important, et ce, pour plusieurs raisons : le fait que les banques islamiques ont besoin d’un capital plus grand que les banques classiques est la conséquence de la nature de la participation aux risques dans les diverses formes de financement islamique ; il est nécessaire de séparer les fonds du capital destinés à rester en dépôt et ceux destinés à l’investissement.
3- La participation au développement et le combat contre la pauvreté :
Une participation efficace des banques islamiques dans le nouveau système financier international pourrait se faire à plusieurs niveaux dont les plus importants sont :
-La participation à des grands projets de développement aidant à un développement économique et social réel dans différents pays peut amener les banques islamiques à augmenter le nombre des sukûk et à réunir des ressources pour soutenir les projets de développement. Un rapport de l’agence Moodeys a prévu que les marchés d’investissement islamiques et les obligations vont se développer et se diversifier. Une étude a estimé que le marché des sukûk a commencé à sortir de ses formes traditionnelles pour aller vers des perspectives plus larges et une conformité aux exigences actuelles ; néanmoins, il est nécessaire que tout cela se fasse en accord avec les règles de la Charia, ainsi des notes issues d’instances religieuses concernant la création de sukûk islamiques ont déjà été produites.
-Une participation effective, importante et étendue aux projets de lutte contre la pauvreté dans tous les coins du monde. Ce dernier domaine est celui qui montre le plus clairement l’aspect moral du financement islamique, cela nécessite de la part des institutions financières islamiques qu’elles mettent en place des programmes complets, à ce propos il ne suffit pas que les banques islamiques ne pratiquent pas l’intérêt, mais on attend d’elles qu’elles fournissent des efforts plus grands afin qu’elles viennent en aide aux petits entrepreneurs, ce qui aura nécessairement des conséquences positives sur les aspects économique et social.
4- Les lois et les législations :
Il incombe aux institutions financières islamiques d’apprendre à connaître de manière professionnelle les législations locales propres à chaque pays ainsi que les législations et les lois qui régissent le système financier et banquier mondial tout en gardant la mesure dans leurs relations légales et réglementaires avec les institutions financières traditionnelles.
Il est de plus en plus nécessaire aux banques islamiques d’être prudentes afin de ne pas commettre des choses plus qu’ambiguës islamiquement lorsqu’elles sont contraintes de travailler dans un cadre légal qui n’est pas régi par des règles islamiques, de plus elles sont appelées à faire des efforts pour montrer les aspects pratiques des règles islamiques, lesquelles peuvent profiter au système financier occidental (traditionnel) ; en effet, les Occidentaux pensent que les lois islamiques ne concernent que l’aspect purement religieux et non les aspects pratiques et qu’elles se concentrent sur les points de divergences entre la mise en pratique islamique et celle occidentale. Bien que la différence entre les règles islamiques et les lois occidentales est évidente, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas des points de convergences entre les deux systèmes ; c’est peut-être cette réalité qui a amené le spécialiste Rodney Wilson à déclarer que bon nombre de banquiers occidentaux considèrent le financement islamique comme le (seul) domaine qui permettrait à l’Occident d’ouvrir un vrai dialogue avec les musulmans.
5- La création et le développement des produits financiers :
Les banques islamiques ne pourront être concurrentielles au niveau mondial que si elles remplissent quelques conditions obligatoires ; ainsi, ces banques devront notamment s’appuyer beaucoup sur la création d’outils financiers qui correspondent aux exigences actuelles du marché, mais qui en même temps doivent être en accord avec la Charia. Ces créations ne doivent pas être une imitation aveugle des produits financiers occidentaux auxquels on donnerait simplement une apparence islamique sans se préoccuper sérieusement de leur contenu réel, ce type de bricolage aboutirait nécessairement à des produits dénués de toute âme islamique, on pourrait même comparer ces derniers à des bêtes non-sacrifiées à la manière islamique.
Le Cheikh Taqî ‘Uthmânî a déclaré : « Certaines banques islamiques imitent n’importe quel produit financier classique au point qu’elles cherchent des substituts aux dérivées islamiques ; si ces dernières continuent sur cette voie, elles vont perdre tout ce qui fait leur spécificité ».
L’innovation en termes de produits financiers implique qu’il faille profiter des techniques modernes au développement accéléré qui constituent l’un des grands facteurs de la force du système financier traditionnel. L’intérêt pour l’innovation de ces produits est renforcé par le fait que les indicateurs, les indices et les faits attestent que l’avenir du secteur bancaire islamique est très prometteur, le spécialiste occidental Rodney Wilson a même affirmé lors d’un congrès au Moyen-Orient que le système financier islamique est habilité à tracer le futur chemin des relations financières internationales.